Vu la procédure suivante :
I. Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2017, sous le numéro 17DA01924, et un mémoire, enregistré le 23 mai 2018, la société en nom collectif Jazz 1, représentée par Me H... F...et Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial lui a refusé une autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble commercial d'une surface totale de 32 178 m2 à Margny-les-Compiègne ;
2°) d'enjoindre à la Commission nationale de statuer à nouveau sur sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II. Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2017, sous le numéro 17DA01925, et un mémoire, enregistré le 23 mai 2018, la société en nom collectif Jazz 2 et la SCI Gresarcine, représentées par Me H... F...et Me B...A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial leur a refusé une autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un hypermarché d'une surface totale de vente de 4 392 m2 à Margny-les-Compiègne ;
2°) d'enjoindre à la Commission nationale de statuer à nouveau sur leur demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
- l'arrêt nos 15DA01552,15DA01553 du 23 mars 2017 de la cour administrative d'appel de Douai.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me B...A..., représentant les sociétés Jazz 1 et Jazz 2 et la SCI Gresarcine, de Me D...C..., représentant la société Brico Dépôt, et de Me E...J..., représentant la société Atac.
Deux notes en délibéré présentées par les sociétés Jazz 1 et Jazz 2 et la SCI Gresarcine ont été enregistrées le 28 septembre 2018.
1. La société Jazz 1 a demandé à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 32 178 m2 sur le territoire de la commune de Margny-les-Compiègne, sur le site d'une zone d'aménagement concertée de 60 hectares, comprenant un magasin spécialisé dans le bricolage de 8 107 m2, trois moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement de la personne d'une surface de vente de 1 599 m2, 1 092 m2, et 1 616 m2, une moyenne surface spécialisée dans la culture et les loisirs ou dans l'équipement de la personne d'une surface de vente de 343 m2, six moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement du foyer d'une surface de vente de 2 764 m2, 1 568 m2, 3 921 m2, 487 m2, 437 m2, et 1 932 m2, trois moyennes surfaces spécialisées dans la culture, le sport, et les loisirs d'une surface de vente de 3 416 m2, 896 m2, et 909 m2, treize boutiques de moins de 300 m2chacune correspondant à une surface de vente totale de 2 310 m2et trois boutiques spécialisées dans l'équipement automobile de moins de 300 m2chacune, correspondant à une surface de vente totale de 781 m2.
2. Le projet de la société Jazz 2 et de la SCI Gresarcine porte sur la création d'un hypermarché à dominante alimentaire à l'enseigne Intermarché d'une surface de vente de 4 392 m2 sur le même site.
3. Les deux demandes, dont la commission départementale d'aménagement commercial de l'Oise a été saisie le 26 novembre 2014 et qui ont été complétées le 11 décembre 2014, ont donné lieu à une décision favorable de cette commission dans sa séance du 14 janvier 2015 qui a fait l'objet de plusieurs recours formés devant la Commission nationale d'aménagement commercial par des enseignes concurrentes situées dans la zone de chalandise. Par deux décisions prises dans sa séance du 18 juin 2015 et formulées de manière identique, la Commission nationale a rejeté ces deux demandes d'autorisation. Par un arrêt n°s 15DA01552-15DA01553 du 23 mars 2017, la cour administrative d'appel de Douai a annulé pour excès de pouvoir ces décisions et a enjoint à la Commission nationale de se prononcer à nouveau sur les demandes dont elle restait saisie. Par deux décisions prises dans sa séance du 6 juin 2017 et formulées de manière identique, la Commission nationale a, à nouveau, rejeté les deux demandes d'autorisation. Par une requête, enregistrée sous le n° 17DA01924, la société Jazz 1 demande l'annulation de la décision refusant d'autoriser le centre commercial. Par une requête, enregistrée sous le n° 17DA01925, la société Jazz 2 et la SCI Gresarcine demandent l'annulation de la décision refusant la création de l'hypermarché.
4. Les deux requêtes présentant les mêmes questions à juger, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Atac et la société Carrefour Hypermarchés :
5. Il ressort des pièces du dossier que les décisions en litige ont été notifiées aux sociétés Jazz 1 et Jazz 2 par des courriers du 4 août 2017, par l'intermédiaire de leur mandataire, la société Implant'Action, qui en a accusé réception le 7 août. Dès lors, leurs requêtes, enregistrées au greffe de la cour le 3 octobre 2017, ont été introduites dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 421-1 du code de justice administrative applicable au litige. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des requêtes doit écartée.
