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27/09/2018 | FRANCE | N°16DA02179

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 16DA02179


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2016, et des mémoires, enregistrés le 29 décembre 2016 et le 13 octobre 2017, la société Carrefour Hypermarchés, représentée par la SELARL Létang avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 septembre 2016 par lequel le maire de Fourmies a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SNC Lidl relatif à la démolition, la reconstruction et l'extension d'une surface commerciale à l'enseigne " Lidl " ;

2°) de

mettre à la charge de la commune de Fourmies la somme de 5 000 euros au titre de l'artic...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2016, et des mémoires, enregistrés le 29 décembre 2016 et le 13 octobre 2017, la société Carrefour Hypermarchés, représentée par la SELARL Létang avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 septembre 2016 par lequel le maire de Fourmies a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SNC Lidl relatif à la démolition, la reconstruction et l'extension d'une surface commerciale à l'enseigne " Lidl " ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Fourmies la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me E...C..., représentant la société Carrefour Hypermarchés, de Me A...F..., représentant la commune de Fourmies et de Me D...B..., représentant la SNC Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl a déposé une demande de permis de construire le 22 décembre 2015 dans le but de reconstruire et d'agrandir une surface de vente existante à l'enseigne " Lidl " d'une superficie de 1 686 m² de surface de vente, avenue Roger Couderc sur le territoire de la commune de Fourmies. Le projet a bénéficié, le 18 mars 2016, d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Nord et la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par la société Carrefour Hypermarchés, par un avis tacite intervenu le 6 septembre 2016. Le maire de la commune de Fourmies a accordé le permis de construire sollicité par la SNC Lidl par un arrêté du 19 septembre 2016, dont la société Carrefour Hypermarchés demande l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Fourmies :

2. Il ressort de l'extrait k-bis produit devant la cour que la société Carrefour Hypermarchés exploite depuis le 1er février 2006 un établissement à l'enseigne " Carrefour " situé rue Théophile Legrand dans la zone d'activité de la Marlière à Foumies. Par suite, l'identité de la société requérante est clairement établie.

3. Comme indiqué au point précédent, la société requérante démontre exploiter un établissement situé à moins de deux kilomètres du projet. Celui-ci se trouve, par conséquent, dans sa zone de chalandise. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir doit être écartée.

4. Aux termes de l'article R. 752-32 du code de commerce : " A peine d'irrecevabilité de son recours, dans les cinq jours suivant sa présentation à la commission nationale, le requérant, s'il est distinct du demandeur de l'autorisation d'exploitation commerciale, communique son recours à ce dernier soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit par tout moyen sécurisé / (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la société Carrefour Hypermarchés a notifié son recours préalable obligatoire à la SCN Lidl le 6 mai 2016, soit le jour même où elle a transmis son recours à la Commission nationale d'aménagement commercial. Par suite, le moyen tiré du défaut de notification de recours préalable obligatoire à la société titulaire de l'autorisation manque en fait et doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur la régularité de l'avis émis par la CNAC :

En ce qui concerne l'absence de consultation des ministres concernés :

6. L'article L. 752-17 du code de commerce institue un recours administratif préalable obligatoire contre les avis ou décisions de la commission départementale d'aménagement commercial devant la Commission nationale d'aménagement commercial. En vertu de l'avant-dernier alinéa du I de ce texte : " La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé ".

7. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 752-36 du même code : " Le secrétariat de la commission nationale instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au commissaire du Gouvernement de recueillir et de présenter à la Commission nationale les avis de l'ensemble des ministres intéressés avant d'exprimer son propre avis.

8. Malgré la demande de pièces qui a été adressée par la juridiction, il ne ressort pas de celles produites au dossier que les avis des ministres, alors même qu'ils auraient été sollicités et recueillis par le commissaire du Gouvernement, auraient figuré au dossier avant l'intervention de l'avis tacite rendu par la Commission nationale sur le fondement des dispositions citées au point 6 de l'article L. 752-17 du code de commerce. Ce défaut de production des avis au dossier doit ainsi être regardé comme un défaut de consultation des ministres concernés. En l'espèce, l'absence de ces avis a été, à tout le moins, susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis tacite qui est réputé confirmer l'avis favorable de la commission départementale. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que, les dispositions de l'article R. 752-36 du même code ayant été méconnues, l'avis tacite de la Commission nationale d'aménagement commercial a été rendu illégalement.

