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31/12/2018 | FRANCE | N°18DA01600

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 31 décembre 2018, 18DA01600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze

jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1800123 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet et 4 septembre 2018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 du préfet de l'Eure ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant pakistanais né le 1er janvier 1987, est entré en France en mars 2016 pour y solliciter l'asile. Par une décision du 11 janvier 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette demande, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 31 octobre 2017. M. B...a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 décembre 2017, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné notamment le Pakistan comme pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 31 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. A l'appui de ses conclusions dirigées, devant le tribunal, contre la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, M. B... a soulevé un moyen tiré de ce qu'en estimant qu'aucun motif exceptionnel, ni aucune considération humanitaire ne justifiaient son admission au séjour, le préfet de l'Eure a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal n'a pas répondu aux principaux arguments présentés par l'intéressé au soutien de ce moyen, tirés de la situation instable dans l'agence de Kurram, dont il est originaire, de la perte de tout contact de l'intéressé avec sa famille, déplacée lors d'affrontements entre les talibans et les forces pakistanaises et des risques auxquels il serait exposé en cas de retour au Pakistan. Par suite, le jugement attaqué, en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour, est insuffisamment motivé et doit être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen et tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du préfet de l'Eure du 27 décembre 2017 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 19 décembre 2017, régulièrement publié le même jour au recueil des actes de la préfecture, le préfet de l'Eure a donné délégation à M. C...A..., directeur des relations avec les usagers et missions supports, à l'effet de signer, notamment, les décisions de refus de titre de séjour. Ainsi, le signataire de la décision attaquée était compétent à cet effet.

6. En deuxième lieu, si M. B..., originaire de l'agence de Kurram, fait valoir qu'il a quitté le Pakistan depuis plus de sept ans et a perdu tout contact avec sa famille, déplacée en 2011 lors d'affrontements entre les talibans et les forces pakistanaises, et s'il invoque la situation instable dans sa région d'origine, il n'apporte aucun élément précis de nature à démontrer, en particulier, le caractère actuel des craintes d'atteinte à sa sécurité et à sa vie qu'il dit éprouver de la part tant des autorités pakistanaises que des talibans. Par ailleurs, s'il affirme avoir noué des liens d'amitié en France, il n'y résidait que depuis deux années à la date de l'arrêté attaqué, alors qu'il n'a quitté son pays d'origine qu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, en estimant qu'aucun motif exceptionnel, ni aucune considération humanitaire ne justifiaient son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Eure n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En troisième lieu, dans les circonstances décrites au point précédent, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B....

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du préfet de l'Eure du 27 décembre 2017, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Sur la légalité des décisions, contenues dans l'arrêté du 27 décembre 2017, obligeant M. B... à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. La décision portant obligation de quitter le territoire français ne fixe, par elle-même, aucun pays de renvoi. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, inopérant, doit être écarté.

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. La Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait, en principe, au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. c. France, n° 18039/11).

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dépit de la gravité de la situation au Pakistan, il règnerait dans cet Etat une situation de violence généralisée telle qu'un civil de nationalité pakistanaise devrait de ce seul fait être regardé comme personnellement soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si M. B...est originaire de l'agence de Kurram, désignée comme particulièrement dangereuse, et qu'il a quitté son pays d'origine " à cause des autorités pakistanaises qui le considèrent comme un taliban, et à cause des talibans qui le considèrent comme un traître ", il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément probant et vérifiable, les seuls articles produits par le requérant ne pouvant suffire à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourrait en cas de retour au Pakistan. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 janvier 2017, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile le 31 octobre 2017. Il n'est donc pas établi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.

17. Pour les mêmes motifs, la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 17 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du préfet de l'Eure du 27 décembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et, en tout état de cause, celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800123 du 31 juillet 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen, tendant à l'annulation de la décision du 27 décembre 2017 du préfet de l'Eure lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et le surplus des conclusions de la requête sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°18DA01600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01600
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : BROISIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-12-31;18da01600 ?
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