Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 25 novembre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré sa décision rejetant implicitement le recours hiérarchique formé par l'Etablissement public de sécurité ferroviaire contre la décision du 24 mars 2014 de l'inspecteur du travail refusant à cet établissement public l'autorisation de le licencier, et, d'autre part, retiré cette décision de l'inspecteur du travail du 24 mars 2014 et autorisé l'Etablissement public de sécurité ferroviaire à le licencier.
Par un jugement n° 1500279 du 25 avril 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2017, M.B..., représenté par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 avril 2017 ;
2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 25 novembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etablissement public de sécurité ferroviaire la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me D...A..., représentant l'Etablissement public de sécurité ferroviaire.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a été recruté le 22 mai 2006 par un contrat de droit privé à durée indéterminée, en tant qu'assistant de gestion des ressources humaines, par l'Etablissement public de sécurité ferroviaire, et a ensuite exercé les fonctions de gestionnaire de paie et d'administration du personnel à compter du 1er juillet 2007. Il exerce, depuis 2009, les mandats de titulaire de la délégation unique du personnel (DUP). Le 4 septembre 2013, il a été désigné représentant de la section syndicale de l'UFM CGT des cheminots de la Somme. Il est également représentant du personnel titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. L'Etablissement public de sécurité ferroviaire a sollicité, par lettre du 28 janvier 2014, l'autorisation de licencier M.B.... Par une décision du 24 mars 2014, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder cette autorisation. Saisi d'un recours hiérarchique, le ministre chargé du travail a d'abord implicitement rejeté ce recours, puis, par une décision du 25 novembre 2014, retiré cette décision implicite ainsi que la décision du 24 mars 2014 de l'inspecteur du travail, et a autorisé l'Etablissement public de sécurité ferroviaire à licencier M.B.... M. B...relève appel du jugement du 25 avril 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour écarter le moyen tiré de ce que l'Etablissement public de sécurité ferroviaire aurait commis une erreur de droit en invitant M. B... à présenter des observations écrites dans l'hypothèse où il ne pourrait se rendre à l'entretien préalable le 7 janvier 2014, sans toutefois lui indiquer, dans la lettre de convocation, les griefs qui lui étaient reprochés et en le privant ainsi de la possibilité de donner une portée utile à ses observations, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir rappelé qu'aucune disposition du code du travail n'oblige l'employeur à mentionner les motifs du licenciement envisagé dans la lettre de convocation du salarié à l'entretien préalable, a estimé que M. B...n'établissait pas ne pas pouvoir se rendre à cet entretien préalable et par suite, ne pouvait invoquer utilement soutenir que les motifs du licenciement ne lui avaient pas été préalablement indiqués. Ce faisant, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. ". Aux termes de l'article L. 1232-3 du même code : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. ". Aux termes de l'article R. 1232-1 de ce code : " La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien. Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié ".
4. Aucune disposition du code du travail n'oblige l'employeur à mentionner les motifs du licenciement envisagé dans la lettre de convocation du salarié à l'entretien préalable, ces motifs étant exposés au cours de cet entretien.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a été convoqué à un entretien préalable au licenciement devant se tenir le 2 janvier 2014. Par courrier recommandé reçu par l'employeur le 30 décembre 2013, il a sollicité le report de cet entretien en se prévalant d'un arrêt maladie accordé pour la période comprise entre le 27 décembre 2013 et le 6 janvier 2014. Par lettre datée du 3 janvier 2014, l'Etablissement public de sécurité ferroviaire, constatant que M. B...ne s'était pas présenté le 2 janvier 2014, a accepté de reporter l'entretien préalable au 7 janvier 2014, soit à l'issue de l'arrêt maladie. Dans ce même courrier, l'établissement public a informé M.B..., d'une part, qu'aucun nouveau report n'était envisageable et, d'autre part, qu'il pouvait en cas d'indisponibilité le 7 janvier 2014, faire part de ses observations par écrit. Si l'employeur, alors au demeurant que rien ne l'y obligeait, a évoqué la possibilité de présenter des observations écrites, il n'était pas tenu, dans la lettre de convocation du 3 janvier 2014, d'indiquer spontanément à M. B...les griefs sur lesquels il entendait recueillir ses explications, dès lors qu'il n'était nullement établi à cette date que M. B...ne pourrait se rendre à l'entretien fixé le 7 janvier 2014. Par suite, le moyen tiré de ce que la convocation à l'entretien préalable serait irrégulière doit être écarté.
6. Aux termes des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. " . Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision.
7. M. B...soutient qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations sur une note confidentielle du 26 septembre 2014 signée par la directrice du cabinet du secrétariat d'Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche et adressée au directeur du cabinet du ministre chargé du travail, dont le contenu lui est défavorable et qui se réfère au contenu d'un rapport d'enquête administrative ordonnée par le secrétaire d'Etat chargé des transports au cours de l'année 2013 sur l'organisation et le management de l'établissement. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des motifs de la décision du ministre, que pour prendre sa décision, celui-ci se serait, même implicitement, fondé sur le contenu de cette note. Il n'est au demeurant pas établi que le service chargé de l'instruction du recours hiérarchique aurait eu directement connaissance de ce document. Cette intervention de l'autorité de tutelle n'a eu pour objet que d'appuyer le recours hiérarchique de l'Etablissement public de sécurité ferroviaire sans contenir d'éléments nouveaux sur lesquels le ministre se serait fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire aurait été méconnu doit être écarté.
8. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé.
