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15/11/2018 | FRANCE | N°16DA01551

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 15 novembre 2018, 16DA01551


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI des Combattants a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 juin 2014 par lequel le maire de la commune de Violaines a délivré un permis de construire à la société Tilloy Expansion pour la construction d'un supermarché sur une parcelle cadastrée section AK n° 334 située à l'angle de la rue du 11 novembre et de la route d'Estaires sur le terrain de la commune de Violaines, et la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé à son en

contre.

Par un jugement n° 1408354 du 28 juin 2016, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI des Combattants a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 juin 2014 par lequel le maire de la commune de Violaines a délivré un permis de construire à la société Tilloy Expansion pour la construction d'un supermarché sur une parcelle cadastrée section AK n° 334 située à l'angle de la rue du 11 novembre et de la route d'Estaires sur le terrain de la commune de Violaines, et la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé à son encontre.

Par un jugement n° 1408354 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 août 2016, et un mémoire, enregistré le 27 avril 2017, la SCI des Combattants, représentée par la SCP Parme Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Violaines et de la société Tilloy Expansion la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de commerce ;

- le décret n° 95-260 du 8 mars 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me C...A..., représentant la commune de Violaines.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI des Combattants relève appel du jugement du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2014 par lequel le maire de la commune de Violaines a délivré un permis de construire à la société Tilloy Expansion pour la construction d'un supermarché sur une parcelle cadastrée section AK n° 334 située à l'angle de la rue du 11 novembre et de la route d'Estaires sur le territoire de la commune de Violaines.

Sur la recevabilité :

2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (...) du recours. / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier reçues par la cour le 15 novembre 2016 et communiquées aux parties en défense le 15 décembre 2016, que la requête d'appel de la SCI des Combattants, enregistrée le 29 août 2016, a été notifiée par le conseil de cette dernière à la commune de Violaines et à la société Tilloy Expansion, dans les deux cas au plus tard le 2 septembre 2016, soit dans le délai de quinze jours franc imparti par les dispositions citées au point précédent. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Violaines, et tirée de ce que ces notifications n'auraient pas été accomplies dans le délai requis, doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

6. Il ressort des pièces du dossier que la SCI des Combattants est propriétaire, depuis le 11 juillet 2011, d'une maison d'habitation qui est située à environ 55 mètres du terrain d'assiette du projet de supermarché de la société Tilloy Expansion qui porte sur une surface de vente de 2 500 m² et son parc de stationnement de 112 places. Elle doit ainsi être regardée comme se situant dans le voisinage immédiat de celui-ci.

7. Par ailleurs, la SCI requérante fait état de troubles de voisinage et de jouissance résultant de l'activité du supermarché, compte tenu de ce que les véhicules des clients et les camions de livraison emprunteront majoritairement, pour y accéder, la route d'Estaires, qui longe la maison dont elle est propriétaire. À cet égard, l'étude acoustique jointe au dossier de demande de permis de construire fait apparaître, de fait de cette activité, une légère augmentation des nuisances sonores, dont il ne peut être fait abstraction, dans le cadre de l'appréciation de l'intérêt à agir, au seul motif que l'émergence respecterait les valeurs réglementaires. En outre, et ainsi que cela ressort du procès-verbal dressé par un huissier de justice le 3 juillet 2011, compte tenu de la distance entre les deux terrains, de la configuration des lieux et des caractéristiques du supermarché projeté, la construction sera partiellement mais directement visible du terrain que possède la SCI des Combattants. Les circonstances que la maison est déjà située dans une zone d'activités artisanales et commerciales, qu'elle n'a pas été entretenue pendant au moins deux ans après son achat, et que des locataires n'ont été recherchés que tardivement, ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à remettre en cause le caractère suffisamment direct et certain de cet intérêt. Si, par ailleurs, la SCI des Combattants a eu connaissance de l'existence du projet en litige antérieurement à l'acquisition de cette maison, son ancien gérant, M.B..., ayant attaqué le précédent permis de construire délivré à la société Tilloy Expansion le 11 mars 2011, cette circonstance n'est pas, non plus, de nature à la priver de son intérêt pour agir à l'encontre du permis contesté.

8. Enfin, il n'est pas établi que la SCI des Combattants aurait été constituée dans le but exclusif de contester le permis de construire en litige, ni que l'action engagée par cette société, dont M. B...est le gérant, visait exclusivement à défendre les intérêts du beau-frère de celui-ci, gérant et propriétaire jusqu'en 2012 d'une enseigne de supermarché concurrente implantée sur la commune de La Bassée, voisine de celle de Violaines.

9. Par suite, la SCI des Combattants justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire en litige.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 9 que la SCI des Combattants est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande comme irrecevable faute d'intérêt lui donnant qualité pour agir. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité invoqué à son encontre, le jugement du 28 juin 2016 doit être annulé.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI des Combattants devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la légalité du permis de construire :

En ce qui concerne le moyen tiré de la péremption de l'autorisation d'exploitation commerciale :

12. Aux termes de l'article L. 752-15 du code de commerce, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " L'autorisation d'exploitation commerciale est délivrée préalablement à l'octroi du permis de construire s'il y a lieu, ou avant la réalisation du projet si le permis de construire n'est pas exigé (...) ". Aux termes de l'article R. 752-27 du même code, dans sa même version : " (...) Lorsque la réalisation d'un projet autorisé est subordonnée à l'obtention d'un permis de construire, l'autorisation est périmée si un dossier de demande de permis de construire considéré comme complet au regard des articles R. 423-19 à R. 423-22 du code de l'urbanisme n'est pas déposé dans un délai de deux ans à compter de la date fixée au premier alinéa. / Si la faculté de recours prévue à l'article L. 752-17 a été exercée, ces délais courent à compter de la date de la notification de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial. En cas de suspension de l'exécution d'une autorisation, ces délais sont suspendus pendant la durée de la suspension. (...) ".

