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07/03/2019 | FRANCE | N°18DA01483

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 07 mars 2019, 18DA01483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) PPK a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2008 à 2010, d'autre part, des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010.

Par un jugement n° 1303309 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Lille a rejet

cette demande.

Par un arrêt n° 16DA00962 du 28 mars 2017, la cour administrative d'app...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) PPK a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2008 à 2010, d'autre part, des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010.

Par un jugement n° 1303309 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16DA00962 du 28 mars 2017, la cour administrative d'appel de Douai, saisie d'un appel interjeté contre ce jugement par la SARL PPK, a rejeté sa requête.

Par une décision n° 410924 du 11 juillet 2018, le Conseil d'Etat, sur un pourvoi de la SARL PPK, a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé le jugement de l'affaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 mai 2016, le 28 septembre 2016, le 8 mars 2017 et le 27 septembre 2018, la SARL PPK, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 avril 2016 ;

2°) de prononcer la décharge d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, à concurrence d'une somme de 126 590 euros et d'autre part des rappels de taxe sur les véhicules de sociétés en litige, à concurrence d'une somme de 241 299 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL PPK.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée PPK, qui exerce une activité consistant à proposer à ses clients des stages de pilotage de véhicules sur circuit, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2010. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale l'a assujettie, notamment, à des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules de sociétés, au motif que son activité ne pouvait être regardée comme une activité d'enseignement de la conduite. Le tribunal administratif de Lille a, par un jugement du 28 avril 2016, rejeté sa demande de décharge de ces rappels de taxes. La société PPK a relevé appel de ce jugement. Par un arrêt du 28 mars 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête. Toutefois, par une décision du 11 juillet 2018, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé le jugement de l'affaire.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Enfin, le IV de l'article 206 de la même annexe de ce code prévoit : " 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : / (...) / d. Affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite ; / (...) ".

3. Il résulte de l'économie générale de ces dispositions que si, aux fins de limiter les risques de fraude, les véhicules conçus pour transporter des personnes sont exclus du droit général à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, cette exclusion ne s'applique pas aux assujettis dont les véhicules sont affectés de façon exclusive à l'enseignement professionnel de la conduite. A cet égard, le fait que la prestation d'enseignement soit exercée dans un contexte de loisir et n'ait pas un caractère diplômant est sans incidence sur le bénéfice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

4. Il résulte de l'instruction que la société PPK organise des stages de conduite automobile sportive sur piste à destination du grand public. Pour ce faire, elle met à la disposition des stagiaires des véhicules de tourisme d'exception, ainsi que des véhicules monoplaces de type " Formule France ". Les stages qu'elle propose et qu'elle organise sur plusieurs circuits automobiles situés en France et en Belgique, comportent un module comprenant un enseignement théorique destiné à assimiler les règles de pilotage et de sécurité sur piste, ainsi qu'à appréhender le maniement particulier sur circuit des différents types de véhicules mis à disposition. Ces stages comprennent, en outre, un module d'application pratique prenant la forme de séances de conduite sportive encadrées par des moniteurs spécialisés. Ces derniers sont titulaires d'un brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BPJEPS) de niveau IV, dans la spécialité des sports automobiles et sont en possession d'une carte professionnelle qui leur a été délivrée en cette qualité par l'autorité préfectorale. La SARL PPK est, quant à elle, déclarée auprès des services de l'Etat comme établissement d'enseignement. Elle doit être regardée, dans ces conditions, comme dispensant, à l'occasion des stages qu'elle organise, un enseignement professionnel de la conduite, peu important que ces sessions s'inscrivent pour les stagiaires dans le contexte d'une activité de loisir et qu'aucun diplôme officiel ne soit délivré à l'issue de celles-ci.

