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31/01/2019 | FRANCE | N°18DA01005

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 janvier 2019, 18DA01005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 13 avril 2018 du préfet de l'Aisne par lesquels il a décidé son transfert vers l'Allemagne pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1801179 du 24 avril 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de l'Aisne de mettre fin aux mesures

de surveillance concernant M. C...et de réexaminer sa situation dans le délai d'un moi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 13 avril 2018 du préfet de l'Aisne par lesquels il a décidé son transfert vers l'Allemagne pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1801179 du 24 avril 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de l'Aisne de mettre fin aux mesures de surveillance concernant M. C...et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, en rejetant le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2018, le préfet de l'Aisne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 avril 2018 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de rejeter la demande de M. C...devant ce tribunal.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...C..., ressortissant afghan né le 20 mai 1997, entré irrégulièrement en France le 3 novembre 2017, y a déposé une demande d'asile le 13 novembre 2017. Le préfet de l'Aisne, après avoir obtenu le 28 novembre 2017 un accord explicite de reprise en charge de l'intéressé par les autorités allemandes, sur le fondement des dispositions de l'article 18.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, a décidé par arrêté du 13 avril 2018 son transfert et l'a assigné à résidence. Le préfet de l'Aisne relève appel du jugement du 24 avril 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 13 avril 2018, lui a enjoint de mettre fin aux mesures de surveillance concernant M. C...et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de quarante-huit heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de soixante-douze heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du 24 avril 2018 du tribunal administratif d'Amiens, par lequel il a annulé l'arrêté du 13 avril 2018 du préfet de l'Aisne décidant de la remise de M. C...aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, notifié le 25 avril 2018 au préfet de l'Aisne, est resté inexécuté pendant plus de six mois, sans que l'appel du préfet ait eu pour effet d'interrompre ce délai. La décision de transfert de M. C...ne peut plus, dès lors, être légalement exécutée et la France doit examiner sa demande d'asile. Par suite, les conclusions du préfet de l'Aisne tendant à l'annulation du jugement précité du 24 avril 2018 sont devenues sans objet, sans que celui-ci puisse soutenir que la légalité d'un acte doit s'apprécier à la date à laquelle il est pris.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. La présente décision implique nécessairement que le préfet de l'Aisne enregistre la demande d'asile de M. C...et l'admette provisoirement au séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de fixer une astreinte.

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B...A...d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet de l'Aisne.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aisne d'enregistrer la demande d'asile de M. D... C...et l'admettre provisoirement au séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me B...A..., conseil de M.C..., la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Aisne, à M. D...C...et à Me B...A....

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N°18DA01005

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01005
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GAGEY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-01-31;18da01005 ?
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