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31/12/2018 | FRANCE | N°16DA01529,16DA01530,16DA01531

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 décembre 2018, 16DA01529,16DA01530,16DA01531


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu:

- le code de la défense ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-a

ssesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir signé...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu:

- le code de la défense ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir signé un contrat d'engagement pour la période du 13 mai 2008 au 12 mai 2014, M. C...A...a intégré la 3ème compagnie d'élèves gendarmes de l'école des sous-officiers de gendarmerie de Libourne. Le 9 mars 2009, il a été affecté au sein de la brigade territoriale autonome de Saint-Romain-de-Colbosc. Ses relations avec sa hiérarchie se sont dégradées. Il a fait l'objet, le 17 juin 2011, d'une sanction disciplinaire pour manquement à ses obligations de planton. Après avoir obtenu son certificat d'aptitude technique, il a sollicité, le 24 avril 2012, son admission dans le corps des sous-officiers de carrière, mais le commandant de la région de gendarmerie de Haute-Normandie a décidé d'ajourner sa réponse, jusqu'à la date précédant de huit mois le terme du contrat. Ses demandes de mutation dans la région Aquitaine ayant été refusées, M. A...a accepté une nouvelle affectation en Haute-Normandie, au sein de la brigade territoriale de Saint-Jacques-sur-Darnétal. Ses relations avec sa hiérarchie se sont, à nouveau, détériorées. Ayant redemandé son admission dans le corps des sous-officiers de carrière, il a été informé, le 8 novembre 2013, qu'il était susceptible de faire l'objet d'une décision négative et qu'il pouvait consulter son dossier. Il a consulté son dossier, le 12 novembre 2013, mais, estimant que certaines pièces, notamment des avis rendus par plusieurs supérieurs hiérarchiques, étaient manquantes, il a demandé la communication de ces pièces manquantes, lesquelles lui ont été transmises le 10 janvier 2014. Entre-temps, par un arrêté du 18 décembre 2013, le commandant de gendarmerie de la région Haute-Normandie a refusé son admission dans le corps des sous-officiers de carrière de la gendarmerie à l'expiration de son contrat d'engagement, dont la date a été reportée au 30 juin 2014. Le 15 janvier 2014, M. A...a saisi la commission de recours des militaires d'un recours à l'encontre de la décision du 18 décembre 2013 de non-admission au sein du corps des sous-officiers de carrière. Après avoir été implicitement rejeté, son recours l'a été expressément par une décision du ministre de l'intérieur du 20 octobre 2014. M. A...a également formé des recours administratifs préalables obligatoires contre ses notations des années 2013 et 2014. Le ministre de l'intérieur a rejeté ces recours. Le 1er avril 2014, il a aussi sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, sur le fondement de l'article L.4123-10 du code de la défense, en invoquant les faits de harcèlement moral et de discrimination dont il estime être victime, notamment en raison de son homosexualité, depuis son entrée dans la gendarmerie nationale. Cette demande a été rejetée, d'abord implicitement, puis expressément par une décision du 15 mai 2014. M. A... a alors saisi la commission de recours des militaires le 18 juin 2014. Ce recours a été rejeté, d'abord implicitement, puis expressément, par une décision du ministre de l'intérieur du 25 février 2015. M. A...a aussi réclamé une somme de 125 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral et des discriminations dont il a été victime. Cette réclamation préalable a été rejetée, d'abord, implicitement, puis expressément, le 25 février 2015 par le ministre de l'intérieur. M. A...a formé devant le tribunal administratif de Rouen, plusieurs recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de ses notations relatives aux années 2013 et 2014, de la décision du ministre de l'intérieur du 18 décembre 2013 refusant son admission dans le corps des sous-officiers de carrière, de la décision du 15 mai 2014 du même ministre lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que des décisions ayant rejeté implicitement ou explicitement les recours administratifs préalables obligatoires formés contre toutes ces décisions. Par un jugement n° 1401263, 1401950, 1404027, 1404317, 1404318 du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Rouen a joint ces recours, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre les décisions rejetant implicitement les recours administratifs préalables obligatoires formés par M. A..., a annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, les décisions du ministre de la défense du 20 octobre 2014 et du 31 mars 2015 rejetant les recours administratifs préalables obligatoires relatifs aux notations 2013 et 2014 et a rejeté le surplus des conclusions. Par ailleurs, M. A...a formé devant le tribunal administratif un recours de plein contentieux tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 125 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral et des discriminations dont il a été victime. Par un jugement n° 404048 du 26 avril 2016, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Par les trois requêtes susvisées, qu'il y a lieu de joindre, M. A...demande à la cour d'annuler ces deux jugements en tant qu'ils ont rejeté ses conclusions dirigées contre le refus d'admission dans le corps des sous-officiers de la gendarmerie, ses conclusions dirigées contre le refus de protection fonctionnelle, enfin ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité des jugements :

