Vu la procédure suivante :
Par un arrêt du 4 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir relevé que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale était, en l'état du dossier et des moyens soumis à la cour, de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 3 octobre 2013 par lequel le préfet de la région Picardie a délivré l'autorisation d'exploiter le parc éolien en litige et écarté l'ensemble des autres moyens, a sursis à statuer sur la requête de l'association " Thiérache à contrevent " et autres afin d'inviter les parties à faire part de leurs observations sur la mise en oeuvre éventuelle de la procédure de régularisation prévue au 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Par un mémoire, enregistré le 2 novembre 2018, l'Association " Thiérache à contrevent ", MmeJ..., M.J..., M. et MmeA..., M.K..., M.B..., M. C...L..., M. D... L...et M. et MmeI..., représentés par Me G...E..., concluent au maintien de leurs écritures et demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 12 avril 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Eoliennes de la vallée la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu l'arrêt avant dire droit du 4 octobre 2018 ;
Vu :
- la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- la décision n° 400559 du 6 décembre 2017 du Conseil d'Etat annulant le décret du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Michel Richard,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me H...F..., représentant la société Eoliennes de la vallée, et celles de M. C...L...et M. D...L....
Vu la note en délibéré présentée pour la société Eoliennes de la vallée enregistrée le 30 janvier 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés (...) / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ".
2. Le 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement permet au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de l'autorisation environnementale attaquée mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un arrêt avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son arrêt avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée.
3. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités, qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.
4. Par sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé le décret du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale en tant qu'il maintient, au IV de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, la désignation du préfet de région en qualité d'autorité compétente de l'Etat en matière d'environnement, en méconnaissance des objectifs énoncés au paragraphe 1 de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Le vice de procédure qui résulte de ce que l'avis prévu par le III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement a été rendu par le préfet de région en qualité d'autorité environnementale dans un cas où il était par ailleurs compétent pour autoriser le projet, ainsi que le prévoyait, à la date de la décision attaquée, l'article R. 122-6 du même code, peut être réparé par la consultation, sur le projet en cause, à titre de régularisation, d'une autorité présentant les garanties d'impartialité requises.
5. Lorsqu'un vice de procédure entache un avis qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d'une enquête publique, préalablement à l'adoption de la décision attaquée, la régularisation implique non seulement que la procédure de consultation soit reprise, mais aussi que le nouvel avis soit porté à la connaissance du public. Il revient au juge, lorsqu'il sursoit à statuer en vue de la régularisation, de rappeler ces règles et de fournir toute précision utile sur les modalités selon lesquelles le public devra être informé et, le cas échéant, mis à même de présenter des observations et des propositions, une fois le nouvel avis émis et en fonction de son contenu.
6. Dans l'hypothèse d'une régularisation de l'avis de l'autorité environnementale mise en oeuvre dans les conditions ainsi définies, le juge pourra préciser les modalités de consultation du public à mettre en oeuvre.
7. Au point 28 de son arrêt avant dire droit du 4 octobre 2018, la cour a estimé qu'en l'espèce, l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale avait privé le pétitionnaire, le public et l'autorité administrative d'une garantie et qu'une telle privation était, par suite, de nature à justifier l'annulation de l'autorisation préfectorale accordée le 3 octobre 2013.
8. Au point 38 du même arrêt, la cour a jugé que seul le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale était, en l'état du dossier et des moyens soumis à la cour, de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 3 octobre 2013 par lequel le préfet de région a délivré l'autorisation d'exploiter le parc éolien en litige.
9. Enfin, par l'article 1er de son dispositif, la cour a invité les parties à faire part de leurs observations sur la mise en oeuvre éventuelle de la procédure de régularisation prévue au 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, tous les droits et moyens des parties sur lesquels il n'avait pas été statué par cet arrêt étant réservés jusqu'à la fin de l'instance.
10. Il en résulte que, dans le cadre de leurs écritures produites postérieurement à l'arrêt du 4 octobre 2018, la société pétitionnaire et le ministre ne peuvent utilement se prévaloir du moyen tiré de ce qu'en l'espèce, le vice relevé n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté en litige. En revanche et compte tenu des principes énoncés aux points 2 à 4, un tel vice apparaît susceptible de faire l'objet d'une régularisation sur le fondement des dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
11. Il appartient à la société pétitionnaire de présenter un dossier de demande d'autorisation, le cas échéant actualisé, qui sera soumis pour avis à l'autorité environnementale, laquelle devra présenter les garanties d'impartialité requises. L'avis sera rendu conformément aux dispositions qui seront substituées à celles de l'article R. 122-6 du code de l'environnement ou, le cas échéant, dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement par la mission régionale de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable créée par le décret du 28 avril 2016. Cette mission est une entité administrative de l'Etat séparée de l'autorité compétente pour autoriser un projet et disposant d'une autonomie réelle la mettant en mesure, contrairement à ce que soutiennent l'association " Thiérache à contrevent " et autres, de donner un avis objectif sur les projets qui lui sont soumis dans le cadre de sa mission d'autorité environnementale.
12. Dans le cas où l'avis de l'autorité environnementale recueilli à titre de régularisation et rendu en tenant compte d'éventuels changements significatifs du projet et de son environnement, diffèrerait substantiellement de celui qui avait été porté à la connaissance du public à l'occasion de l'enquête publique dont le projet a fait l'objet, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact. Dans le cas où aucune modification substantielle n'aurait été apportée à l'avis, l'information du public sur le nouvel avis de l'autorité environnementale recueilli à titre de régularisation pourra prendre la forme d'une simple publication sur internet, dans les conditions prévues à l'article R. 122-7 du code de l'environnement.
13. Dans tous les cas, le sursis à statuer a pour objet de permettre la régularisation de l'autorisation attaquée. Cette éventuelle régularisation implique l'intervention d'une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée ainsi qu'il a été rappelé au point 2. Par suite, il incombera à l'autorité administrative, après avoir pris connaissance de l'avis de l'autorité environnementale et des observations du public émises sur ce nouvel avis dans les conditions fixées aux points 11 et 12, de prendre une décision expresse afin de corriger le cas échéant, le vice dont l'arrêté contesté est initialement entaché. Cet arrêté portant autorisation modificative devra alors être communiqué à la cour dans un délai maximal de dix mois à compter de la notification du présent arrêt.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté du préfet de la région Picardie du 3 octobre 2013 jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre, le cas échéant, la régularisation de cet arrêté dans les conditions fixées au présent arrêt.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Thiérache à contrevent " qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Eoliennes de la vallée et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aisne et au préfet de la région des Hauts-de-France.
N°16DA01098 4