5. Le ministre fait cependant valoir que la SARL PPK ne pourrait prétendre au bénéfice de l'exception à l'exclusion au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat des véhicules de tourisme qu'elle utilise durant ces stages, dès lors que ces véhicules ne seraient pas affectés de façon exclusive à ces sessions d'enseignement de conduite sur circuit, mais qu'ils seraient, en outre, utilisés par elle pour proposer des prestations de baptême de piste. Toutefois, dans le dernier état de ses écritures, la SARL PPK soutient, sans être contredite, que les baptêmes de piste qu'elle propose en utilisant les véhicules qui sont à l'origine du litige ne sont pas distincts des stages qu'elle organise, mais qu'ils en constituent la séance introductive, qui permet de donner aux stagiaires une première illustration pratique des règles et des méthodes de conduite qu'ils seront eux-mêmes appelés à mettre en oeuvre au cours de la session et de leur montrer les objectifs qu'ils devront atteindre. Elle ajoute, sans être davantage contredite, que les rares séances d'initiation qui ont été organisées indépendamment des stages au cours de la période vérifiée ont été dispensées à l'aide de véhicules distincts de ceux pour lesquels le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée est revendiqué. Enfin, les éditions des carnets de bord électroniques de ces derniers véhicules, que la SARL PPK a versées à l'instruction et dont le caractère probant n'est pas contesté, confirment que ceux-ci ont été exclusivement affectés à l'organisation des stages de conduite sur piste dispensés par la société au cours des années 2008, 2009 et 2010, dont le planning est également produit. Par suite et eu égard aux éléments non contestés qu'elle produit, la SARL PPK est fondée à soutenir qu'elle pouvait bénéficier de l'exception prévue par les dispositions précitées du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts en faveur des véhicules affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite et que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ces véhicules et de leurs accessoires a été à tort remise en cause par l'administration.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur les véhicules de société :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article 1010 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules qu'elles utilisent en France quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France, lorsque ces véhicules sont immatriculés dans la catégorie des voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques. / (...) / La taxe n'est toutefois pas applicable aux véhicules destinés exclusivement soit à la vente, soit à la location de courte durée, soit à l'exécution d'un service de transport à la disposition du public, lorsque ces opérations correspondent à l'activité normale de la société propriétaire. / (...) ". En outre, les dispositions de l'article 1010 A, dans leur rédaction applicable, précisent que : " Les véhicules fonctionnant exclusivement ou non au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules, du gaz de pétrole liquéfié ou du superéthanol E85 mentionné au 1 du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes sont exonérés de la taxe prévue à l'article 1010. Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, les véhicules qui fonctionnent alternativement au moyen de supercarburants et de gaz de pétrole liquéfié sont exonérés de la moitié du montant de la taxe prévue à l'article 1010. / (...) ".

7. Il n'est pas contesté que ceux des véhicules utilisés par la SARL PPK qui ont été assujettis à la taxe sur les véhicules de sociétés n'entrent dans aucune des catégories énumérées par les dispositions précitées du code général des impôts. La SARL PPK ne peut dès lors bénéficier, sur le fondement de la loi fiscale, de l'exonération de cette taxe.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. La SARL PPK se prévaut de la documentation administrative 7 M-2313, dans sa version à jour au 1er septembre 1997, en particulier, de son paragraphe 12, aux terme duquel : "12 Il est également admis que les voitures affectées exclusivement à l'enseignement de la conduite automobile ou aux compétitions sportives ne sont pas imposables. ".

9. Eu égard à ce qui a été dit au point 5, la SARL PPK doit être regardée, en l'absence de contestation sérieuse sur ce point, comme ayant affecté exclusivement à l'enseignement de la conduite automobile, au cours de la période s'étendant du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010, ceux de ses véhicules de tourisme qui ont fait l'objet des rappels de taxe sur les véhicules de société en litige. Elle entre ainsi dans les prévisions de l'extrait de doctrine précité. Si le ministre fait valoir que la documentation administrative de base invoquée a été reprise dans une instruction publiée le 1er octobre 2014 au bulletin officiel des finances publiques impôts sous la référence BOI-TFP-TVS-10-30-20141001 et qui a introduit un tempérament selon lequel " en revanche, les entreprises de pilotage sportif sur circuit sont assujetties à la TVS à raison des véhicules nécessaires à leur activité ", cette modification, qu'au demeurant l'administration n'a pas maintenue dans une version de cette instruction publiée ultérieurement, est postérieure aux années d'imposition en litige. La SARL PPK est, par suite, fondée à solliciter le bénéfice, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'extrait de doctrine qu'elle invoque, de même que la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société en litige.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL PPK est fondée, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande, d'autre part, à demander, à concurrence de la somme de 126 590 euros, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et, à concurrence de 241 299 euros, la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société en litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SARL PPK et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 avril 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La SARL PPK est déchargée, dans la limite de la somme de 126 590 euros des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2008 à 2010 et correspondant à la remise en cause du coefficient de déduction, d'autre part, dans la limite de la somme de 241 299 euros, des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL PPK la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée PPK et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA01483

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01483
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Exemptions et exonérations.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Biens ou services ouvrant droit à déduction.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-07;18da01483 ?
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