6. Aux termes de l'article R. 611-8-4 du code de justice administrative : " Lorsqu'une partie ou son mandataire adresse un mémoire ou des pièces par voie électronique, son identification selon les modalités prévues par l'arrêté mentionné à l'article R. 414-1 vaut signature pour l'application des dispositions du présent code (...) ". Le mandataire des requérantes a présenté les requêtes par voie électronique. Dès lors, son identification par l'application " Télérecours " vaut signature au sens des dispositions de l'article R. 611-8-4 précité. Par suite, le moyen tiré du défaut de ministère d'avocat manque en fait et doit être écarté.
7. Aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation (...) ". Il est constant que les sociétés requérantes ont produit, à l'appui de leur requête une copie incomplète des décisions attaquées. Une copie intégrale de ces pièces a toutefois été versée au dossier par la Commission nationale d'aménagement commercial. Les requêtes de la société Jazz 1, de la société Jazz 2 et de la SCI Gresarcine ont été ainsi régularisées et la cour mise en mesure de statuer. Par suite, le moyen tiré du défaut de production des décisions attaquées doit être écarté.
8. En tant que sociétés en nom collectif, les sociétés Jazz 1 et Jazz 2 sont régulièrement engagées dans leurs rapports avec les tiers par leur gérant, qui a également qualité de plein droit pour agir en justice en son nom. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'extrait k-bis de ces sociétés, que leur gérant est la société Salamandre, société par actions simplifiées. Cette société est régulièrement représentée à l'égard des tiers par son président ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom. Il ressort des pièces du dossier que M. I...est le président de la société Salamandre. Il pouvait, dès lors, présenter les requêtes au nom des sociétés Jazz 1 et Jazz 2. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du représentant légal des sociétés requérantes dans les deux instances doit être rejetée.
9. En tant que société civile, la SCI Gresarcine est régulièrement engagée dans ses rapports avec les tiers par son ou ses gérants, qui ont également qualité de plein droit pour agir en justice en son nom. Il ressort des pièces du dossier que M. G...K...est l'un des gérants associés de la SCI Gresarcine. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du représentant légal de la société requérante doit être rejetée.
Sur la méconnaissance des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :
10. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable : " I. L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés aux 2° et 5° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale ".
11. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.
12. Pour refuser les deux projets, mentionnés aux points 1 et 2, dont elle était saisie à nouveau après l'arrêt du 23 mars 2017 mentionné au point 3, la Commission nationale d'aménagement commercial s'est fondée sur une pluralité de motifs, sans, au demeurant qu'ils soient explicitement reliés aux objectifs et aux critères de l'article L. 752-6 du code de commerce. Parmi les sept considérants utiles exposés dans les décisions, les trois premiers semblent devoir être rattachés à l'objectif d'aménagement du territoire, figurant au 1° du I de cet article et au critère de la localisation du projet figurant sous le a) et à celui de l'effet du projet sur l'animation urbaine figurant sous le c), les trois considérants suivants au même objectif et au critère de l'effet du projet sur les flux de transport et d'accessibilité figurant sous le d). Le dernier motif se rattache à l'objectif de développement durable figurant au 2° du I du même article et au critère de l'insertion paysagère et architecturale du projet figurant sous le b). Il y a lieu pour la cour de statuer sur ces motifs qui sont contestés devant elle.