13. L'article R. 423-22 du code de l'urbanisme dispose que : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 ".

14. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Pas-de-Calais a délivré à la société Tilloy Expansion l'autorisation d'ouvrir un hypermarché d'une surface de vente de 2 500 m² à Violaines. Le recours formé par un concurrent commercial devant la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a fait l'objet d'une décision de rejet le 30 juin 2011, qui a ainsi autorisé le projet de la société Tilloy Expansion. Il est constant que cette décision a été notifiée à la société Tilloy Expansion le 8 août 2011. A compter de cette date, et afin que cette autorisation ne périme pas, la société Tilloy Expansion disposait ainsi d'un délai de deux ans pour déposer son dossier de demande de permis de construire complet.

15. Il est constant que le dossier de demande de permis de construire a été déposé le 5 avril 2013. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de la commune de Violaines aurait, dans le délai d'un mois à compter du dépôt de ce dossier en mairie, notifié à la société Tilloy Expansion la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 du code de l'urbanisme. Dès lors, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la société Tilloy Expansion a, spontanément, complété ce dossier le 2 avril 2014, circonstance qui ne saurait d'ailleurs, à elle seule, révéler son incomplétude au moment où il a été déposé, ce dossier devait, pour l'application des dispositions des articles R. 423-19 à R. 423-22 du code de l'urbanisme, ainsi que pour celles de l'article R. 752-27 du code de commerce qui renvoient expressément à ces articles du code l'urbanisme, être regardé comme complet le 5 avril 2013. A cette date, l'autorisation d'exploitation commerciale n'était donc pas périmée.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 15 que le moyen tiré de la péremption de l'autorisation d'exploitation commerciale doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la nécessité d'obtenir une nouvelle autorisation d'exploitation commerciale au regard des modifications substantielles apportées au projet :

17. Il résulte du premier alinéa de l'article L. 752-15 du code de commerce, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué, que l'autorisation d'exploitation commerciale est délivrée préalablement à l'octroi du permis de construire. Aux termes du troisième alinéa de ce même article, dans sa même version : " Une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d'instruction ou dans sa réalisation, subit des modifications substantielles dans la nature du commerce ou des surfaces de vente. Il en est de même en cas de modification de la ou des enseignes désignées par le pétitionnaire ".

18. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige diffère du projet autorisé par la CNAC le 30 juin 2011 au niveau de l'emplacement du bâtiment et du parking sur la parcelle, du volume et de la disposition des espaces verts, de la hauteur du bâtiment qui a été diminuée et, enfin, de l'accès au site par les véhicules automobiles. Cependant, ces modifications n'affectent ni l'assiette du projet, ni l'enseigne, ni la surface de vente, ni le secteur d'activité. Dans ces conditions, le projet visé dans le dossier de demande de permis de construire déposé le 5 avril 2013 et retenu le 3 juin 2014 n'a pas subi de modifications substantielles au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 752-15 du code de commerce alors applicables.

19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 et 18 que le moyen tiré de ce que les modifications apportées au projet rendaient nécessaire la délivrance d'une nouvelle autorisation d'exploitation commerciale doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article UE 7 du règlement du plan local d'urbanisme :

20. Aux termes de l'article UE 7 du règlement du plan local d'urbanisme du syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) des Deux-Cantons : " Les constructions ne peuvent être implantées sur les limites séparatives. / Sur toute la longueur des limites séparatives, la marge d'isolement (L) d'un bâtiment qui n'est pas édifié sur ces limites doit être telle que la différence de niveau (H) entre tout point de la construction projetée et le point bas le plus proche de la limite séparative n'excède pas deux fois la distance comptée horizontalement entre ces deux points (H=2L). Cette distance ne peut être inférieure à 5 mètres ".

21. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté, qui se situe dans le secteur Lb 6, est édifié à une distance de 60 mètres de la limite séparative et qu'il a une hauteur de 7 mètres. Ainsi, la hauteur de ce bâtiment n'excède pas deux fois la distance comptée horizontalement entre le point de la construction projetée et le point bas le plus proche de la limite séparative. Par ailleurs, la règle de recul minimum de 5 mètres a été respectée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UE 7 du règlement du plan local d'urbanisme du SIVOM des Deux-Cantons doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI des Combattants n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué du 3 juin 2014 est entaché d'illégalité. Les conclusions dirigées contre cet arrêté doivent par suite être rejetées, ainsi que celles dirigées contre la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé à son encontre.

Sur les frais liés au procès :

23. Les conclusions de la SCI des Combattants, partie principalement perdante dans la présente instance, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

24. En revanche, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Violaines au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 juin 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI des Combattants devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SCI des Combattants présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La SCI des Combattants versera à la commune de Violaines une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI des Combattants, à la commune de Violaines et à la société Tilloy Expansion.

N°16DA01551 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01551
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-11-15;16da01551 ?
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