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19/06/2018 | FRANCE | N°17DA01530

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 19 juin 2018, 17DA01530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 mai 2017 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités Belges et son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1704375 du 24 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, Mme D..., représentée par Me B...C..., demande à la cour :

1

) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2017 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 mai 2017 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités Belges et son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1704375 du 24 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, Mme D..., représentée par Me B...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2017 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de lui restituer l'attestation de demande d'asile qui lui avait été délivrée en application des dispositions de l'article L. 742-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., qui se dit de nationalité somalienne, a demandé l'asile en France le 22 décembre 2016. Après avoir constaté que les autorités belges avaient enregistré le 16 juillet 2015 une demande d'asile présentée par l'intéressée, et obtenu, le 21 février 2017, leur accord en vue de sa reprise en charge, le préfet du Nord, par arrêté du 12 mai 2017, a décidé son transfert vers la Belgique et prononcé son assignation à résidence. Mme D... relève appel du jugement du 24 mai 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de transfert vers la Belgique :

2. En premier lieu, l'article 4 de règlement du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride dispose : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / (...) " .

3. Mme D... ne conteste pas que les brochures sur l'application du règlement du 26 juin 2013 qui lui ont été remises le 22 décembre 2016 étaient rédigées en langue somalienne, qu'elle avait déclaré comprendre, et qu'elle n'a pas fait état de son analphabétisme au cours de l'entretien qui s'est déroulé le même jour dans les services de la préfecture. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'elle était alors accompagnée d'une personne qui s'est présentée comme une compatriote capable de l'assister en qualité de traductrice. Au regard, notamment, de la précision des éléments recueillis au cours de cet entretien, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas en mesure de comprendre les informations qui lui ont été communiquées, ainsi que l'a à bon droit relevé le magistrat désigné.

4. En deuxième lieu, l'article 19 du règlement du 26 juin 2013 prévoit : " (...) 3. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres en exécution d'une décision de retour ou d'une mesure d'éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande. / Toute demande introduite après qu'un éloignement effectif a eu lieu est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable ".

5. Si Mme D..., dont la demande d'asile a été rejetée en Belgique, soutient qu'elle a quitté cet Etat en exécution d'une mesure d'éloignement prise par les autorités belges, elle n'établit pas, ni même n'allègue, avoir quitté le territoire des Etats membres de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en application des dispositions du 3 de l'article 19, la Belgique n'était plus responsable de l'examen de sa demande d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intervention réparatrice d'une infibulation dont la requérante a souhaité bénéficier sur le territoire français était programmée à la date de l'arrêté contesté. Ainsi, il n'est pas établi qu'en décidant son transfert vers la Belgique, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision d'assignation à résidence :

7. En premier lieu, l'arrêté contesté vise l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les éléments relatifs à la situation de Mme D... de nature à justifier le recours à une mesure d'assignation à résidence. La décision assignant l'intéressée à résidence pendant quarante-cinq jours est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'antépénultième alinéa de l'article L. 561-1 du même code, auquel renvoient les dispositions de l'article L. 561-2 de ce code. Aucune règle n'impose, en outre, que le principe et la durée de l'assignation à résidence fassent l'objet d'une motivation distincte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque en fait.

8. En deuxième lieu, le I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à l'autorité administrative de " prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable ", notamment lorsque cet étranger fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 de ce code. L'article L. 561-2-1 du même code prévoit que les étrangers assignés à résidence sur ce fondement se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. L'article R. 561-5 de ce code précise que cette information est délivrée par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie.

9. Il résulte de ces dispositions que la remise aux étrangers assignés à résidence de l'information qu'elles prévoient ne constitue pas une formalité préalable mais doit être accomplie au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. L'absence de l'information ainsi prévue est, par suite, sans incidence sur la légalité de la décision d'assignation à résidence, laquelle s'apprécie à la date de son édiction.

10. En troisième lieu, l'avant dernier alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'applique aux assignations à résidence prononcées en application de l'article L. 561-2 en vertu du neuvième alinéa de ce même article, dispose que : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. (...) L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2 (...) ". L'article R. 561-2 du même code précise que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ". Le deuxième alinéa de cet article prévoit également que, dans certains cas, notamment lorsque le comportement de l'étranger ayant fait l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 constitue une menace pour l'ordre public, l'autorité administrative peut " désigner à l'étranger une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence, dans la limite de dix heures consécutives par vingt quatre heures ".

11. Il ressort de ces dispositions qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure n'a pas, en dehors des hypothèses où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile.

12. Dès lors, les décisions par lesquelles le préfet assigne à résidence, sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étrangers faisant l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code peuvent être prononcées à l'égard des étrangers qui ne disposent que d'une simple domiciliation postale. L'indication dans de telles décisions d'une adresse qui correspond uniquement à une domiciliation postale ne saurait imposer à l'intéressé de demeurer à cette adresse. Le moyen tiré par Mme D... de ce que le préfet du Nord ne pouvait légalement l'assigner à résidence à une adresse postale, alors que l'arrêté contesté ne comporte aucune astreinte à domicile doit, par suite, être écarté.

13. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait procédé à un examen insuffisant de la situation particulière de Mme D... avant de prononcer son assignation à résidence. En particulier, le défaut d'examen allégué ne résulte pas de la seule circonstance que le préfet a pris cette décision avant que la requérante lui communique une attestation de fin de domiciliation.

14. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord se serait cru tenu de prononcer l'assignation à résidence de Mme D... pour la durée maximale de quarante-cinq jours prévue par les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me B...C....

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

5

N°17DA01530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01530
Date de la décision : 19/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt (AJ)
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CABARET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-19;17da01530 ?
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