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27/09/2018 | FRANCE | N°17DA01384

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 17DA01384


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2017 et des mémoires, enregistrés le 1er février 2018 et le 23 février 2018, la SA L'Immobilière Européenne des Mousquetaires, représentée par Me B...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le maire de Vimy lui a refusé un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'édification d'un ensemble commercial de 7 766 m², rue Victor Hugo ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Vimy la

somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2017 et des mémoires, enregistrés le 1er février 2018 et le 23 février 2018, la SA L'Immobilière Européenne des Mousquetaires, représentée par Me B...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le maire de Vimy lui a refusé un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'édification d'un ensemble commercial de 7 766 m², rue Victor Hugo ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Vimy la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me B...E..., représentant SA l'Immobilière Européenne des Mousquetaires, de Me D...F..., représentant la commune de Vimy, et de Me C...A..., représentant société Atac.

Une note en délibéré présentée par la SA l'Immobilière Européenne des Mousquetaires a été enregistrée le 19 septembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires a bénéficié, le 29 octobre 2014, d'une autorisation d'exploitation commerciale, accordée par la commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de-Calais, dans le but d'implanter un ensemble commercial d'une superficie de 7 766 m², sur le territoire de la commune de Vimy. Saisie par plusieurs sociétés concurrentes, la Commission nationale d'aménagement commercial a, par une décision du 13 mars 2015 se substituant à celle de la commission départementale d'aménagement commercial, rejeté la demande d'autorisation. La cour administrative d'appel de Douai, saisie par la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires, a, par un arrêt du 4 mai 2016, annulé la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial. Le 16 février 2017, cette autorité administrative a de nouveau refusé la demande d'autorisation en se fondant sur deux motifs tirés, pour le premier, de l'incompatibilité du projet avec les orientations du schéma de cohérence territoriale Lens-Liévin et Hénin-Carvin, et, pour le second, d'une consommation non économe de l'espace, de l'insuffisance des aménagements paysagers et de l'absence de recours aux énergies renouvelables en méconnaissance de critères de l'article L. 752-6 du code de commerce. Compte tenu du refus opposé par la Commission nationale d'aménagement commercial et, au regard des dispositions de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le maire de la commune de Vimy a refusé de délivrer le permis de construire sollicité pour ce même ensemble commercial, par un arrêté du 23 mai 2017. La société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires, pétitionnaire, demande l'annulation de ce refus.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Atac :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'autorisation d'exploitation commerciale a été initialement accordée à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires par la commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de-Calais avant l'entrée en vigueur, le 15 février 2015, de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Le refus d'autorisation, qui avait été prononcé par la Commission nationale d'aménagement commercial le 13 mars 2015, est intervenu à la suite de plusieurs recours administratifs préalables obligatoires déposés par des sociétés concurrentes antérieurement à cette entrée en vigueur. Par un arrêt du 4 mai 2016, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir annulé le refus de la Commission nationale d'aménagement commercial, a enjoint à cette autorité administrative de se prononcer à nouveau sur la demande dont elle restait saisie. Le 12 octobre 2016, la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires a confirmé sa demande par le dépôt d'un dossier actualisé. Le 16 février 2017, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis un " avis défavorable " au projet qui a conduit le maire de la commune de Vimy à rejeter la demande de permis de construire déposée le 13 juillet 2016 par la société pétitionnaire. Par suite, cette dernière est recevable à demander l'annulation de ce refus de permis de construire en se prévalant du refus d'autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la société Atac à ce recours dirigé contre le permis de construire doit être écartée.

Sur les motifs de refus opposés par la CNAC au projet du pétitionnaire :

3. La société requérante conteste les deux motifs qui fondent l'" avis défavorable " de la Commission nationale d'aménagement commercial.

En ce qui concerne le motif tiré de l'incompatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de Lens-Liévin et Hénin-Carvin :

4. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du document d'orientation générale du schéma de cohérence territoriale (SCoT) de Lens-Liévin-Hénin-Carvin relatif au " développement d'une offre commerciale équilibrée " que les auteurs du SCoT ont entendu fixer pour objectif la consolidation des pôles commerçants urbains de Lens, Liévin, Hénin-Beaumont et Carvin. A cette fin, doit être confortée l'attractivité du centre commercial d'envergure régionale d'Auchan Bord-des-Eaux à Noyelles-Godault comportant un hypermarché et sa galerie marchande de plus de 21 000 m² au sein d'un ensemble commercial de plus de 110 000 m² de surface commerciale. Il en va de même, à l'échelle de l'agglomération, de l'attractivité des centres commerciaux Carrefour à Liévin et Cora à Lens 2, dont les hypermarchés représentent chacun plus de 10 000 m² au sein d'ensembles commerciaux de près de 36 000 m² et 66 000 m². Dans ce cadre, la possibilité de créer de nouvelles implantations commerciales de type hypermarché de plus de 6 000 m² susceptibles de déséquilibrer ces pôles régionaux est " proscrite ". Les pôles secondaires et intermédiaires, parmi lesquels compte la commune de Vimy, doivent répondre prioritairement à des besoins d'achats primaires (alimentaire, tabac presse ...), et à des besoins plus occasionnels (équipements de la personne et de la maison ...). Ils peuvent, en outre, constituer des centralités supracommunales sans toutefois devenir des pôles d'intérêt d'agglomération ou régional. Le document d'orientation générale renvoie aux plans locaux d'urbanisme la création ou le renforcement de pôles commerçants d'envergure secondaire ou intermédiaire. Il privilégie le développement du commerce lié aux achats quotidiens au sein des centres villes, bourgs, ou au sein même des quartiers, et la préservation des commerces de proximité. S'agissant de la politique foncière, il accorde une priorité au renouvellement urbain qui passe notamment par le traitement de quartiers et de zones de déshérence telles que les friches urbaines, industrielles, commerciales.

