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11/10/2018 | FRANCE | N°16DA01554

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 11 octobre 2018, 16DA01554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société financière Roland Couteau et la société Brebières Promotion ont demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, la condamnation de la communauté d'agglomération du Douaisis à leur verser une somme totale de 10 600 000 euros assortie des intérêts aux légal et de la capitalisation de ces intérêts, à titre subsidiaire, la condamnation de ce même établissement public à verser cette somme à la seule société financière Roland Couteau, ainsi que la condamnation de cet é

tablissement à supporter les conséquences fiscales du produit exceptionnel résultant de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société financière Roland Couteau et la société Brebières Promotion ont demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, la condamnation de la communauté d'agglomération du Douaisis à leur verser une somme totale de 10 600 000 euros assortie des intérêts aux légal et de la capitalisation de ces intérêts, à titre subsidiaire, la condamnation de ce même établissement public à verser cette somme à la seule société financière Roland Couteau, ainsi que la condamnation de cet établissement à supporter les conséquences fiscales du produit exceptionnel résultant de cette condamnation.

Par un jugement nos 1402954-1503506 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2016, la société financière Roland Couteau et la société Brebières Promotion, représentées par Me A...E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération du Douaisis à leur verser une somme totale de 10 600 000 euros assortie des intérêts aux légal à compter du 2 janvier 2014 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner la communauté d'agglomération du Douaisis à supporter les conséquences fiscales du produit exceptionnel résultant de la condamnation à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Douaisis la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me D...B..., substituant Me F...C..., représentant la communauté d'agglomération du Douaisis.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération en date du 3 mai 2001, le bureau du syndicat mixte pour l'aménagement et l'équipement des zones industrielles de la région de Douai (SMAEZI) a décidé d'approuver le principe de la vente à la société Financière Roland Couteau de terrains dont il était propriétaire dans la zone d'activités de l'Ermitage située dans la commune de Lambres-lez-Douai aux fins de permettre à cette société l'édification d'un bâtiment logistique destiné à la location à des entreprises, la même délibération fixant par ailleurs les conditions générales de l'aide financière octroyée aux entreprises créant des emplois dans cette zone. Après avoir, le 6 mai 2004, confirmé à la société Financière Roland Couteau les termes de cette délibération, la communauté d'agglomération du Douaisis, venant aux droits du SMAEZI, a délivré à celle-ci, le 23 août 2005, un certificat portant sur la superficie des deux parcelles cadastrales d'assiette du projet et un certificat autorisant cette société à déposer une demande de permis de construire sur ces terrains. Par une délibération du 5 juillet 2007, le bureau de la communauté d'agglomération du Douaisis a autorisé la vente à la société Palm Promotion d'un terrain d'une superficie de 66 142 m² englobant les deux parcelles d'assiette du projet de la société Financière Roland Couteau, et autorisé la société Palm Promotion à déposer une demande de permis de construire sur ce terrain. A la demande de la société Financière Roland Couteau, par jugement n° 076088 du 5 mars 2009, le tribunal administratif de Lille a, annulé cette délibération du 5 juillet 2007. Par un arrêt n° 09DA00739 du 29 mars 2011, la cour administrative d'appel de Douai a confirmé ce jugement. Le 30 décembre 2013, la société Financière Roland Couteau et sa filiale la société Brebières Promotion ont demandé la condamnation de la communauté d'agglomération du Douaisis à leur verser une somme de 10 600 000 euros en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis à la suite de cette vente. La société Financière Roland Couteau et la société Brebières Promotion relèvent appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Douaisis à leur verser cette somme.

Sur la responsabilité du fait d'une illégalité fautive :

2. Si toute illégalité est constitutive d'une faute, l'intervention d'une décision illégale ne saurait donner lieu à réparation lorsque, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

