Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...et Mme D...A...ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 février 2014 par lequel le préfet de l'Eure a déclaré cessibles au profit de la communauté de communes de Quillebeuf-sur-Seine les parcelles ZB 8, ZB 32 et ZB 62 sur le territoire de la commune de Tocqueville en vue de la réalisation des aménagements hydrauliques des bassins versants d'Aizier et de Sainte-Croix-sur-Aizier.
Par un jugement n° 1401200 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2016, M. B...A...et Mme D...A..., représentés par Me C...E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) à titre subsidiaire, de dire que " le préfet devra assortir l'arrêté portant déclaration d'utilité publique des travaux d'aménagement de prescriptions conformément aux dispositions des articles L. 214-3 et R. 214-15 du code rural ".
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 25 janvier 2012, le préfet de l'Eure a déclaré d'utilité publique les travaux d'aménagements hydrauliques des bassins versants d'Aizier et de Sainte-Croix-sur-Aizier sur le territoire de la commune de Tocqueville en vue de prévenir les phénomènes d'inondations constatés de façon récurrente et déclaré cessibles les parcelles en cause. Par un arrêté du 3 février 2014, le préfet de l'Eure a de nouveau déclaré cessibles, au profit de la communauté de communes de Quillebeuf-sur-Seine, les parcelles ZB 8, ZB 32 et ZB 62 situées sur le territoire de la commune de Tocqueville, en vue de la réalisation de ces aménagements hydrauliques. M. A...et son épouse, exploitants agricoles, propriétaires de la parcelle ZB 8 et preneurs à bail des parcelles ZB 32 et ZB 62, relèvent appel du jugement du 24 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral de cessibilité du 3 février 2014.
Sur les conclusions présentées à titre principal, à fin d'annulation de l'arrêté de cessibilité :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique :
2. L'autorisation et la déclaration prévues au titre de la loi sur l'eau par l'article L. 214-3 du code de l'environnement, d'une part, et la déclaration d'utilité publique en vue de l'expropriation de terres prévue par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, d'autre part, sont régies par des législations distinctes et soumises à des procédures indépendantes. Ainsi, par application du principe d'indépendance des législations, M. et Mme A... ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions des articles L. 211-1, L. 214-3 et R. 214-15 du code de l'environnement à l'encontre de l'arrêté de déclaration d'utilité publique en litige. Par suite, les appelants ne sont fondés à soutenir ni que la déclaration d'utilité publique aurait été prise en violation de la loi au regard de ces dispositions, ni que c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code de l'environnement.
3. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement que cette opération répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine, et enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
4. Il ressort des pièces du dossier que le territoire de la communauté de communes de Quillebeuf-sur-Seine, qui a fait l'objet de plusieurs arrêtés de catastrophe naturelle dans les années précédant la déclaration d'utilité publique, est confronté de manière récurrente à des dysfonctionnements hydrauliques. Le projet, objet de la déclaration d'utilité publique, qui vise à prévenir ces phénomènes, prévoit la mise en place de douze aménagements hydrauliques, cinq de ces aménagements étant des ouvrages de retenue situés sur les communes d'Aizier et Tocqueville, totalisant un volume de stockage de 17 200 m³. Cette opération, dont la nécessité n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée, répond ainsi à une finalité d'intérêt général. Il n'est ni soutenu ni allégué, et il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier, que la communauté de communes de Quillebeuf-sur-Seine aurait été en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine. Le dossier soumis à enquête publique relève que des mesures particulières ont été prévues pour installer la digue hors d'une zone présentant un risque de cavité, assurer sa solidité et éviter sa dégradation. Les époux A...n'apportent pas d'éléments de nature à remettre en cause les mesures de protection ainsi prévues. La déclaration d'utilité publique ne nécessite que l'acquisition de trois parcelles, actuellement exploitées à des fins agricoles. Si les époux A...soutiennent que ces aménagements n'apporteraient pas de solutions aux problèmes rencontrés, ils ne le démontrent pas, notamment au regard des pièces produites. Enfin, au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi, le coût du projet n'apparaît pas démesuré et ses éventuels inconvénients excessifs. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération seraient excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'utilité publique du projet doit être écarté.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la déclaration d'utilité publique a été prise pour l'intérêt général. Il n'est pas établi que le préfet de l'Eure aurait entendu favoriser les intérêts privés de ce maire. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique du projet doit être écarté.
Sur l'arrêté de cessibilité :
7. M. et Mme A...ne peuvent utilement, à l'encontre directement de l'arrêté préfectoral de cessibilité, faire état de l'éventuelle insuffisance d'information des conseillers communautaires, au demeurant non démontrée, concernant la localisation des parcelles et le coût de leur acquisition.
8. Les appelants ne peuvent davantage utilement, à l'appui du moyen tiré de l'incompétence du préfet de l'Eure pour prendre l'arrêté de cessibilité en litige, faire état d'irrégularités alléguées dans les décisions prises par le président de la communauté de communes de Quillebeuf-sur-Seine.
9. Aux termes de l'article R. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, devenu l'article R. 221-1 du même code : " Le préfet transmet au greffe de la juridiction du ressort dans lequel sont situés les biens à exproprier un dossier qui comprend obligatoirement les copies : / 1° De l'acte déclarant l'utilité publique de l'opération et, éventuellement, de l'acte le prorogeant ; / 2° Du plan parcellaire des terrains et bâtiments ; / (...) / 6° De l'arrêté de cessibilité ou de l'acte en tenant lieu, ayant moins de six mois de date. / (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le juge de l'expropriation n'a pas été saisi dans un délai de six mois suivant l'arrêté préfectoral de cessibilité du 25 janvier 2012. A l'expiration de ce délai, la cessibilité ainsi prévue par cet arrêté était devenue caduque. Compte tenu de la délibération du 21 septembre 2009 par laquelle le conseil communautaire avait déjà donné son accord, et en l'absence de circonstances nouvelles justifiant l'intervention d'une nouvelle délibération, il n'était donc pas nécessaire, lorsque le président de la communauté de communes a demandé au préfet de l'Eure de prendre un nouvel arrêté de cessibilité avec saisine du juge de l'expropriation, de saisir à nouveau le conseil municipal pour autoriser cette opération. Par suite, le moyen tiré de ce que le président de la communauté de commues ne disposait pas de l'habilitation nécessaire pour demander au préfet de l'Eure de prendre l'arrêté de cessibilité en litige doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que les époux A...ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté de cessibilité du 3 février 2014 serait illégal.
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire :
12. M. et Mme A...demandent à la cour, à titre subsidiaire, de dire que le préfet de l'Eure " devra assortir l'arrêté portant déclaration d'utilité publique des travaux d'aménagement de prescriptions conformément aux dispositions des articles L. 214-3 et R.214-15 du code rural ". Ces conclusions n'entrent pas dans les prévisions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative dès lors que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. En dehors des cas expressément prévus par des dispositions législatives particuliers dudit code, inapplicables en l'espèce, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration. Par suite, les conclusions présentées à titre subsidiaire doivent être rejetées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées à sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et Mme D...A..., au ministre de l'intérieur et à la communauté de communes de Quillebeuf-sur-Seine.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
N°16DA00135 2