2. M. A...soutient que les deux jugements sont entachés d'une contradiction de motifs, en ce qu'ils retiennent l'existence de propos homophobes tenus à son encontre par la hiérarchie militaire, tout en écartant les moyens tirés de l'existence d'une discrimination et d'un harcèlement moral. Toutefois, cette analyse du tribunal administratif ne peut être regardée comme une contradiction de motifs et concerne non la régularité de ces jugements, mais leur bien-fondé.

3. Le requérant soutient également que le jugement du 22 mars 2016 aurait omis de répondre au moyen, soulevé en première instance, tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le ministre de l'intérieur en refusant de lui accorder le bénéfice de la protection statutaire, alors qu'un comportement de harcèlement moral de la part de la hiérarchie ouvre droit à cette protection. Toutefois, dans sa décision du 25 février 2015, le ministre a refusé d'accorder la protection statutaire en relevant que le harcèlement moral allégué n'était pas établi. Le moyen " d'erreur de droit " soulevé en première instance, d'ailleurs dirigé contre le refus initial, et non contre la décision prise par le ministre sur recours administratif préalable obligatoire était, par suite, inopérant, et le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en n'y répondant pas.

4. Enfin, si M. A...relève que les premiers juges, au point 38 du jugement, ont déduit de manière incompréhensible du point 3 du jugement du 22 mars 2016, relatif à la procédure de recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires, que l'administration n'avait commis aucune illégalité en lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, il résulte de l'ensemble de la motivation du jugement que les premiers juges ont entendu, en réalité, se référer au point 31 de ce jugement, écartant le moyen tiré d'un harcèlement moral. L'erreur de plume ainsi commise par le tribunal administratif ne peut, dès lors, être regardée comme entachant d'irrégularité le jugement du 22 mars 2016.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. M. A...soutient que le comportement adopté à son égard par ses supérieurs hiérarchiques depuis son entrée dans la gendarmerie nationale, qui correspond à un harcèlement moral et à une discrimination liée à son homosexualité, prohibés par l'article L. 4123-10-2 du code de la défense, la directive 2002/73 du 23 septembre 2002 et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Il estime également que l'administration a manqué à son obligation " d'impartialité ".

6. Tout d'abord, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983: " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :/ 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de l'agent, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.

7. Ensuite, aux termes de l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ". Aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ". De manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. M. A...soutient que plusieurs de ses supérieurs hiérarchiques ont tenu à son égard, à de nombreuses reprises, des propos vexatoires, déplacés, à tout le moins sous forme d'allusions, en lien avec son orientation sexuelle, et qu'ils l'ont dénigré auprès d'autres gendarmes. Toutefois, faute d'être corroborés par des témoignages ou attestations de tiers, ses écritures ne peuvent, à elles seules, faire présumer une discrimination liée à l'orientation sexuelle.