Sur l'absence de motivation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial :

9. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 6, en vertu du dernier alinéa du I de l'article L. 752-17 du code de commerce, en l'absence d'avis exprès de la Commission nationale d'aménagement commercial dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. L'avis tacite ainsi rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial a nécessairement pour effet de rejeter le recours administratif préalable obligatoire introduit devant la Commission nationale. Par ailleurs, en vertu des dispositions du code de commerce relatives à l'aménagement commercial, issues de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 et de son décret d'application n° 2015-165 du 12 février 2015, si l'avis finalement rendu est défavorable, l'autorité administrative compétente doit rejeter la demande de permis de construire dont elle a été saisie. Si cet avis est favorable, cette autorité se prononce sur la demande de permis de construire dont elle a été saisie au regard du dossier d'urbanisme. Dans l'hypothèse où le projet d'équipement commercial envisagé ne nécessite pas de permis de construire, les commissions d'aménagement commercial délivrent des décisions et non des avis.

10. En outre, l'article R. 752-38 du code de commerce prévoit que les avis ou décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent être motivés.

11. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

12. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 9 à 11 que, eu égard au caractère et à leur portée les avis conformes ou, le cas échéant, les décisions, rendus par les commissions d'aménagement commercial, doivent être assimilés à des décisions au sens du code des relations entre le public et l'administration rappelées ci-dessus. Par suite, il appartient, en cas de demande régulièrement formée, à la Commission nationale d'aménagement commercial de communiquer les motifs de son avis tacite ou, le cas échéant, de sa décision tacite, à la personne dont le recours administratif préalable obligatoire a été rejeté.

13. Il ressort des pièces du dossier que la société Carrefour Hypermarché a présenté à la Commission nationale d'aménagement commercial, par lettre du 27 octobre 2016, une demande de communication des motifs de l'avis tacite né le 6 septembre 2016 qui est réputé confirmer l'avis favorable rendu le 18 mars 2016 par la commission départementale d'aménagement commercial du Nord et qui, par conséquent, rejette implicitement son recours administratif préalable obligatoire. En s'abstenant de faire droit à cette demande dans le délai d'un mois qui lui était imparti par l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis tacite d'illégalité.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 13 que l'avis émis par la Commission nationale d'aménagement commercial est entaché d'illégalité. Une telle illégalité entache également d'illégalité le permis de construire délivré par le maire de Fourmies en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme.

15. Aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible d'entraîner, en l'état du dossier soumis à la cour, l'annulation de la décision contestée pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme.

16. Compte tenu, d'une part, du premier motif d'annulation découlant du vice résultant de l'absence de consultation des ministres intéressés et en l'absence de précisions sur le sens et le contenu des avis que les ministres auraient pu émettre, ainsi que, d'autre part, du second motif d'annulation tiré d'une absence de communication des motifs sur lesquels la Commission nationale d'aménagement commercial a fondé son avis, il n'y a pas lieu de faire usage des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme afin de permettre la régularisation de l'arrêté du 19 septembre 2016 du maire de Fourmies en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

17. Il résulte tout de ce qui précède que la société Carrefour Hypermarchés est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2016 du maire de Fourmies portant délivrance d'un permis de construire à la SNC Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés au litige :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Lidl et de la commune de Fourmies, parties perdantes, une somme de 1 500 euros chacune à verser à la société Carrefour Hypermarchés sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SNC Lidl et de la commune de Fourmies, parties perdantes, présentées sur leur fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 19 septembre 2016 du maire de Fourmies délivré à la SNC Lidl est annulé en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Article 2 : La SNC Lidl versera à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La commune de Fourmies versera à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SNC Lidl et de la commune de Fourmies présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Carrefour Hypermarchés, à la SNC Lidl, à la commune de Fourmies et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02179
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : LETANG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-09-27;16da02179 ?
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