9. Il résulte d'un échange de courriers électroniques en date du 5 décembre 2013 entre la directrice des ressources humaines de l'Etablissement public de sécurité ferroviaire et M. B..., que celui-ci a, au cours de la réunion du comité d'entreprise du même jour, tenu des propos discriminatoires à l'égard du nouveau secrétaire du comité d'entreprise, qui lui avait succédé, et qui était absent à cette séance, en ces termes : " Lors de cette séance, on se serait cru dans une dictature ; il y a eu un coup d'Etat au sein de la DUP et on a mis un dictateur comme secrétaire, l'Islam a pris le dessus ! ". M.B..., qui ne conteste pas la teneur de ses propos, se borne à soutenir que l'Etablissement public de sécurité ferroviaire en a assuré lui-même la publicité auprès des membres de la DUP. Une telle allégation n'est pas de nature à remettre en cause la réalité des propos et leur caractère injurieux, et ce alors même qu'ils s'inscrivent dans un contexte de vives tensions au sein de la DUP. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'en raison du comportement de M.B..., qui estimait dans un courrier électronique du 1er décembre 2013 adressé, par la messagerie professionnelle, à l'ensemble des salariés de l'Etablissement public de sécurité ferroviaire, que certains membres de la DUP avaient été " mis en place, de façon illégale, par l'employeur suite à une pantalonnade ", le fonctionnement des instances représentatives du personnel a été sérieusement affecté. Ainsi, seuls ont siégé lors de la réunion du comité d'entreprise du 5 décembre 2013, outre la directrice des ressources humaines, M. B...et une autre représentante de la CGT. Il ressort de courriers adressés à la directrice des ressources humaines que des membres de la DUP ont explicitement renoncé à siéger, craignant d'être victimes du comportement de M.B.... Il ressort également des pièces du dossier que trois membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ont, le 26 août 2013, exercé leur droit d'alerte en raison des agissements répétés de M. B... ayant pour objet et effet une dégradation des conditions de travail. Une enquête a alors été menée par ce comité, qui a procédé à des auditions. Il ressort de plusieurs témoignages recueillis et concordants que les agissements de M. B...ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail au sein de l'établissement public et de nuire à la sérénité et à la qualité du travail accompli par certains salariés. Dans un courrier du 16 décembre 2013, le médecin du travail a également préconisé la suspension des réunions de la DUP dans l'attente de la mise en place d'actions concrètes compte tenu du constat d'altération de la santé des salariés de la DUP causés par les difficultés relationnelles au sein de celle-ci. Il a également estimé que la poursuite d'une exposition des salariés affectés présenterait un danger pour ces salariés. Si M. B... conteste la réalité de ces faits et reproche au rapport d'enquête son manque d'impartialité, il ne ressort pas des termes du rapport rédigé par deux membres du CHSCT que ceux-ci auraient fait preuve d'une animosité particulière à l'égard de M.B.... Si le requérant soutient qu'il aurait été mis à l'écart par certains de ses collègues ainsi que par la direction de l'établissement, il se borne à produire à l'appui de ces allégations des documents rédigés, soit par ses soins, soit par une représentante de la CGT qui, au regard des procès-verbaux des auditions mentionnées ci-dessus, s'est elle-même associée à plusieurs reprises aux excès de comportement de M.B.... Le courrier électronique du 10 mars 2014 émanant d'un autre membre élu du comité d'entreprise n'est pas davantage de nature à établir que l'ancien directeur de l'établissement aurait cherché à l'évincer. Eu égard au caractère répété du comportement agressif et irrévérencieux de M. B... à l'égard de ses collègues, membres de la DUP, ainsi qu'à ses répercussions sur le fonctionnement des instances représentatives du personnel de l'Etablissement public de sécurité ferroviaire et, par suite, sur le fonctionnement même de celui-ci, le ministre chargé du travail a pu légalement estimer que ces faits rendaient impossible le maintien de M. B...au sein de l'établissement public et, par suite, justifiaient l'autorisation de le licencier. Par suite, les moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits reprochés à M. B... et de l'erreur qu'aurait commise le ministre doivent être écartés.
10. M. B...soutient être victime d'une discrimination syndicale, en raison du caractère récurrent des demandes d'autorisation de licenciement dont il a fait l'objet en 2011 et 2014, des difficultés à obtenir le versement de ses indemnités journalières, et du fait que son employeur aurait cherché à lui imposer la présence de deux de ses collaborateurs pour élaborer les ordres du jour du comité d'entreprise. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... a adressé à son employeur des mises en demeure pour obtenir le règlement de sommes qu'il estimait lui être dues, il n'apporte aucune précision sur l'issue de ces démarches. La circonstance qu'il ait déjà fait l'objet en 2011 d'une précédente demande d'autorisation de licenciement ne permet pas de présumer que les deux nouvelles procédures étroitement liées engagées en 2013 et 2014 seraient en lien avec son appartenance syndicale. De même, ne révèle pas l'existence d'un tel lien la mise au point effectuée par l'inspecteur du travail dans un courrier du 25 avril 2013, adressé à l'Etablissement public de sécurité ferroviaire, sur les conditions d'élaboration de l'ordre du jour du comité d'entreprise. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le comportement agressif de M. B...a excédé les limites de l'exercice normal d'un mandat syndical et représentatif. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il existerait un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats du requérant doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etablissement public de sécurité ferroviaire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme réclamée par l'Etablissement public de sécurité ferroviaire au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etablissement public de sécurité ferroviaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à la ministre du travail et à l'Etablissement public de sécurité ferroviaire.
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N°17DA01290
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N°"Numéro"