9. Le requérant fait également état de nombreuses décisions défavorables prises à son égard entre 2009 et 2014, qui confirmeraient le harcèlement moral dont il a fait l'objet. Toutefois, si ses demandes de mutation dans la région Aquitaine n'ont pas été acceptées, il ne résulte pas de l'instruction que M. A...pouvait, du seul fait de la résidence de ses parents, de leur âge ou de leur état de santé, justifier d'une priorité en matière de mutation. Si certaines demandes de formation, notamment linguistiques, n'ont pas été satisfaites, il est constant que d'autres demandes ont été acceptées et lui ont aussi permis d'acquérir plusieurs qualifications, notamment en espagnol. Par ailleurs, M. A...n'a pas contesté devant le juge administratif les sanctions disciplinaires dont il a fait l'objet, ni les notations obtenues au titre des années 2009 à 2012. Si le requérant fait valoir qu'il a reçu, à plusieurs reprises, l'ordre de reformuler ses rapports, afin que la version des faits relatés soit conforme aux souhaits de la hiérarchie, il ne résulte pas de l'instruction que ces ordres étaient manifestement illégaux. L'envoi, par sa hiérarchie, d'offres d'emploi en dehors de la gendarmerie, les astreintes de nuit qui lui ont été demandées, le refus de lui accorder certains " quartiers libres diurnes " correspondent à des initiatives ou décisions habituellement prises à l'égard de nombreux gendarmes sous contrat. M. A...invoque également une diminution des tâches qui lui étaient confiées. Il résulte, il est vrai, de l'instruction, que pendant sa dernière période d'affectation, il a été affecté, pour l'essentiel, à des tâches de nettoyage, à la tonte des pelouses et à l'accueil, notamment téléphonique, des usagers. Le droit de porter une arme lui a été également retiré. Toutefois, ces mesures ont été prises à la suite de préconisations du médecin militaire, qui a placé M. A...en congé de maladie pour une durée d'un mois et qui a également estimé qu'il était inapte aux services externes et aux activités opérationnelles. Par ailleurs, il ne résulte pas non plus de l'instruction que M. A...aurait été, pendant ses derniers mois d'activité, en danger du fait de sa non détention d'arme, compte tenu des tâches qui lui étaient confiées. Si le commandant de gendarmerie de la région Haute-Normandie a visité la brigade de Saint-Jacques-sur-Darnétal, aucun élément du dossier ne permet de présumer que cette visite avait pour objet de nuire au requérant. Si l'administration n'a pas décidé, dans un premier temps, de faire bénéficier M. A...de la prime collective attribuée au titre de l'année 2010, un versement de régularisation a été effectué en juin 2011. La visite de " pré-état " du logement de fonction concédé à M. A...à la gendarmerie de Saint-Jacques-sur-Darnétal, le 27 mai 2014, a été effectuée pendant un congé de maladie de M.A..., mais cette date est expliquée par l'administration comme ayant été rendue nécessaire par le délai impératif pour remettre, le cas échéant, le logement en état. Si les notations au titre de 2013 et 2014 ont été annulées par le tribunal administratif, les motifs du jugement du 22 mars 2016, devenu sur ce point définitif, ne permettent pas de retenir l'intention de l'administration d'humilier le requérant. Les notations antérieures à celle établie au titre de 2013 n'ont, quant à elles, pas été contestées par M. A... devant le juge administratif.

10. Compte tenu de l'ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, l'administration doit être regardée comme justifiant que les mesures défavorables prises à l'encontre du requérant étaient étrangères à tout harcèlement. Pour les mêmes raisons, M. A...ne peut être regardé comme ayant fait l'objet d'une discrimination liée à son orientation sexuelle. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 1er du protocole n° 12 et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que du " défaut d'impartialité " de l'administration, ne peuvent par suite qu'être écartés.

Sur le refus de protection fonctionnelle :

11. Aux termes de l'article L. 4123-10 du code de la défense, dans sa rédaction applicable à la date de la décision du ministre de l'intérieur : " Les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les menaces, violences, harcèlements moral ou sexuel, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être l'objet ".

12. Si les décisions par lesquelles l'administration refuse d'accorder à un de ses agents le bénéfice de la protection fonctionnelle figurent au nombre des décisions devant être motivées en vertu des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, il ressort des termes de la décision du 25 février 2015 que celle-ci énonce les considérations de droit et de fait qui ont conduit à son adoption. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit donc être écarté comme manquant en fait.

13. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 ci-dessus que le harcèlement moral et la discrimination allégués par M. A...ne sont pas établis. Par suite, le refus de l'administration de le faire bénéficier de la protection fonctionnelle n'est pas entaché d'illégalité.

Sur la légalité du refus d'intégration dans le corps des sous-officiers de la gendarmerie nationale :

En ce qui concerne la légalité externe :

14. La décision du ministre de l'intérieur du 20 octobre 2014 énonce notamment que M. A... " ne peut pas se prévaloir d'une manière de servir satisfaisante; que les différentes évaluations portées à l'égard de la manière de servir de l'intéressé relèvent le niveau professionnel insuffisant de ce militaire notamment en matière d'acceptation des contraintes hiérarchiques liées à son statut de militaire, de jugement et d'appréhension des situations auxquelles il est confronté, ainsi que d'autonomie dans les missions qui lui sont confiées ; qu'en dépit des observations qui lui ont été adressées par sa hiérarchie, il n'a pas su faire preuve de la volonté nécessaire pour s'amender et pour exercer ses fonctions avec la rigueur et l'autonomie qu'elles requièrent ; que ce militaire n'a pas démontré qu'il présentait les garanties d'adaptabilité et de perfectibilité indispensables à l 'exercice normal des différentes prérogatives légales et réglementaires inhérentes au statut de sous-officier de carrière de la gendarmerie nationale, et que, dès lors, il ne présente pas les aptitudes et garanties fondamentales qui sont requises pour être admis dans le corps des sous-officiers de carrière de la gendarmerie nationale ". Cette motivation est, en tout état de cause, suffisante au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur.