En ce qui concerne les motifs relatifs à la méconnaissance de l'objectif d'aménagement du territoire :
S'agissant de la localisation du projet et de ses effets sur l'animation urbaine :
13. Aux points 9 à 12 de son arrêt du 23 mai 2017, mentionné au point 3, devenu irrévocable, la cour a précisément indiqué les raisons pour lesquelles elle avait censuré les précédents motifs retenus par la Commission nationale dans sa décision initiale en ce qui concerne la localisation du projet et les atteintes à l'animation de la vie urbaine de l'agglomération de Compiègne. Ces motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif sont revêtus de l'autorité de la chose jugée. La seconde décision de la Commission nationale en litige, qui ne repose pas sur des circonstances de fait ou de droit nouvelles, reproduit pour l'essentiel sur ces points les mêmes griefs que ceux déjà opposés à l'encontre du même projet. Elle a ainsi méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs précités de l'arrêt de la cour. Si, en outre, cette motivation fait pour la première fois explicitement référence à l'attribution de la subvention du Fond d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), attribuée à la communauté d'agglomération de la région de Compiègne (ARC) en novembre 2012, cette circonstance n'est pas au nombre des éléments dont ni la Commission nationale ni la cour n'auraient pas déjà pu tenir compte respectivement en 2015 et 2017. En tout état de cause, cet élément simplement mentionné par la Commission n'est pas à lui seul de nature à justifier un refus de création de l'ensemble commercial envisagé, compte tenu de la possible conciliation entre le dispositif d'aide et la contribution à l'animation de la vie urbaine par les acteurs du projet commercial. Au demeurant, un accord a été passé avec les commerçants du centre-ville sur ce point. Enfin, si la Commission nationale, a également comparé pour la première fois dans la décision en litige les surfaces alimentaires et non alimentaires, au titre du second projet visant la création de l'hypermarché, pour constater que " près de la moitié des surfaces de vente envisagées portent sur l'alimentaire, l'équipement de la personne, la culture et les loisirs et l'automobile alors que, selon le Document d'orientation et d'objectifs du SCoT de l'Agglomération de la région de Compiègne, les commerces qui s'installeront dans le secteur de Hauts de Margny devront être principalement orientés vers l'équipement de la maison ", elle n'en a pas conclu, comme elle a coutume de le faire lorsqu'elle entend l'opposer, à une incompatibilité en l'espèce avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT). Dans ces conditions, une telle référence ne doit pas être regardée comme un motif nouveau par rapport à la décision de 2015. En outre, et à supposer que cette simple mention, au demeurant non reliée aux autres objectifs du SCoT, puisse être regardée comme révélant un motif nouveau non déjà soumis à la cour, il ne résulte pas, en tout état de cause, de l'instruction, compte tenu du caractère à la fois circonscrit au projet Jazz 2, - lequel n'est d'ailleurs pas complètement dissociable du projet Jazz 1 avec lequel il a été analysé -, et très limité de ce dépassement, qu'une telle méconnaissance de l'un des objectifs figurant au Document d'orientation et d'objectifs, aurait été de nature, en l'espèce et à lui seul, à justifier le rejet du projet portant sur les deux volets Jazz 1 et Jazz 2.
S'agissant des flux de transport et la desserte du projet :
14. Dans l'arrêt du 23 mai 2017, aux points 13 à 17, la cour a précisément indiqué les raisons pour lesquelles elle avait censuré les précédents motifs retenus initialement par la Commission nationale à propos des flux de transport et de la desserte du projet, et avait notamment estimé que les engagements des autorités départementales pour les voies routières ou celles de l'ARC chargées des transports en commun figurant au dossier, étaient suffisamment certains au regard des pièces produites et en particulier de l'implication de l'ARC, opérateur des transports en commun, dans le projet. Ces motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif sont également revêtus de l'autorité de la chose jugée. Si la Commission nationale a constaté que le dossier dont elle se trouvait ressaisi, n'avait pas substantiellement évolué sur ces points, il n'apparaît pas qu'elle aurait demandé en vain une actualisation des documents fournis pour porter une appréciation renouvelée sur ces questions ou que des modifications seraient intervenues qui justifiaient un refus à la date à laquelle elle s'est prononcée. Par ailleurs, la cour avait également estimé que l'accès au site par des modes dits " doux ", comme le vélo, de transport n'était pas impossible. Dans ces conditions, en renouvellement son refus sur le critère des transports et de la desserte sans se fonder sur des circonstances de fait et de droit nouvelles, la Commission nationale a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs précités de l'arrêt de la cour.
En ce qui concerne le motif relatif à l'objectif de développement durable et au critère de l'insertion paysagère et architecturale du projet :
15. Dans son précédent arrêt, au point 20, la cour a retenu que " en se bornant à indiquer que le projet " marquerait fortement l'environnement " sans donner d'autres indications, la Commission nationale ne permet pas à la cour de connaître les raisons qui pourraient, notamment au regard de l'objectif de développement durable visé au 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, justifier un refus des projets ". Dans sa seconde décision, la Commission nationale a motivé son refus en soulignant que " le projet architectural est massif et de faible qualité, que les installations commerciales seront aménagées autour d'un parc de stationnement de plain-pied et intégralement imperméabilisé ; que seul l'arrière des bâtiments sera visible des axes routiers ; qu'aucun effort n'est fourni pour intégrer le pôle commercial envisagé dans l'environnement de type plateau agricole ".