6. Le projet contesté porte sur la création d'un supermarché à l'enseigne Intermarché de 2 466 m² de surface de vente, d'une galerie commerciale d'une surface de vente de 255 m² composée d'une boutique alimentaire et d'une boutique non-alimentaire, d'un magasin de bricolage d'une superficie de 4 093 m², d'une surface spécialisée dans l'équipement du foyer d'une superficie de 952 m² et, enfin, d'un point de retrait d'achats par voie télématique organisé pour l'accès en automobile. Ce projet situé dans un pôle qualifié d'intermédiaire par le SCoT, constitue, au regard de l'importance modérée du supermarché alimentaire et du magasin de bricolage, un ensemble commercial d'importance locale et intercommunale. Eu égard à sa taille et à ses activités, il n'apparaît pas comme étant susceptible de remettre en cause les équilibres entre les différentes formes de commerce, recherchés par les auteurs du SCoT de Lens-Liévin et Hénin-Carvin, ou comme portant atteinte à l'attractivité des grands centre commerciaux mentionnés par le SCoT, ainsi qu'il a été dit au point précédent.

7. Par ailleurs, si le projet n'est pas situé dans le centre-ville de la commune de Vimy dont la population s'établit à un peu plus de 4 000 habitants, il n'en est éloigné que de 500 mètres ainsi que le relève la direction des territoires et de la mer, laquelle rappelle également que le projet doit permettre de réhabiliter une friche issue d'un ancien établissement de réparation automobile. Cet équipement commercial se situe également dans le prolongement d'un quartier résidentiel situé au nord de la commune. Il est aisément accessible à pied, par cycle ou en bus, et s'inscrit dans une trame urbaine.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que le projet, qui répond d'ailleurs à une orientation foncière du SCoT de Lens-Liévin et Hénin-Carvin qui confère un caractère prioritaire à la réhabilitation des friches industrielles, ne s'avère pas incompatible avec les orientations de ce schéma, telles qu'elles ont été rappelées au point 5 et qui doivent être appréciées globalement. L'autorité responsable du schéma de cohérence territoriale ainsi que l'ensemble des services consultés dans le cadre de l'instruction de ce dossier ont au demeurant conclu à une compatibilité du projet avec le SCoT. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé que le projet n'était pas compatible avec une des orientations du SCoT.

En ce qui concerne la violation de certains critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :

9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version applicable au litige : " (...) La Commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / (...) / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

11. La Commission nationale d'aménagement commercial a retenu que le projet méconnaissait l'objectif énoncé au 2° du I de l'article L. 752-6 du code du commerce au motif qu'avec l'aménagement d'un parc de stationnement de plain-pied de 289 places, il ne faisait pas preuve d'une consommation économe de l'espace, que les aménagements paysagers prévus au projet étaient limités et qu'il n'était pas prévu de recourir aux énergies renouvelables.

12. Il ressort des pièces du dossier que le projet doit être installé sur le site d'une ancienne friche, déjà largement imperméabilisée par un sol en bitume. Il ne contribuera donc que faiblement à l'imperméabilisation d'un sol naturel. En outre, il n'est pas établi que les emplacements de stationnement prévus, dont une partie est traitée en revêtement perméable, correspondent à une consommation non-économe de l'espace. Enfin, des noues paysagères et des espaces végétalisés sont prévus sur plus de 20 % de l'emprise foncière.

13. Par ailleurs, si les commissions d'aménagement commercial doivent prendre en considération notamment le " recours le plus large qui soit " aux énergies renouvelables, en vertu du a) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce ce que le projet ne prévoit pas au vu des pièces du dossier, une insuffisance en ce domaine ne suffit pas à elle seule, dans les circonstances de l'espèce, à justifier un rejet de la demande alors d'ailleurs qu'il ressort des pièces du dossier que l'énergie provenant des meubles froids et surgelés sera récupérée afin de produire de la chaleur.

14. Par suite, la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires est fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé que le projet ne répondait pas, au vu des critères examinés, aux objectifs fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce et a émis un " avis défavorable ".

15. Aucun des autres moyens n'est susceptible d'entraîner, en l'état du dossier soumis à la cour, l'annulation de la décision contestée pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme.

16. Il s'en suit que l'arrêté du maire de Vimy qui a été pris en application d'un " avis défavorable " de la Commission nationale d'aménagement commercial illégal est lui-même illégal et doit être annulé.

Sur les frais liés au litige :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Atac la somme de 1 500 euros à verser à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'à la charge de la commune de Vimy, qui ayant défendu par des moyens propres que la requête devait être rejetée, a également la qualité de partie perdante, la somme de 1 000 euros sur le même fondement.

18. En revanche, ces dispositions font, en outre, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la société Atac et la commune de Vimy, parties perdantes.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 23 mai 2017 du maire de Vimy refusant la délivrance d'un permis de construire à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires est annulé.

Article 2 : La commune de Vimy versera à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Atac versera à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Vimy et la société Atac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires, à la société Atac, à la commune de Vimy et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

N°17DA01384 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01384
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CABINET HOLYS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-09-27;17da01384 ?
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