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22/11/2018 | FRANCE | N°16DA02256

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 16DA02256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2015 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Maritime a retiré son agrément en qualité d'assistante familiale.

Par un jugement n° 1503653 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 21 févri

er 2017, Mme D...A..., représentée par Me F...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2015 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Maritime a retiré son agrément en qualité d'assistante familiale.

Par un jugement n° 1503653 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 21 février 2017, Mme D...A..., représentée par Me F...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2015 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Maritime a retiré son agrément en qualité d'assistante familiale ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Seine-Maritime de la réintégrer dans ses fonctions ;

4°) de mettre à la charge du département de la Seine-Maritime la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...A..., néeC..., a été agréée en qualité d'assistante familiale par le département de la Seine-Maritime, pour une durée de cinq ans à compter du 23 juin 2010. A la suite de la communication au département d'informations préoccupantes au sujet de son époux, M. A..., le département de la Seine-Maritime a saisi l'autorité judiciaire compétente d'une demande d'antécédents judiciaires le concernant par un courrier du 29 avril 2015, et a averti M. A...de cette démarche par un courrier de la même date. Par un courrier du 20 mai 2015, le procureur près le tribunal de grande instance de Dieppe a informé le directeur de la cellule enfance en danger du département de la condamnation le 5 juin 2003 de M. A...par la cour d'assises du Val d'Oise à la peine de cinq ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis, assorti d'une mise à l'épreuve pendant trois ans, pour des faits d'atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans par ascendant ou personne ayant autorité. A la suite de cette information, le département a prononcé la suspension de l'agrément de Mme A...par décision du 3 juin 2015, pour une durée maximale de quatre mois. Puis, à la suite de l'avis rendu par la Commission consultative paritaire départementale le 14 septembre 2015, le département a, par une décision du 28 septembre 2015, retiré l'agrément de MmeA.... Mme A...relève appel du jugement du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la requérante. En particulier, les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'ont pas omis de répondre à l'argument tiré de ce que la décision en litige serait une mesure de sanction et non une mesure de police administrative pour répondre au moyen soulevé par la requérante tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction alors applicable : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. / (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. ". Aux termes de l'article L. 421-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) / Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. / Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. / La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de la commission présidée par le président du conseil départemental ou son représentant, mentionnée au troisième alinéa, sont définies par voie réglementaire. (...) ". La décision par laquelle l'autorité administrative prononce le retrait de l'agrément d'un assistant maternel ou familial constitue une mesure de police administrative prise dans l'intérêt des enfants accueillis.

4. En premier lieu, si Mme A...se borne à faire valoir à nouveau en cause d'appel que MmeE..., directrice à l'aide sociale à l'enfance et de la protection maternelle infantile du département de la Seine-Maritime a, d'une part, siégé au sein de la commission consultative paritaire départementale du 14 septembre 2015 et, d'autre part, signé, par délégation du président du conseil départemental, la décision de retrait d'agrément du 28 septembre 2015 en litige, qui n'est pas une mesure de sanction mais une mesure de police administrative ainsi qu'il a été dit au point 3, cette circonstance n'est pas de nature, à elle seule, à faire naître un doute sur l'impartialité de Mme E.... Dès lors, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

5. En deuxième lieu, si une décision de retrait d'agrément est au nombre des décisions devant être motivée en application des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles mentionnées au point 3, il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, cette décision est suffisamment motivée. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

6. En troisième lieu, les dispositions citées au point 3 permettent au président du conseil départemental de retirer un agrément d'assistant familial lorsque les conditions de l'agrément, au nombre desquelles figurent les conditions d'accueil garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, ne sont plus remplies. Dès lors, si Mme A...fait valoir que l'agrément qui lui avait été délivré ne pouvait être légalement retiré dès lors que le cas d'espèce n'est pas expressément prévu par les dispositions du code de l'action sociale et des familles, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 133-16 du code pénal : " La réhabilitation produit les mêmes effets que ceux qui sont prévus par les articles 133-10 et 133-11. Elle efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation. / Toutefois, lorsque la personne a été condamnée au suivi socio-judiciaire prévu à l'article 131-36-1 ou à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, la réhabilitation ne produit ses effets qu'à la fin de la mesure. Par ailleurs, la réhabilitation ne produit ses effets qu'à l'issue d'un délai de quarante ans lorsqu'a été prononcée, comme peine complémentaire, une interdiction, incapacité ou déchéance à titre définitif. / La réhabilitation n'interdit pas la prise en compte de la condamnation, par les seules autorités judiciaires, en cas de nouvelles poursuites, pour l'application des règles sur la récidive légale. " Aux termes de l'article 133-11 du même code : " Il est interdit à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d'interdictions, déchéances et incapacités effacées par l'amnistie, d'en rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit ou d'en laisser subsister la mention dans un document quelconque. Toutefois, les minutes des jugements, arrêts et décisions échappent à cette interdiction (...) ". Si Mme A... fait valoir que son époux a fait l'objet d'une mesure de réhabilitation, ce qui s'opposerait à ce que la décision de retrait de l'agrément en litige puisse être légalement fondée sur la condamnation pénale dont il a fait l'objet, Mme A...n'établit pas la réalité de cette réhabilitation. En tout état de cause, à supposer même cette circonstance établie, d'une part, l'administration pouvait légalement tenir compte de la constatation par le juge pénal des faits à l'origine de la condamnation de M.A..., à laquelle s'attache l'autorité absolue de la chose jugée et, d'autre part, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que l'administration s'est également fondée, pour retirer l'agrément qui lui avait été délivré, sur le déni, par Mme A..., de la réalité et de la gravité des faits, pour en déduire que ce positionnement est de nature à affecter ses capacités à identifier une situation à risque dans l'exercice de son activité d'assistante familiale. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait ainsi pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ce seul motif. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en tant qu'époux de l'appelante et alors même qu'il n'est pas lui-même titulaire de l'agrément, M. A...peut être en contact direct avec les mineurs accueillis par son épouse. Ainsi, compte tenu, d'une part, de la gravité des faits reprochés à M.A..., constatés par le juge pénal par une décision revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée et, d'autre part, de l'attitude de déni persistante de Mme A...à reconnaître la réalité et la gravité des faits commis sur des mineurs, pour lesquels son mari a été condamné, et qu'elle n'avait, au demeurant, jamais signalés aux services du département, le président du conseil départemental de la Seine-Maritime a fait une exacte application des dispositions citées au point 3 en estimant que les conditions garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs accueillis par Mme A...n'étaient plus réunies, justifiant, par suite, le retrait de l'agrément d'assistante familiale qui lui avait été délivré. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2015 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Maritime a retiré son agrément en qualité d'assistante familiale. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Seine-Maritime, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par MmeA..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme demandée par le département de la Seine-Maritime, au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Seine-Maritime présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et au département de la Seine-Maritime.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02256
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-03-02-01 Collectivités territoriales. Département. Attributions. Compétences transférées.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : TOMEH

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-11-22;16da02256 ?
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