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24/01/2019 | FRANCE | N°18DA00791

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 24 janvier 2019, 18DA00791


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les deux arrêtés du 13 mars 2018 par lesquels le préfet de la Somme a ordonné respectivement son transfert aux autorités italiennes et son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1800808 du 20 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi

strée le 16 avril 2018, Mme C...A..., représentée par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les deux arrêtés du 13 mars 2018 par lesquels le préfet de la Somme a ordonné respectivement son transfert aux autorités italiennes et son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1800808 du 20 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2018, Mme C...A..., représentée par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces deux arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de prendre en charge sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...est une ressortissante congolaise née le 27 août 1988 à Brazzaville. Elle déclare être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 7 septembre 2017. Elle a présenté une demande d'asile en préfecture le 26 octobre 2017. La consultation du système " Eurodac " a fait apparaître que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités italiennes. Constatant l'accord tacite de ces autorités, saisies le 11 décembre 2017 d'une demande de prise en charge, le préfet de la Somme, par un arrêté du 13 mars 2018, a prononcé le transfert de Mme A...vers l'Italie et, par un autre arrêté du même jour, l'a assignée à résidence. Mme A...relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

2. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'État membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " État membre requérant ", auprès de l'État membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " État membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'État membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'État requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 13 mars 2018 par lequel le préfet de la Somme a ordonné le transfert de Mme A...aux autorités italiennes est intervenu moins de six mois après la décision par laquelle l'Italie a donné son accord pour cette réadmission, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction, par MmeA..., d'un recours contre cet arrêté, présenté sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a recommencé à courir à compter du jugement du magistrat désigné par le président par le tribunal administratif d'Amiens du 20 mars 2018 statuant au principal sur le recours, notifié le 22 mars 2018 au préfet de la Somme et le 26 mars 2018 à MmeA..., et qui a rejeté la demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 13 mars 2018. L'expiration de ce nouveau délai a eu pour conséquence, par application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, que l'Italie a été libérée de son obligation de prendre en charge le demandeur, et la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de celui-ci transférée à la France. En l'absence d'exécution de l'arrêté du 13 mars 2018, lequel n'est plus, compte tenu de ce qui vient d'être dit, susceptible de l'être, la demande de Mme A...tendant à l'annulation de cet arrêté est devenue sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'y statuer.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; (...) ". En outre, en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie et aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".

7. Par l'arrêté contesté, le préfet de la Somme a assigné Mme A...à résidence sur le territoire de la commune d'Amiens, pour une durée de quarante cinq jours, lui a fait interdiction de quitter le département de la Somme sans autorisation, et lui a fait obligation de se présenter au commissariat de police d'Amiens tous les jours à 7h, y compris les jours fériés.

8. MmeA..., qui souffre d'insuffisance rénale, et qui, à la date de l'arrêté en litige, était en phase de bilan pour une éventuelle transplantation rénale, doit recourir trois fois par semaine à une séance de dialyse. Dans les circonstances particulières de l'espèce, et eu égard à la scolarisation de son enfant, Mme A...est fondée à soutenir que le préfet de la Somme, en lui imposant les obligations de présentation décrites au point précédent, divisibles de la décision d'assignation, a méconnu les dispositions citées au point 6. Mme A...est dès lors fondée à demander, dans cette mesure uniquement, l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui constate le non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert et qui annule les obligations de présentation prévues à l'arrêté d'assignation à résidence, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Somme de " prendre en charge l'examen de la demande d'asile " de Mme A...ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Antoine Tourbier, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de ce dernier le versement à cette avocate de la somme de 600 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 13 mars 2018 ordonnant le transfert de Mme A...aux autorités italiennes ainsi que sur celles tendant à l'annulation de cet arrêté.

Article 2 : L'arrêté du 13 mars 2018 est annulé en tant qu'il oblige Mme A...à se présenter au commissariat de police d'Amiens tous les jours à 7h, y compris les jours fériés.

Article 3 : L'État versera la somme de 600 euros à Me B...sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au ministre de l'intérieur et à Me Antoine Tourbier.

N°18DA00791 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00791
Date de la décision : 24/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : QUENNEHEN et TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-01-24;18da00791 ?
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