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18/09/2018 | FRANCE | N°18DA00546

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 18 septembre 2018, 18DA00546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Par un jugement n° 1703410 du 14 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018, M.D..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Par un jugement n° 1703410 du 14 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018, M.D..., représenté par Me A...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 14 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant géorgien né le 13 septembre 1986, entré en France le 12 novembre 2014 selon ses déclarations, relève appel du jugement du 14 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Le requérant soutient que la décision en litige a été prise par une autorité incompétente et qu'elle est insuffisamment motivée. Ces moyens, qui ne sont assortis d'aucune précision nouvelle en appel, ont été à bon droit écartés par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point.

3. M. D...a été auditionné par la gendarmerie nationale le 10 novembre 2017 à la suite de son interpellation et a été informé, préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, de la possibilité qu'une telle mesure soit prise à son encontre, et invité à présenter ses observations sur ce point. Il a ainsi pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour et sur la perspective de son éloignement. Il n'est par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne.

4. Il ne résulte ni des motifs de cette décision, ni d'aucune autre pièce du dossier que la situation personnelle de M. D...n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation personnelle.

5. M. D...fait valoir qu'il vit avec une compatriote, mère de trois enfants et qui est titulaire d'un titre de séjour. Cependant, il ressort des pièces du dossier que cette relation, qui aurait débuté en 2016, présente en tout état de cause un caractère récent. En outre, M. D...n'est entré en France qu'en novembre 2014, à l'âge de vingt-huit ans, et n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine. Il ne justifie, par ailleurs, d'aucune insertion sociale et professionnelle particulière. En outre, il a été placé en garde à vue pour des faits de recel de vol en janvier 2017 et a été reconduit en Géorgie le 10 février 2017. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M.D..., la préfète de la Seine-Maritime n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision en litige a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

6. M. D...soutient que la décision en litige méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision nouvelle en appel, a été à bon droit écarté par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

8. Il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète de la Seine-Maritime se serait considérée en situation de compétence liée pour refuser à M. D... un délai de départ volontaire.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. D...a fait l'objet, le 4 mars 2016, d'un premier arrêté préfectoral portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. L'intéressé s'est maintenu sur le territoire français jusqu'au 10 février 2017, date à laquelle il a été a été reconduit en Géorgie après avoir été placé en garde à vue pour des faits de recel de vol en janvier 2017. Il entre, dès lors, dans le champ des dispositions citées au point précédent et ne fait état d'aucune circonstance particulière qui serait de nature à écarter la présomption selon laquelle il existe un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. M. D...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait fait une inexacte application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le pays de destination :

10. La décision contestée vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Elle est suffisamment motivée en fait, dès lors qu'elle mentionne la nationalité de M. D... et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays.

11. M. D...se borne à soutenir, comme en première instance, que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'apporte cependant, en cause d'appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenu à bon droit par le premier juge, de l'écarter.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

13. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

14. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour, d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision, une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

15. La décision attaquée fait état de la persistance du séjour irrégulier de M. D... sur le territoire français depuis l'année 2016 et de ce que l'intéressé s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Elle révèle l'absence de documents d'identité et de voyage, de ressources et de domicile effectif. Elle mentionne également les placements en garde à vue pour vol à l'étalage et recel de vol de l'intéressé. Par suite, la décision attaquée qui comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et répond aux exigences rappelées au point précédent, est ainsi suffisamment motivée.

16. Il ne résulte ni des motifs de cette décision, ni d'aucune autre pièce du dossier que la situation personnelle de M. D...n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation personnelle.

17. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

18. M. D... s'est maintenu illégalement sur le territoire français et ne démontre pas l'existence d'attaches anciennes et stables sur le territoire français. Il n'établit pas davantage être dépourvu de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine. Ainsi qu'il a déjà été dit, le comportement du requérant constitue, par ailleurs, une menace à l'ordre public. Par suite, la décision de la préfète de la Seine-Maritime lui interdisant le retour en France pendant une durée de deux ans ne méconnaît pas les dispositions du III de l'article L. 511-1 précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

19. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, la décision interdisant le retour de M. D...pendant deux ans ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

20. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...B....

Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

N°18DA00546 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00546
Date de la décision : 18/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-09-18;18da00546 ?
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