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07/02/2019 | FRANCE | N°18DA01672

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 07 février 2019, 18DA01672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803967 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre le refus de titre de séjour, a annul

les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803967 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre le refus de titre de séjour, a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et a rejeté le surplus de conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2018, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er avril 1996, déclare être entré en France le 21 juin 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 août 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 25 janvier 2018. Par un arrêté du 5 avril 2018, le préfet du Nord, d'une part, après avoir examiné d'office la possibilité d'admettre l'intéressé au séjour au titre de la vie privée et familiale, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et, d'autre part, constatant le rejet de sa demande d'asile, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 5 juillet 2018 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :

2 Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 19 mars 2018, régulièrement publié au recueil spécial des actes du département du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à Mme C...D..., attachée principale d'administration de l'Etat, directrice adjointe de l'immigration et de l'intégration, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. E..., directeur de l'immigration et de l'intégration, les décisions reprises aux articles 1, 2, 3, 5 et 11 de cet arrêté. L'article 1 liste un certain nombre de décisions parmi lesquelles se trouvent notamment les décisions refusant un titre de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. E... n'aurait pas été absent ou empêché. Mme D... était ainsi compétente pour signer toutes les décisions contestées, en dépit des éventuelles incohérences qui entacheraient d'autres articles de l'arrêté. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

3. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant la juridiction administrative à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. La décision portant refus de titre de séjour n'a pas été annulée par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille. M. A... ne présente aucun nouveau moyen à l'encontre de cette décision. Par suite, il n'est pas fondé à en exciper de l'illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

5. L'arrêté contesté vise le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de M. A.... Il énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour obliger le requérant à quitter le territoire français. Cette mesure est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection internationale, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ainsi que l'indique le " Guide du demandeur d'asile en France " qui lui a été remis à l'occasion du dépôt de sa demande. Il lui appartenait, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utile, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'imposait pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire. Ainsi, la circonstance que M. A... n'ait pas été invité à formuler des observations avant l'édiction de la décision d'éloignement ne permet pas de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par le principe général du droit de l'Union européenne doit, dès lors, être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".

9. Le préfet du Nord produit un extrait de la base de données " Telemofpra ", relative à l'état des procédures des demandes d'asile, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il ressort que la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de M. A... lui a été notifiée le 12 février 2018. Le requérant, qui ne fait état d'aucun élément contraire, n'est dès lors pas fondé à soutenir que le 5 avril 2018, date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, il bénéficiait du droit de se maintenir en France, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions du 5 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 5 juillet 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel de M. A... aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais liés au litige sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°18DA01672 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01672
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-07;18da01672 ?
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