Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A..., agissant en son nom et au nom de son enfant mineur, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2017 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités belges et son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1710435 du 20 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, après l'avoir admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à titre provisoire, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2018, MmeA..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 20 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2017 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., de nationalité guinéenne, née le 14 juillet 1991, a sollicité auprès du préfet du Nord, le 3 novembre 2017, son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que les empreintes digitales de l'intéressée avaient été enregistrées en Belgique le 29 août 2016. Le préfet du Nord a, le 3 novembre 2017, saisi les autorités belges d'une demande de reprise en charge, en application de l'article 18, 1, b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord exprès le 10 novembre 2017. Par un arrêté du 4 décembre 2017, le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités belges. Mme A...relève appel du jugement du 20 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de transfert aux autorités belges :
2. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ".
3. Mme A...a bénéficié le 3 novembre 2017 d'un entretien individuel dans des conditions garantissant la confidentialité, assistée d'un interprète de l'association ISM Interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur, en langue peul au cours duquel il a pu être vérifié qu'elle avait correctement compris les informations dont elle devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Belgique le 29 août 2016 et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le compte-rendu de cet entretien a été signé par un agent de la préfecture, qui doit, en l'absence de tout élément de preuve contraire, être regardé comme qualifié pour mener un tel entretien quand bien-même son nom n'est pas mentionné. Dans ces conditions, MmeA..., qui n'a été privée d'aucune garantie, n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 5 du règlement précité auraient été méconnues.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de MmeA.... A cet égard, la circonstance que le préfet du Nord a évoqué dans la décision attaquée une décision de transfert assortie d'une assignation à résidence adoptée à l'encontre de l'enfant âgé de huit mois de MmeA..., démentie oralement au cours de l'audience tenue devant le tribunal administratif de Lille, n'est pas, à elle seule, et pour regrettable qu'elle soit, de nature à établir qu'il n'aurait pas pris en compte l'ensemble des éléments en sa possession la concernant avant d'adopter la décision attaquée. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
6. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors-même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
7. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet du Nord, qui a notamment relevé que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de Mme A...ne relevait pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement précité, a effectivement pris en compte la possibilité que la France examine la demande d'asile de l'intéressée alors même qu'elle n'en était pas responsable. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'autorité préfectorale n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation et examiné la possibilité de traiter sa demande d'asile, ni, en l'absence d'éléments de nature exceptionnelle ou humanitaire exceptionnelle invoqués, qu'elle aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
8. Si la requérante soutient que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision nouvelle en appel, a été à bon droit écarté par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point.
9. La mesure de transfert aux autorités belges de Mme A...n'a pas pour effet de séparer l'intéressée de son enfant mineur, né en Belgique et âgé de huit mois à la date de la décision en litige. Par suite, le préfet du Nord n'a pas porté à l'intérêt supérieur de cet enfant une atteinte méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. Mme A...soutient que son transfert aux autorités belges l'expose à un retour en Guinée où elle encourt des risques. Toutefois, la décision contestée a seulement pour objet de renvoyer l'intéressée en Belgique. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de cette dernière déposée en Belgique serait définitivement rejetée. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités belges n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements qu'entraînerait pour Mme A...son éventuel retour en Guinée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision d'assignation à résidence :
11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités belges à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision ordonnant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours prise à son encontre.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°18DA00906