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04/12/2018 | FRANCE | N°16DA01121

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 16DA01121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil à lui verser la somme totale de 125 460 euros, assortie des intérêts et capitalisation de ceux-ci, en indemnisation des préjudices subis à la suite de l'infection nosocomiale dont il a été victime.

Par un jugement n° 1403618 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a estimé que l'infection dont a été victime M.B..., qui n'était ni présente ni

en incubation lors de l'admission de l'intéressé au CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-R...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil à lui verser la somme totale de 125 460 euros, assortie des intérêts et capitalisation de ceux-ci, en indemnisation des préjudices subis à la suite de l'infection nosocomiale dont il a été victime.

Par un jugement n° 1403618 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a estimé que l'infection dont a été victime M.B..., qui n'était ni présente ni en incubation lors de l'admission de l'intéressé au CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil le 10 octobre 2011, trouvait sa cause dans sa prise en charge médicale, plus précisément, dans le cathéter posé sur la main droite le même jour et que cette infection présentait ainsi le caractère d'une infection nosocomiale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier. Il a condamné cet établissement à verser à M. B...la somme de 5 036,50 euros, avec intérêts à compter du 26 juin 2014 et capitalisation de ceux-ci et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Eure la somme de 8 830,80 euros, avec intérêts à compter du 8 avril 2015 et capitalisation de ceux-ci, en remboursement de ses débours ainsi qu'une somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Il a également mis à la charge du centre hospitalier les frais d'expertise et alloué à M. B...et à la CPAM de l'Eure, chacun, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2016, M.B..., représenté par Me D...A..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Rouen du 12 mai 2016 ;

2°) de condamner le CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil à lui verser la somme totale de 125 460 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis avec intérêts de droit et capitalisation de ceux-ci ;

3°) de mettre à la charge du CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me F...C..., représentant le CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., alors âgé de quarante-quatre ans, qui présentait des troubles digestifs associés, notamment, à des rectorragies, a été admis le 10 octobre 2011 au CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil pour un bilan de santé à l'occasion duquel il s'est vu poser une perfusion au dos de la main droite jusqu'au 13 octobre 2011. A la suite de l'infection dont il a été victime, M. B...a recherché la responsabilité du CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil. Il relève appel du jugement du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'après avoir estimé que l'infection contractée présentait un caractère nosocomial et qu'en l'absence de cause étrangère avérée, cette infection était de nature à engager la responsabilité du CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, il a limité à 5 036,50 euros, la somme que cet établissement a été condamné à lui verser.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

3. Le caractère nosocomial de l'infection contractée par M. B...lors de sa prise en charge médicale et l'engagement de la responsabilité du CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, en l'absence de preuve apportée par celui-ci d'une cause étrangère de cette infection, ne sont pas contestés en appel.

Sur l'évaluation des préjudices de M. B...:

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

4. M.B..., exerçant la profession de responsable de secteur au sein d'une compagnie d'assurance, a présenté une incapacité temporaire totale de travail du 14 octobre 2011 au 24 octobre 2011 puis un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 50 % du 25 octobre 2011 au 16 décembre 2011 et à 20 % du 17 décembre 2011 au 29 mai 2012. Son état de santé a été jugé comme consolidé au 29 mai 2012, selon les conclusions de l'expertise ordonnée le 13 août 2013 par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen.

5. Il résulte tout d'abord de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'intéressé reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 2 %, imputable à l'infection nosocomiale. Si M. B...fait valoir qu'il aurait dû reprendre ses fonctions le 15 décembre 2011 s'il n'avait pas contracté l'infection nosocomiale, ainsi que cela ressort d'une attestation de son employeur du 27 mars 2014, il ressort cependant des dires des experts que M. B...souffrait d'un syndrome dépressif sévère depuis 2007, qu'il était en arrêt de travail depuis février 2011 pour une fracture des côtes, arrêt qui s'est prolongé au-delà de la période de six semaines habituellement nécessaire dans ce cas et que la poursuite de cet arrêt de travail au moment des faits n'est pas imputable à l'infection contractée. En outre, si l'intéressé a été placé en invalidité de 2ème catégorie à compter du 1er mars 2013, il l'a été pour des pathologies étrangères à cette infection, à savoir un rhumatisme psoriasique avec atteinte axiale et périphérique, une atteinte de la main droite suite à un phlegmon et un syndrome anxio-dépressif avec attaques de panique. Au vu de l'ensemble de ces éléments, M. B...ne justifie pas d'un lien de causalité direct et certain entre le préjudice professionnel allégué et l'infection nosocomiale, mineure et traitée, dont il a été atteint.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

6. Comme cela a été dit au point 5, M. B...a présenté une incapacité temporaire totale du 14 octobre 2011 au 24 octobre 2011 puis un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 50 % du 25 octobre 2011 au 16 décembre 2011 et de 20 % du 17 décembre 2011 au 29 mai 2012 imputable à l'infection dont il a été atteint. Il a été fait par les premiers juges une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour lui de ce déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant à la somme de 1 036,50 euros.

Quant aux souffrances endurées :

7. Les douleurs éprouvées par M. B...ont été estimées par le rapport d'expertise à 1,5 sur une échelle de 7. Il a été fait par les premiers juges une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. B...une somme de 1 500 euros.

S'agissant des préjudices permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

8. Comme cela a été dit au point 5, M. B...conserve, depuis la consolidation de son état de santé intervenue le 29 mai 2012, un déficit fonctionnel permanent de 2 % imputable à l'infection nosocomiale. Le jugement attaqué a justement apprécié ce chef de préjudice en lui allouant une somme de 2 500 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

9. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que celui-ci ne retient aucun préjudice d'agrément. En outre, M. B...n'apporte aucun élément justificatif établissant qu'il exerçait régulièrement une activité sportive ou de loisirs permettant de justifier de la réalité du préjudice d'agrément dont il demande la réparation. Par suite, il n'y pas lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de M. B...au titre de ce chef de préjudice.

Quant au préjudice sexuel :

10. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que la perte de la libido est en corrélation avec le syndrome dépressif et n'est pas imputable à l'infection nosocomiale. Par suite, il n'y pas lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de M. B...au titre de ce chef de préjudice.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a seulement condamné le CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil à lui verser la somme de 5 036,50 euros, assortie des intérêts de droit à compter du 26 juin 2014 et capitalisation de ceux-ci. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement au CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CHI d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B..., au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure.

4

N°16DA01121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01121
Date de la décision : 04/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP JULIA JEGU BOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-12-04;16da01121 ?
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