15. M. A...soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de consulter l'intégralité de son dossier, alors que la décision de refus d'admission dans le corps des sous-officiers de carrière de la gendarmerie a été prise en considération de sa personne, et que les documents manquants lui ont été communiqués à une date à laquelle il ne disposait plus que d'un mois pour saisir la Commission de recours des militaires. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A...a obtenu, le 10 janvier 2014, les pièces qu'il considérait absentes de son dossier lors de la première consultation de celui-ci, le 12 novembre 2013. Il a formé son recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours des militaires dès le 15 janvier 2014. Dans ces conditions, et alors même que la communication complète du dossier n'a été possible qu'après l'adoption de la décision initiale de refus d'admission, prise le 18 décembre 2013 par le commandant de la région de gendarmerie, M. A...n'a été privé d'aucune garantie. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être mis à même de pouvoir consulter son dossier avant l'adoption d'une décision prise en considération de la personne ne peut, dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté.

16. L'article 17 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des sous-officiers de gendarmerie prévoit que " Pour les contrats d'une durée égale ou supérieure à un an, le ministre de la défense notifie par écrit son intention de renouveler ou non le contrat d'engagement d'un sous-officier de gendarmerie engagé, au moins six mois avant le terme. / Le sous-officier de gendarmerie engagé à qui est proposé le renouvellement de son contrat dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son acceptation par écrit. L'absence de réponse dans ce délai vaut renonciation. / En cas de renouvellement, le contrat prend effet le lendemain de la date d'expiration du contrat précédent ". M. A...soutient qu'il n'a pas été informé de l'intention de sa hiérarchie de ne pas renouveler son contrat de sous-officier et de ne pas l'admettre dans le corps des sous-officiers de carrière six mois au moins avant le terme de ce contrat, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 17 du décret n° 2008-952 et d'une circulaire du 27 mai 1998 relative aux renouvellements de contrat. Toutefois, la décision contestée ayant pour objet de refuser l'admission du requérant dans le corps de sous-officier de carrière de la gendarmerie, ces moyens sont inopérants.

En ce qui concerne la légalité interne :

17. Aux termes de l'article 10 du décret du 22 décembre 1975 portant statuts particuliers des corps des sous-officiers de gendarmerie : " Les sous-officiers du corps sont recrutés au choix parmi les sous-officiers de gendarmerie sous contrat qui ont demandé leur admission à l'état de sous-officier de carrière et qui réunissent les conditions suivantes : / Avoir accompli quatre ans de service militaire effectif. / Avoir détenu pendant deux ans un grade de sous-officier de gendarmerie. / Avoir obtenu, dans un délai de cinq ans après l'accession à un grade de sous-officier de gendarmerie, le certificat d'aptitude technique (...) ".

18. Il est constant que M. A...remplissait les conditions posées par ces dispositions. La détention de ces conditions ne crée pas, toutefois, pour le militaire concerné, un droit à être admis dans un corps de sous-officier de carrière.

19. Le requérant soutient que la décision refusant de l'admettre dans le corps des sous-officiers de carrière est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu des qualités dont il a fait preuve, ainsi que d'un détournement de pouvoir, et que c'est en raison de son orientation sexuelle qu'il aurait été évincé, comme le confirme le harcèlement moral et la discrimination dont il aurait fait l'objet. Il ressort toutefois de ce qui a été dit au point 10 ci-dessus que M. A...ne peut être regardé comme ayant fait l'objet d'un harcèlement moral ou d'une discrimination. Si ses évaluateurs ont relevé que le requérant disposait des compétences techniques nécessaires, confirmées d'ailleurs par l'obtention du certificat d'aptitude technique, ils ont tous estimé, à propos de sa manière de servir, qu'il éprouvait, notamment, des difficultés à accepter les contraintes de la hiérarchie, à se remettre en cause en cas d'erreur et à s'intégrer aux équipes dont il était membre. L'annulation, décidée par le tribunal administratif dans son jugement du 22 mars 2016, et devenue définitive, des notations de M. A... au titre des années 2013 et 2014, résulte d'une discordance entre le maintien d'une note chiffrée très basse, identique à celle des années antérieures, et l'appréciation littérale, qui relevait des progrès. Cette annulation ne suffit donc pas, à elle seule, à établir que le refus du ministre de l'intérieur d'admettre M. A...dans le corps des sous-officiers de réserve de la gendarmerie serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1 : Les requêtes de M. A...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

1

2

N° 16DA01529, 16DA01530,16SA01531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01529,16DA01530,16DA01531
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-02-05-02 Fonctionnaires et agents publics. Cadres et emplois. Egalité de traitement entre agents d'un même corps. Existence d'une discrimination illégale.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCHMIDT-SARELS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-12-31;16da01529.16da01530.16da01531 ?
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