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07/03/2019 | FRANCE | N°18DA01505

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 07 mars 2019, 18DA01505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F..., épouseE..., a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 octobre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1800711 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2018, MmeF..., épouseE..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F..., épouseE..., a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 octobre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1800711 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2018, MmeF..., épouseE..., représentée par Me D...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2018 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour d'un an, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...F..., épouseE..., ressortissante marocaine née le 20 juillet 1983, est entrée en France le 27 avril 2016, sous couvert d'un visa touristique de court séjour de trente jours. Elle s'est mariée le 14 janvier 2017 avec M. B...E..., ressortissant algérien né en 1978, présent en France depuis 2004 et titulaire d'une carte de résident depuis 2010. Le 20 janvier 2014, MmeF..., épouse E...a demandé l'attribution d'un titre de séjour fondé sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève appel du jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Sur la régularité du jugement :

2. MmeF..., épouseE..., soutient que le tribunal aurait omis de répondre aux moyens tirés de ce que le jugement en litige, en ne distinguant pas les notions de vie privée et de vie familiale dans les différentes décisions, serait entaché d'omission à statuer. Toutefois, le premier juge s'est prononcé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles protègent tant la vie familiale que la vie privée, et n'avait pas à se prononcer sur l'ensemble des arguments invoqués par le requérant à l'appui de ce moyen. Par suite, ce moyen d'omission à statuer doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de l'ensemble des décisions :

3. D'une part, les décisions contestées visent les textes dont elles font application et énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent. Ces considérations sont suffisamment développées pour mettre utilement MmeF..., épouseE..., en mesure de discuter les motifs de ces décisions et le juge d'exercer son contrôle en pleine connaissance de cause. Le préfet, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de Mme F..., épouseE..., a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision.

4. D'autre part, s'il est constant que MmeF..., épouseE..., a donné naissance à un enfant le 4 décembre 2017, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'elle aurait effectivement et réellement informé la préfète de la Seine-Maritime de ce qu'elle était enceinte en produisant un certificat de grossesse précisant clairement sa situation. La seule production, en première instance, d'une pièce 8 intitulée simplement " Diabète " dans le bordereau de pièces, mention devenue en appel " Consultation relative au diabète de MmeF... ", document ne comportant aucun titre et composé essentiellement de séries d'abréviations médicales, sans aucun commentaire sur les conclusions à en tirer, ainsi que la mention incidente d'une grossesse de cinq mois, sans aucune autre précision, dans un courrier électronique du 19 juillet 2017 à la préfecture de la Seine-Maritime dont l'objet était l'état d'avancement de son dossier de demande de titre de séjour, ne peuvent sérieusement établir la réalité de l'information effective de l'administration et la méconnaissance d'un élément de fait. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de la requérante.

En ce qui concerne la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :

5. Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Droit au respect de la vie privée et familiale / 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

6. Ainsi qu'il est dit au point 1, MmeF..., épouseE..., est entrée en France le 27 avril 2016 sous couvert d'un visa touristique de court séjour de trente jours. Elle a contracté mariage avec M. E...le 14 janvier 2017 et demandé, six jours plus tard, la délivrance d'un titre de séjour fondé sur les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Arrivée récemment sur le territoire national, elle ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni la réalité de liens stables, anciens et personnels avec la France, alors qu'elle a vécu dans son pays d'origine, où elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale, jusqu'à l'âge de trente-trois ans. Il est également constant que M. E...n'avait introduit aucune demande de regroupement familial et que l'administration en avait informé MmeF..., épouseE..., dès le 26 avril 2017. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de MmeF..., épouseE...,, l'arrêté du 3 octobre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

7. Il résulte de ce qui précède que MmeF..., épouseE..., ne peut soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

8. En application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du retrait ou du refus de titre de séjour, dont elle découle nécessairement, quand elle a été prise sur le fondement du 3° de ce I, comme en l'espèce. Par suite, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation d'une telle obligation n'implique pas de mention spécifique pour respecter l'exigence de motivation des actes administratifs. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français manque en fait.

9. Ainsi qu'il est dit aux points 1 et 5, MmeF..., épouseE..., a fondé sa demande de titre de séjour sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celle du 11° de cet article relatif à la délivrance d'un titre santé. Elle ne peut, dès lors, utilement soutenir qu'elle aurait dû être examinée par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Et au demeurant, ainsi qu'il est dit au point 4, elle n'a pas effectivement et réellement informé l'administration de sa grossesse. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

10. Ainsi qu'il est dit au point précédent, MmeF..., épouseE..., n'a en outre jamais fait état de problèmes de santé auprès de la préfète de Seine-Maritime et ne l'a pas informée de sa grossesse. Elle ne peut dès lors soutenir que les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues ou que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui précède que MmeF..., épouseE..., ne peut soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que MmeF..., épouseE..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MmeF..., épouseE..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F..., épouseE..., au ministre de l'intérieur et à Me D...A....

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

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N°18DA01505

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01505
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-07;18da01505 ?
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