16. Il ressort des pièces du dossier que les bâtiments projetés, composés de bois, de métal et de surfaces vitrées, s'organisent autour d'un parc de stationnement commun aux diverses enseignes qui devrait permettre de réduire la circulation des véhicules à l'intérieur de l'ensemble. Cet espace de stationnement, dont les dimensions ne paraissent pas excessives par rapport aux besoins, doit comporter plusieurs aménagements paysagers tels que des plantations réparties en cercles concentriques, trois espaces verts, des noues phytodrainantes, des haies longeant les circulations transversales ainsi que des murs végétaux destinés à dissimuler les aires de livraison. D'autres espaces verts sont également prévus autour des bâtiments pour assurer la transition vers les espaces agricoles. Plus de 40 000 m2, soit 24 % de la surface du site, sont consacrés aux espaces verts. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le parti pris architectural retenu porterait atteinte au caractère du secteur, qui n'est pas classé en zone protégée et ne se situe pas à proximité d'une telle zone. En outre, le site ne constitue pas un " espace naturel " même si certains terrains pouvaient être à l'état naturel. Il n'a pas pour effet à lui seul de porter atteinte à " l'environnement de type plateau agricole " dès lors que la zone d'aménagement concertée, créée en vue de la réhabilitation d'une friche militaire, accueille déjà, à la date des décisions attaquées, non loin d'ailleurs d'équipements aéronautiques, une salle de spectacles et d'exposition dénommée " Le Tigre ", un centre de formation, une surface de vente préexistante, ainsi que des entreprises industrielles, artisanales et de service. Par suite, c'est à tort que la Commission nationale a estimé, en l'espèce, que les conditions de l'insertion paysagère et architecturale du projet méconnaîtraient le b) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas légalement justifié ses décisions du 6 juillet 2017 au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.
Sur les autres motifs avancés par les défendeurs :
18. La société Atac soutient que les projets méconnaissent les dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme tandis que les sociétés Atac, Carrefour Hypermarchés et Enibas soutiennent qu'ils sont incompatibles avec le schéma de cohérence territoriale. Toutefois, la Commission nationale d'aménagement commercial ne demande pas, en tout état de cause, qu'ils soient substitués à ceux qu'elle a retenus. Par suite, les décisions n'étant pas fondées sur ces motifs, il n'y a pas lieu d'examiner ces moyens en défense qui sont inopérants.
19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des sociétés requérantes, que les sociétés Jazz 1, Jazz 2 et la SCI Gresarcine sont fondées à demander l'annulation des décisions du 6 juillet 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'autoriser la création respectivement d'un ensemble commercial et d'un hypermarché sur le site de des Hauts-de-Margny.
Sur l'injonction :
20. Eu égard aux termes des requêtes, il y a seulement lieu d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder à un réexamen des demandes présentées par les sociétés Jazz 1, Jazz 2 et la SCI Gresarcine, dans un délai de quatre mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.
Sur les frais liés aux litiges :
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, d'une part, la somme de 2 000 euros à verser à la société Jazz 1 et, d'autre part, la somme globale de 2 000 euros à verser à la société Jazz 2 et à la SCI Gresarcine, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Bricot Dépôt, par la société Atac, par la société Carrefour Hypermarchés et par la société Enibas, qui ont la qualité de parties perdantes dans les présentes instances.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions du 6 juillet 2017 de la Commission nationale d'aménagement commercial sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer à nouveau sur les demandes des sociétés Jazz 1 et Jazz 2 et de la SCI Gresarcine, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Jazz 1 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : L'Etat versera la somme globale de 2 000 euros à la société Jazz 2 et à la SCI Gresarcine, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jazz 1, à la société Jazz 2, à la SCI Gresarcine, à la société Bricot Dépôt, à la société Atac, à la société Carrefour Hypermarchés, à la société Enibas et la Commission nationale d'aménagement commercial.
N°s17DA01924,17DA01925 2