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07/02/2019 | FRANCE | N°17DA00611

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 07 février 2019, 17DA00611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles du Nord-Pas-de-Calais (FRSEA) et M. C... D...ont demandé au tribunal administratif de Lille, par deux demandes enregistrées sous les nos 1409305 et 1500282, d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du 4 juillet 2014 par laquelle le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais a approuvé le schéma régional de cohérence écologique du Nord-Pas-de-Calais, ainsi que la décision du 23 octobre 2014 par laquelle le président du co

nseil général a rejeté leur recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 16 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles du Nord-Pas-de-Calais (FRSEA) et M. C... D...ont demandé au tribunal administratif de Lille, par deux demandes enregistrées sous les nos 1409305 et 1500282, d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du 4 juillet 2014 par laquelle le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais a approuvé le schéma régional de cohérence écologique du Nord-Pas-de-Calais, ainsi que la décision du 23 octobre 2014 par laquelle le président du conseil général a rejeté leur recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 16 juillet 2014 par lequel le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a approuvé le schéma régional de cohérence écologique du Nord-Pas-de-Calais, ainsi que la décision implicite par laquelle il a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement nos 1409305 et 1500282 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces deux demandes, a annulé la délibération du 4 juillet 2014 et l'arrêté du 16 juillet 2014 et rejeté le surplus des deux demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2017, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles du Nord-Pas-de-Calais et de M.D....

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles du Nord-Pas-de-Calais et M.D....

Considérant ce qui suit :

1. Le schéma régional de cohérence écologique de la région Nord-Pas-de-Calais a été adopté par une délibération du conseil régional de la région Nord-Pas-de-Calais du 4 juillet 2014 et par un arrêté du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais du 16 juillet 2014. La fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles (FRSEA) du Nord-Pas-de-Calais et M. D...ont formé ensemble deux demandes tendant à l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les deux demandes, a annulé la délibération du 4 juillet 2014 et l'arrêté du 16 juillet 2014, en raison d'un vice de procédure résultant de ce que le préfet de région avait également tenu le rôle d'autorité de l'Etat chargée de la consultation en matière environnementale, en application des dispositions du 14° du I de l'article R. 122-17 du code de l'environnement, issues du décret n° 2012-616 du 2 mai 2012, qui ont été annulées par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux. La ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Lille a relevé, au point 5 de son jugement, que si, ainsi que le soutenait le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, M. D...était dépourvu d'intérêt à agir à l'encontre des décisions en litige, faute de justifier qu'il exploite effectivement des parcelles agricoles concernées par le schéma régional de cohérence écologique, les demandes n'en étaient pas moins recevables dès lors qu'elles étaient présentées par la FRSEA du Nord-Pas-de-Calais, qui justifiait, pour sa part, d'un tel intérêt. Ce faisant, le tribunal a suffisamment répondu à la fin de non-recevoir opposée par le préfet et tirée du défaut d'intérêt à agir des demandeurs.

3. En admettant la recevabilité de la demande de la FRSEA du Nord-Pas-de-Calais, au motif que le schéma régional de cohérence écologique présente le caractère d'un acte faisant grief, d'une part, et en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de reporter les effets dans le temps de l'annulation des actes en cause, au motif qu'aucune considération impérieuse liée à la protection de l'environnement ne le justifiait, d'autre part, le tribunal administratif de Lille n'a entaché les motifs de son jugement d'aucune contradiction, laquelle au demeurant, à la supposer même établie, aurait affecté le bien-fondé du jugement attaqué et non sa régularité.

4. En indiquant, au point 12 du jugement attaqué, que le vice de procédure affectant le schéma régional de cohérence écologique constitue une irrégularité substantielle, le tribunal administratif a suffisamment répondu, en tout état de cause, au moyen de défense du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais qui avait invoqué, dans ses écritures, la jurisprudence selon laquelle, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité des demandes en tant qu'elles sont présentées par M. D... :

6. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif au point 5 du jugement attaqué, par des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter, le défaut d'intérêt à agir de M. D...n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité des demandes, dès lors que celles-ci sont recevables en tant qu'elles sont présentées par la FRSEA du Nord-Pas-de-Calais.

En ce qui concerne la portée du vice de procédure affectant les décisions en litige :

7. Comme cela a été rappelé au point 4, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. Pour annuler les décisions en litige, par lesquelles le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais et le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais ont approuvé le schéma régional de cohérence écologique, le tribunal administratif de Lille s'est fondé, ainsi qu'il a été dit au point 1, sur l'illégalité des dispositions du 14° du I de l'article R. 122-17 du code de l'environnement, issues de l'article 1er du décret du 2 mai 2012, en tant qu'elles confiaient au préfet de région à la fois la compétence pour élaborer et approuver le schéma de cohérence écologique et la compétence consultative en matière environnementale, en méconnaissance des exigences découlant du paragraphe 3 de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001. La ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, qui ne conteste pas l'irrégularité de la procédure, ni le fait qu'en l'espèce, l'avis réputé favorable né de l'absence de réponse de l'autorité environnementale ne répondait pas aux objectifs de la directive, se borne à soutenir devant la cour que ce vice n'a pas privé les intéressés d'une garantie, ni n'a été susceptible d'influer sur le sens des décisions prises par le conseil régional et par le préfet, en raison de la large concertation dont le schéma a fait l'objet et du succès de l'enquête publique.

