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31/12/2018 | FRANCE | N°18DA01563

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 décembre 2018, 18DA01563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 avril 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a procédé à la retenue de son passeport.

Par un jugement n°1801724 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Pro

cédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 avril 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a procédé à la retenue de son passeport.

Par un jugement n°1801724 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet 2018 et 26 septembre 2018, M.A..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 17 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 70 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 70 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant haïtien né le 16 novembre 1981, serait selon ses déclarations entré en France en 2008. Sa demande d'asile a été rejetée. Par un arrêté du 20 avril 2011, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Le 4 janvier 2018, M. A...a sollicité un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 17 avril 2018, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a procédé à la retenue de son passeport. M. A...relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'unique mémoire en défense du préfet de l'Eure, a été enregistré au greffe du tribunal le 7 juin 2018, avant la clôture de l'instruction fixée au 8 juin 2018, mais n'a pas été communiqué à M.A..., dont les conclusions ont été rejetées. Or, les premiers juges, qui ont visé et analysé le mémoire en défense du préfet, se sont fondés sur des éléments qu'il comportait pour répondre notamment au moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Cette méconnaissance de l'obligation posée par l'article R. 611-1 précité du code de justice administrative ne saurait, eu égard à la motivation retenue par les premiers juges, être regardée comme n'ayant pu avoir d'influence sur l'issue du litige. Il suit de là que M. A...est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur l'ensemble des moyens présentés par M.A....

Sur le refus de titre de séjour :

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet a pris en compte la situation personnelle et familiale de M. A...en relevant notamment le fait que celui-ci était père d'un enfant né en 2011. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. A...doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) / ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A...se prévaut de la durée de sa présence en France depuis 2008, du fait qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien de son enfant et de sa relation avec une compatriote titulaire d'une carte de résident. Il fait valoir que bien que séparé de la mère de son enfant depuis 2013, il a toujours contribué à l'entretien et à l'éducation de son fils par le versement régulier de sommes d'argent. Il soutient également qu'il a fait reconnaitre son autorité parentale sur ce dernier par un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Pontoise du 25 octobre 2016, qu'il dispose d'un droit de visite et d'hébergement et qu'il verse une contribution mensuelle de 105 euros. Toutefois, si le requérant établit contribuer financièrement à l'entretien de son fils, il ne résulte pas des pièces du dossier, en revanche, qu'il entretiendrait des relations avec son fils, ni qu'il exercerait le droit de visite et d'hébergement qu'il prétend détenir depuis le jugement du 25 octobre 2016 du juge aux affaires familiales, lequel n'est d'ailleurs toujours pas versé au dossier en cause d'appel. La seule attestation établie le 6 mai 2018 par la mère de cet enfant est insuffisamment circonstanciée et ne permet pas d'établir la réalité des liens entre le requérant et son fils âgé de six ans à la date de l'arrêté. L'intéressé ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle alors qu'il vit en France depuis près de neuf ans. Par ailleurs, M. A...n'établit pas, ni même ne soutient être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et en dépit de la durée de séjour de M. A..., le préfet de l'Eure n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Il n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Eure n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....

8. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

9. Il résulte de ce qui a été exposé au point 5 que, compte tenu de l'absence de tout élément probant quant aux liens qui uniraient M. A...à son fils, la décision contestée n'a pas été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M.A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est illégale.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède aux points 2 à 7, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

12. Pour les mêmes motifs exposés au point 5, il n'est pas établi que le requérant était, en situation, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, de prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il aurait été au nombre des étrangers visés par les dispositions de l'article L. 511-4 de ce code qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de qu'il ne pouvait pas légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale.

Sur la décision du préfet de l'Eure de retenir le passeport de M. C...A... :

14. M. A...ne fait valoir aucun moyen contre la décision par laquelle le préfet de l'Eure a procédé à la rétention de son passeport. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure du 17 avril 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 5 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.

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N°18DA01563

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01563
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : TCHIAKPE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-12-31;18da01563 ?
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