La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/09/2018 | FRANCE | N°18DA00510

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 18 septembre 2018, 18DA00510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par des demandes distinctes, M. D...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 février 2018 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités italiennes et, d'autre part, l'arrêté du 20 février 2018 du préfet de la Somme ordonnant son assignation à résidence sur le territoire de la commune d'Amiens pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement conjoint n° 1800543, 1800544 du 27 février 2018, le magistrat désigné par le président du

tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par des demandes distinctes, M. D...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 février 2018 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités italiennes et, d'autre part, l'arrêté du 20 février 2018 du préfet de la Somme ordonnant son assignation à résidence sur le territoire de la commune d'Amiens pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement conjoint n° 1800543, 1800544 du 27 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2018, M. D...A..., représenté par Me B...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens du 27 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 février 2018 du préfet du Nord et, par voie de conséquence, l'arrêté du 20 février 2018 du préfet de la Somme ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de prendre en charge l'instruction de sa demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ainsi que les entiers dépens.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant guinéen, né le 1er janvier 1981, entré en France le 23 juin 2017 selon ses déclarations, a sollicité auprès du préfet de la Somme le 5 octobre 2017 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé avait été identifié comme demandeur d'asile en Italie. Après avoir saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge, en application de l'article 18.1 b du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord implicite le 8 novembre 2017, le préfet de la Somme a, par deux arrêtés du 12 décembre 2017, ordonné son transfert aux autorités italiennes et son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 18 décembre 2017, qui, frappé d'appel, n'était pas devenu définitif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé ces arrêtés et enjoint au préfet de la Somme de réexaminer la situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement contesté. Par un arrêté du 20 février 2018, le préfet du Nord a, à nouveau, ordonné son transfert aux autorités italiennes et, par un arrêté du même jour, ordonné son assignation à résidence sur le territoire de la commune d'Amiens pour une durée de quarante-cinq jours. M. A...relève appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A...soutenait à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 20 février 2018 en litige que l'autorité de la chose jugée s'imposait au préfet du Nord quand bien même ce dernier n'était pas compétent pour prendre la décision annulée par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens par le jugement n°1703442 et 1703443 du 18 décembre 2017 et qu'il devait prendre en charge sa demande d'asile conformément à ce jugement. En rejetant les demandes de M. A...sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, le jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

5. M. A...fait valoir que les arrêtés attaqués méconnaissent l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 18 décembre 2017 du magistrat désigné par le tribunal administratif d'Amiens qui a annulé la précédente décision de transfert et, par voie de conséquence, celle l'assignant à résidence dès lors que du fait de cette annulation, la France est devenue responsable de sa demande asile. Cependant, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 12 décembre 2017 ordonnant le transfert de M. A...aux autorités italiennes pour erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 seulement en ce qui concerne les conditions matérielles de son transfert liées à son état de santé et s'est borné, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 742-6, à enjoindre au préfet de statuer à nouveau sur le cas de l'intéressé. Le préfet de la Somme n'était ainsi pas tenu, au regard de ce motif d'annulation, de prendre en charge sa demande d'asile, mais seulement de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé. En adoptant l'arrêté litigieux du 20 février 2018, il n'a par suite pas méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 18 décembre 2017.

Sur la légalité de la décision de transfert aux autorités italiennes :

6. Si le préfet du Nord s'est fondé notamment sur l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'était plus applicable, à la date de l'arrêté attaqué, aux étrangers dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, celui-ci ayant été abrogé par l'article 20 de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 531-1 du même code. Cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie, dès lors, d'une part, que l'étranger a eu communication des éléments de la décision dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, prévue par le troisième alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, d'autre part, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer les dispositions de l'article L. 531-1 ou celles de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il ressort des pièces du dossier que les empreintes digitales de M. A...ont été relevées en Italie le 22 février 2017 et le 4 avril 2017 et il ressort également du formulaire de requête aux fins de reprise en charge adressé aux autorités italiennes le 24 octobre 2017 et de l'entretien individuel du 5 octobre 2017, que l'intéressé a formé une demande d'asile en Italie le 4 avril 2017. Les autorités italiennes ont d'ailleurs accepté leur responsabilité par un accord implicite le 8 novembre 2017. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû faire application des articles 3.2 et 13.2 du règlement susvisé du 26 juin 2013, qui concernent, respectivement, la situation où aucun Etat membre responsable ne peut être désigné et la situation où un Etat membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable de l'examen d'une demande de protection internationale.

8. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable, conformément à l'article 20, paragraphe 5 et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit ") en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) ".

9. M. A...ne produit aucun élément de droit ou de fait nouveau justifiant que le préfet du Nord reprenne la procédure de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Le préfet du Nord n'a ainsi pas entaché son arrêté d'incompétence négative. En outre, le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées n'était pas écoulé lorsque le préfet a saisi les autorités italiennes, le 24 octobre 2017, d'une demande de reprise en charge de M.A....

10. Aux termes de l'article 17 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

11. Si M. A...a été hospitalisé le 12 septembre 2017 pour la prise en charge d'une lésion lobaire supérieure droite excavée dans un contexte de toux associée à une douleur thoracique et une altération de son état général, il est sorti de l'hôpital le 18 septembre 2017 avec une antibiothérapie de quatorze jours. S'il fait valoir également qu'il devait réaliser un scanner thoracique le 30 janvier 2018 et qu'il avait une consultation le 23 février 2018 au service de pneumologie du CHU d'Amiens, il n'établit pas, par le seul certificat médical produit, faire l'objet d'un traitement médical. Il n'établit pas plus, en se bornant à produire des articles de presse, que la situation de l'Italie, qui doit faire face à un afflux de migrants, l'exposerait à des risques de traitements inhumains ou dégradants ou s'opposerait au traitement régulier de sa demande d'asile. Par suite, le préfet, qui n'était pas tenu de se prononcer expressément sur les raisons pour lesquelles il a estimé que l'intéressé ne relevait pas de ces dispositions, n'a entaché la décision en litige d'aucune erreur manifeste d'appréciation sur la situation de M.A....

Sur l'assignation à résidence :

12. L'arrêté prononçant l'assignation à résidence de M. A...vise notamment le premier alinéa du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise les éléments de fait sur lesquels il se fonde. Il mentionne en outre que l'éloignement de M. A...fait l'objet d'une réadmission en Italie et que l'intéressé dispose d'un domicile fixe. L'arrêté attaqué est ainsi suffisamment motivé.

13. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 20 février 2018 ordonnant le transfert de M. A...aux autorités italiennes n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence n'est pas privé de base légale.

14. Aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; (...) . M. A...est célibataire et sans enfant à charge en France. Les modalités de son assignation à résidence sur le territoire de la commune d'Amiens où il a son domicile et doit se présenter tous les jours au commissariat de police d'Amiens, ne constituent pas une mesure disproportionnée par rapport au but poursuivi par cette décision qui tend à l'exécution de la décision d'éloignement. La décision en litige n'est, par suite, entachée d'aucune erreur dans l'appréciation de sa situation. En outre, en tout état de cause, au regard des critères fixés par les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs à l'assignation à résidence, M. A...ne peut utilement soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés du 20 février 2018 en litige. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800543, 1800544 du 27 février 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. A...devant le tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...C....

Copie sera adressée au préfet du Nord et au préfet de la Somme.

5

N°18DA00510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00510
Date de la décision : 18/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : QUENNEHEN et TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-09-18;18da00510 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award