Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 mars 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il doit être reconduit et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 1802548 du 5 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision fixant la Tanzanie comme pays de destination de l'éloignement de M. A...et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juillet et 28 septembre 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision fixant le pays de destination de l'éloignement de M.A... ;
2°) de rejeter la demande de M. A...dirigée contre cette décision.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant tanzanien né en 1985, a été interpellé par les services de la police aux frontières le 24 mars 2018 à Calais, alors que, passager d'un autobus à destination du Royaume-Uni, il s'apprêtait à franchir la frontière sous le couvert d'un passeport néerlandais usurpé. Par un arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. M. A... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 5 juin 2018, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a annulé la décision fixant la Tanzanie comme pays de destination de l'éloignement de M. A..., et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel de ce jugement en tant qu'il annule sa décision fixant le pays de destination de l'éloignement de l'intéressé.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
4. Il ressort des pièces du dossier que lors de son audition par le service de la police aux frontières, M. A...a déclaré avoir quitté son pays " à cause de [ses] orientations sexuelles ", précisant que " en Tanzanie les homosexuels ne sont pas acceptés ", qu'il subissait " des discriminations " et que " [sa] vie était menacée ". Toutefois, s'il a fait valoir, dans ses écritures produites devant le tribunal administratif, qu'il serait menacé de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son homosexualité, il ne s'est pas présenté à l'audience et n'a apporté aucune précision au soutien de cette argumentation. Devant la cour, l'intéressé n'apporte pas davantage d'éléments de nature à établir ou à faire regarder comme suffisamment sérieux les risques le concernant pour les raisons invoquées en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, il ne justifie pas avoir présenté une demande d'asile en France, ni avant son interpellation, ni après celle-ci. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance que l'homosexualité serait passible de peines d'emprisonnement en Tanzanie et que les homosexuels y seraient victimes d'une campagne de discrimination encouragée par le Gouvernement, M. A...ne démontre pas l'existence de motifs sérieux et avérés de penser qu'il serait personnellement exposé à des risques directs de peines ou traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler la décision fixant le pays à destination duquel M. A...pourrait être éloigné en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant la juridiction administrative par M. A... à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de son éloignement.
Sur les autres moyens soulevés par M. A...à l'encontre de la décision en litige :
6. Par un arrêté du 18 décembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à Mme F...E..., cheffe du bureau du séjour, à l'effet de signer notamment, en cas d'absence ou d'empêchement de M. D... C..., directeur des migrations et de l'intégration, les décisions fixant le pays de destination des mesures d'éloignement prises à l'encontre d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire français. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise par une autorité incompétente.
7. La légalité de la décision obligeant M. A...à quitter le territoire ayant été confirmée par le jugement du 5 juin 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, l'intéressé, qui n'adresse aucune critique à l'encontre de cette partie du jugement et n'a pas formé de conclusions d'appel incident, n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 24 mars 2018, en tant qu'il fixe le pays à destination duquel M. A...doit être reconduit. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le conseil de M. A... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 5 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...dirigée contre l'arrêté du 24 mars 2018 en tant qu'il fixe le pays de destination de son éloignement est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées devant la cour par le conseil de M. A...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me G....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°18DA01405 4