3. Par son arrêt du 29 mars 2011, la cour a retenu comme unique motif d'annulation de la délibération du 5 juillet 2007 une méconnaissance des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales tirée d'une insuffisance de la note explicative de synthèse adressée, avant la séance au cours de laquelle la délibération a été adoptée, aux membres du bureau de la communauté d'agglomération du Douaisis. Pour retenir une telle insuffisance, la cour a relevé que la note d'information communiquée aux membres du bureau ne leur avait pas rappelé l'existence de la délibération du 3 mai 2001 qui avait approuvé le principe de la vente de terrains à la société Financière Roland Couteau, laquelle était nécessairement remise en cause, le 5 juillet 2007, par la nouvelle autorisation de vente accordée à la société Palm Promotion. Cependant, la délibération du 3 mai 2001 avait pour objet d'approuver, " sous réserve de l'estimation domaniale ", le principe de la vente à la société Financière Roland Couteau d'" un terrain sur la zone de l'Ermitage " d'ailleurs non précisément identifié, les modalités de cette vente, et notamment son prix, devant être ultérieurement précisées. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, la délibération du 3 mai 2001 ne saurait être regardée comme un engagement ferme et définitif de vente de terrains précisément déterminés pris par la collectivité vis-à-vis de la société, ni comme ayant créé par elle-même un droit acquis au profit de la société Financière Roland Couteau. Par ailleurs, la demande de permis de construire déposée le 6 octobre 2005 par cette société, en vue de la construction du bâtiment industriel nécessaire à la réalisation de son projet, a été classée sans suite par le maire de la commune de Lambres-lez-Douai au motif que les pièces complémentaires demandées n'avaient pas été versées au dossier. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une suite a été donnée à son projet initial par la société Financière Roland Couteau. Il résulte enfin de l'instruction que la délibération du 5 juillet 2007 a été adoptée par la collectivité publique en vue de permettre à la société Palm Promotion de construire un bâtiment et de signer une vente en l'état futur d'achèvement au profit d'une autre société, afin de rendre possible une opération devant conduire à la création de 128 emplois sur un ensemble foncier plus large. Les sociétés appelantes ne contestent pas sérieusement le bien-fondé de ces motifs, qui étaient susceptibles de légalement justifier le principe de cette vente. Compte tenu de ces éléments, le bureau de la communauté d'agglomération du Douaisis aurait pu légalement prendre la même décision si l'illégalité externe entachant la délibération du 5 juillet 2007 n'avait pas été commise. Au demeurant, le président de la communauté d'agglomération du Douaisis a ultérieurement, par lettre du 27 juillet 2007, proposé à la société Financière Roland Couteau la vente d'autres parcelles situées dans la même zone d'activités et, dans le cas où ces parcelles ne seraient pas susceptibles de convenir à la réalisation de son projet, l'a invitée à se rapprocher du service économique de la communauté afin que lui soient faites d'autres propositions de vente, dans d'autres secteurs. La société Financière Roland Couteau, qui a, par une lettre du 6 août 2007, rejeté ces propositions, n'établit pas qu'aucune alternative n'aurait permis la réalisation de son projet dans des conditions similaires. En outre, la société Financière Roland Couteau ne s'est pas manifestée auprès de la communauté d'agglomération du Douaisis après que la société Palm Promotion eût renoncé à son projet d'achat du terrain.

4. Il résulte de ce qui précède que les préjudices tirés de la perte d'un client, d'un manque à gagner ou d'une atteinte à son image ou à sa réputation que la société prétend avoir subis ne peuvent être regardés, en tout état de cause, comme la conséquence de l'illégalité entachant la délibération du 5 juillet 2007.

Sur la responsabilité pour faute du fait d'une promesse non tenue :

5. La société n'établit pas davantage, comme il a été dit au point 3, l'existence d'une promesse non tenue à supposer que ce fondement de responsabilité pour faute soit invoqué de manière autonome.

Sur la responsabilité pour faute tirée d'une atteinte à la libre concurrence ou fondée sur " le favoritisme " manifesté par la collectivité publique à un concurrent :

6. La décision prise par une personne publique de ne pas céder une dépendance de son domaine privé, y compris lorsque la personne à qui cette cession a été refusée souhaite y exercer une activité économique, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la libre concurrence.

7. Si, après avoir donné un accord de principe à la société Financière Roland Couteau quant à la cession de certaines parcelles situées dans la zone d'activités de l'Ermitage, la communauté d'agglomération a, comme il a été rappelé notamment au point 1, finalement autorisé la vente notamment de ces parcelles à une autre société, cette circonstance n'a, au regard de ce qui a été rappelé au point 6, porté aucune atteinte à la libre concurrence.

8. Il ne résulte pas enfin de l'instruction, au regard des faits déjà rappelés, et contrairement à ce qui est allégué, que la communauté d'agglomération du Douaisis ait, en tout état de cause, commis une faute en adoptant un comportement empreint de " favoritisme ".

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la communauté d'agglomération du Douaisis, que la société Financière Roland Couteau et la société Brebières Promotion ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de cette communauté d'agglomération à leur verser une somme totale de 10 600 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2014 et de la capitalisation de ces intérêts.

Sur les frais liés au procès :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération du Douaisis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement aux appelantes de la somme qu'elles demandent sur ce fondement.

11. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Financière Roland Couteau et de la société Brebières Promotion le versement à la communauté d'agglomération du Douaisis d'une somme globale de 2 000 euros sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Financière Roland Couteau et de la société Brebières Promotion est rejetée.

Article 2 : La société Financière Roland Couteau et la société Brebières Promotion verseront à la communauté d'agglomération du Douaisis la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Financière Roland Couteau, à la société Brebières Promotion et à la communauté d'agglomération du Douaisis.

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