Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 août 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 1702976 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du préfet de l'Eure du 10 août 2017 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Eure, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Eure, sous la même astreinte par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de sa situation ;
5°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 5 novembre 1987 et qui serait entré sur le territoire français le 2 septembre 2012, a sollicité, après le rejet définitif de sa demande d'asile, son admission au séjour en faisant état de difficultés de santé. Il a alors bénéficié de la délivrance d'une carte de séjour temporaire, qui a été renouvelée à trois reprises, afin de pouvoir continuer à se soigner en France. A l'approche de la fin de validité de son dernier titre, M. B...a sollicité un ultime renouvellement de celui-ci et a également fait état de ce qu'il était père de deux enfants. Toutefois, par un arrêté du 10 août 2017, le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande, tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
3. Pour refuser d'accorder à M. B...le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été précédemment délivré pour raison médicale, le préfet de l'Eure a estimé, au vu notamment d'un avis émis le 3 août 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration visé par les dispositions précitées, que, si l'état de santé de l'intéressé rendait nécessaire une prise en charge médicale, un défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
4. Pour remettre en cause cette appréciation sur son état de santé, M. B...n'a versé au dossier qu'un seul certificat médical qui a été émis le 13 février 2017 par un médecin psychiatre exerçant au nouvel hôpital de Navarre à Evreux. Ce document indique seulement que l'intéressé fait l'objet d'un suivi régulier au sein de cet établissement, formulation qui n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, pas davantage que les nombreuses ordonnances médicales produites. Dans ces conditions et en admettant même qu'un traitement approprié à la prise en charge de l'intéressé ne serait pas disponible en République démocratique du Congo, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. B...n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. S'il est constant que la demande formulée par M. B...tendait à la seule délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des motifs de l'arrêté en litige que le préfet de l'Eure a examiné d'office si l'intéressé ne pouvait être admis au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'intéressé peut donc utilement soutenir que ces dispositions auraient été méconnues pour refuser de lui délivrer un titre de séjour.
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
7. M. B...fait état de ce qu'il est le père de deux enfants, respectivement nés en France le 15 février 2015 et le 2 juin 2017 de son union avec une ressortissante angolaise résidant sur le territoire français sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle en cours de validité. Toutefois, il est constant que M. B...ne vit pas avec celle-ci et qu'aucune des pièces qu'il a produites n'est de nature à établir la réalité de leur relation à la date à laquelle la décision de refus de séjour en litige a été prise. En outre, ni les attestations de proches qu'il verse au dossier, ni les quelques preuves d'achats de vêtements et de produits alimentaires qu'il produit, ni même les photographies, au demeurant non datées, dont il se prévaut également, ne suffisent à justifier d'une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de ces enfants. Par ailleurs, si M. B...fait état de la présence de son père, qui présente un état de santé affaibli par les conséquences d'un accident vasculaire cérébral, les seules attestations émises par ce dernier n'établissent ni qu'il se trouverait dans une situation nécessitant l'assistance régulière d'une tierce personne, ni que M. B...serait la seule personne susceptible de lui apporter l'aide dont il aurait besoin. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et alors que M. B...n'établit pas, ni d'ailleurs n'allègue, qu'il serait dépouvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris, en dépit des relations amicales qu'il aurait nouées sur le territoire français et malgré les perspectives d'insertion professionnelle qui seraient les siennes. Cette décision n'a, dès lors, été prise en méconnaissance ni des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, qui n'est d'ailleurs assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée, ne peut qu'être écarté.
8. A supposer même établi que les motifs de l'arrêté en litige retiendraient à tort, d'une part, que M. B... est marié avec une compatriote résidant dans leur pays d'origine et, d'autre part, que la mère de ses deux enfants nés en France est elle-même une compatriote, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui vient d'être dit au point précédent, que ces renseignements erronés aient été déterminants dans l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet de l'Eure de la situation personnelle et familiale du requérant. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'en faisant abstraction de ces renseignements, le préfet de l'Eure se serait prononcé dans un sens différent sur la demande de titre de séjour de M.B.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur de fait doit être écarté.
9. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
10. Comme il a été dit au point 7, M. B...ne justifie pas, par les seuls documents qu'il verse au dossier, d'une contribution effective à l'éducation, ni même à l'entretien de ses enfants, avec lesquels il ne vit pas. Ainsi, pour refuser à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de l'Eure, qui n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants, n'a pas méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
11. En vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si la décision obligeant un ressortissant étranger à quitter le territoire français doit être motivée, elle n'a pas à faire l'objet, lorsqu'elle est adossée à une décision de refus de séjour, d'une motivation distincte de celle de ce refus. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté du 10 août 2017 que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M.B.... Par suite, la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français est, elle-même, suffisamment motivée.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. B...n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen, tiré de ce que la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, ne peut qu'être écarté.
13. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité (...) ". Comme il a été dit au point 3, il n'est pas établi qu'un défaut de prise en charge médicale de M. B...pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, il n'était pas, à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, au nombre des ressortissants étrangers visés par les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, en prenant une telle mesure à son encontre, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu ces dispositions.
14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, les moyens, tirés de ce que la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
15. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, le moyen, tiré de ce que la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français serait contraire à l'intérêt supérieur de ces enfants, tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 15 que la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français prononcées, par l'arrêté en litige, à l'encontre de M. B... ne sont entachées d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen, tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel M. B...pourra être reconduit d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais non compris dans les dépens exposés par le préfet de l'Eure, qui n'allègue au demeurant pas que la présente instance l'aurait conduit à devoir supporter une charge excédant celle inhérente au fonctionnement normal de ses services.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à MeC....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Eure.
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N°18DA00694
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