9. Toutefois, l'évaluation environnementale a pour objet d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement. Compte tenu du rôle joué par l'autorité environnementale au début du processus d'évaluation, de l'autonomie dont cette autorité doit disposer, ainsi qu'il a été dit par le tribunal au point 8 du jugement attaqué, et de la portée de l'avis qu'elle rend, cette autorité et ses avis constituent une garantie pour atteindre l'objectif assigné à l'évaluation environnementale. En l'espèce, compte tenu des conditions dans lesquelles est intervenu l'avis réputé favorable de l'autorité environnementale, cette garantie ne peut être regardée comme ayant été assurée et, en particulier, aucun autre avis rendu avec les garanties d'impartialité requises ne permet de vérifier que l'objectif d'un niveau élevé de protection de l'environnement a néanmoins été atteint. Dès lors, l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale a privé le public et les autorités administratives compétentes d'une garantie. Une telle privation est, par suite, de nature à justifier l'annulation de la délibération du conseil régional du 4 juillet 2014 et de l'arrêté du préfet de région du 16 juillet 2014.

En ce qui concerne la demande de modulation des effets de l'annulation :

10. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine. S'agissant d'une annulation résultant d'une méconnaissance du droit de l'Union européenne, cette faculté ne peut être utilisée qu'à titre exceptionnel et en présence d'une nécessité impérieuse. En effet, dans son arrêt " Association France Nature Environnement " du 28 juillet 2016 (affaire C-379/15), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'une juridiction nationale peut, lorsque le droit interne le permet, exceptionnellement et au cas par cas, limiter dans le temps certains effets d'une déclaration d'illégalité d'une disposition du droit national qui a été adoptée en méconnaissance d'une directive, à la condition qu'une telle limitation s'impose par une considération impérieuse et compte tenu des circonstances spécifiques de l'affaire dont elle est saisie, lorsqu'elle est convaincue, ce qu'elle doit démontrer de manière circonstanciée, qu'aucun doute raisonnable n'existe quant à l'interprétation et l'application des conditions posées par sa jurisprudence à une telle limitation.

11. L'annulation de la délibération du conseil régional du 4 juillet 2014 et de l'arrêté du préfet de région du 16 juillet 2014 a pour effet d'entraîner la disparition rétroactive du schéma régional de cohérence écologique du Nord-Pas-de-Calais. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette annulation aurait pour effet de remettre en cause des actes administratifs ultérieurs qui auraient été pris sur le fondement de ce schéma. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette annulation soit de nature à entraîner, par elle-même, des conséquences dommageables pour l'environnement, et notamment pour la biodiversité, compte tenu, d'une part, de la portée normative limitée du schéma régional de cohérence écologique, lequel, aux termes de l'article L. 371-3 du code de l'environnement, doit seulement être pris en compte par les documents de planification et les projets de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements et, d'autre part, de la circonstance que d'autres dispositifs contribuent à la préservation, notamment, des continuités écologiques, telles que les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, prévues par l'article L. 371-2 du code de l'environnement, et la possibilité ouverte à l'Etat par les articles L. 143-25 et L. 153-25 du code de l'urbanisme d'imposer la modification d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un plan local d'urbanisme lorsque ces documents ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux relatifs à la préservation ou à la remise en bon état des cohérences écologiques. Ainsi, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer n'établit pas qu'il existerait, en l'espèce, une nécessité impérieuse de moduler, à titre exceptionnel, les effets de l'annulation des décisions en litige, laquelle résulte d'une méconnaissance du droit de l'Union européenne. Par suite, il n'y a pas lieu, pour la cour, de procéder à une telle modulation.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par les intimés, que la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du conseil régional de la région Nord-Pas-de-Calais du 4 juillet 2014 et l'arrêté du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais du 16 juillet 2014.

Sur les frais liés au litige :

13. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles du Nord-Pas-de-Calais. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme à M. D... sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles du Nord-Pas-de-Calais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par M. D...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles du Nord-Pas-de-Calais, à M. C...D...et à la région Nord-Pas-de-Calais.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la région des Hauts-de-France.

N°17DA00611 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00611
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-006-03 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : GREENLAW AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-07;17da00611 ?
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