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15/05/2018 | FRANCE | N°16DA00370

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 16DA00370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Lidl a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 janvier 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 24 juillet 2013 de l'inspecteur du travail de Béthune refusant l'autorisation de licenciement de Mme E...C...et, d'autre part, a rejeté ladite demande d'autorisation.

Par un jugement n° 1401635 du 30 décembre 2015,

le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la SNC Lidl.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Lidl a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 janvier 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 24 juillet 2013 de l'inspecteur du travail de Béthune refusant l'autorisation de licenciement de Mme E...C...et, d'autre part, a rejeté ladite demande d'autorisation.

Par un jugement n° 1401635 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la SNC Lidl.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2016, la SNC Lidl, représentée par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 janvier 2014 du ministre chargé du travail en tant qu'elle a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C...;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me B...A..., représentant la SNC Lidl.

1. Considérant que Mme E...C...a été embauchée le 28 mars 1994 par la SNC Lidl comme caissière dans son magasin d'Eu (Seine-Maritime) ; qu'elle y est devenue, le 1er juillet 1996, chef-caissière ; qu'elle a, ensuite, exercé cette fonction à compter du 1er août 2000 au magasin de Fressenneville (Somme) ; qu'elle a été élue, le 3 décembre 2008, conseillère prud'homale ; qu'elle a été victime le 19 octobre 2011 d'un accident du travail, suivi d'une rechute sans caractère professionnel ; que, lors de la visite de reprise du 7 janvier 2013, le médecin du travail l'a déclarée " Inapte à tout poste au sein du site en raison d'un risque de danger immédiat selon l'article R. 4624-31 du code du travail, une seule visite " ; que par un second avis du 14 janvier 2013 faisant suite à une demande de précisions de la SNC Lidl, ce médecin a confirmé l'inaptitude de la salariée en raison d'un danger immédiat ; que le 28 mai 2013, la SNC Lidl a demandé l'autorisation de licencier Mme C...au motif de son inaptitude définitive au poste de chef caissière et de l'impossibilité de la reclasser ; que l'inspecteur du travail de Béthune a refusé cette autorisation le 24 juillet 2013 ; que le ministre chargé du travail, par une décision du 28 janvier 2014, a, sur recours hiérarchique de la SNC Lidl, d'une part annulé pour erreur de droit la décision de l'inspecteur du travail et, d'autre part, refusé l'autorisation demandée ; que la SNC Lidl relève appel du jugement du 30 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre chargé du travail du 28 janvier 2014 en tant qu'elle a refusé d'autoriser le licenciement de MmeD... ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. " ; qu'aux termes de l'article R. 4624-31 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires./ Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen " ;

3. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ;

4. Considérant que l'inaptitude physique de Mme C...au poste de chef caissière sur le site de Fressenneville est fondée sur les lombalgies dont elle souffre, lui interdisant le port de charges ; que, d'une part, si la SNC Lidl a proposé à l'intimée de nombreux postes dans toute la France, il ressort des pièces du dossier que plusieurs d'entre eux requièrent des compétences linguistiques, techniques ou informatiques ou un niveau de qualification qu'elle ne possède pas ; que les postes de reclassement proposés doivent pourtant être comparables, autant que possible, au précédent, et adaptés aux nouvelles capacités du salarié intéressé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; que d'autre part, si des postes de caissière ou de chefs caissière, correspondant effectivement aux attributions qu'elle avait exercées, ont bien été proposés à MmeC..., le motif de son licenciement invoqué par la société requérante était son " inaptitude définitive au poste de chef caissière " ; que la SNC Lidl ne peut, dans ces conditions, sérieusement soutenir, qu'elle se serait limité strictement à l'avis d'inaptitude pour formuler ses propositions de reclassement, ou pour justifier l'absence d'examen de transformations de postes ou d'aménagement du temps de travail, affirmer que Mme C...ne l'aurait jamais informée de son souhait que soit étudié un reclassement par transformation ou aménagement de son poste; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'appelante aurait rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement ou de ce que la SNC Lidl n'avait pas à rechercher si des transformations de postes ou des aménagements du temps de travail hors du site de Fressenneville étaient possibles ne peuvent qu'être écartés ;

5. Considérant que la SNC Lidl ne peut non plus utilement se prévaloir de ce qu'elle aurait respecté le cadre géographique de son obligation de reclassement, dès lors que cet élément n'a fondé ni la décision contestée, ni le jugement du tribunal administratif ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC Lidl n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Lidl le versement à Mme C...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par MmeC... ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Lidl est rejetée.

Article 2 : La SNC Lidl versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Lidl et à Mme E...C....

Copie sera adressée pour information au ministre du travail.

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N°16DA00370

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00370
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MEYER VERVA DUPONT LEZAN GUERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-05-15;16da00370 ?
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