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19/04/2018 | FRANCE | N°18DA00219

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 19 avril 2018, 18DA00219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale (UES) de la société par actions simplifiées (SAS) Portakabin et Mme B...C...épouse H...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 juillet 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi portant sur un projet de licenciement coll

ectif pour motif économique établi par la société Portakabin.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale (UES) de la société par actions simplifiées (SAS) Portakabin et Mme B...C...épouse H...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 juillet 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi portant sur un projet de licenciement collectif pour motif économique établi par la société Portakabin.

Par un jugement n° 1707803 du 29 novembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018, le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale (UES) de la SAS Portakabin et Mme B...C...épouseH..., représentés par Me E...A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 novembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France du 7 juillet 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, présidente-assesseur,

- le rapport de M. Jean-Michel Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me E...A..., représentant le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale (UES) de la société Portakabin ainsi que Mme B...C...épouseH..., de M. D...I...représentant la ministre du travail et Me G...F...représentant la société Portakabin.

1. Considérant que la société Portakabin, société par actions simplifiées spécialisée dans la vente et la location de bâtiments modulaires et dont le siège social se trouve à Templemars (Nord), emploie 133 salariés en France ; qu'elle forme avec sa filiale, la société Portakabin Modulaire, dont le siège social est à Crespin (Nord) et qui emploie 15 salariés, une unité économique et sociale (UES) ; que le comité d'entreprise de I'UES Portakabin a été réuni, le 14 février 2017, afin d'être informé d'un projet de restructuration de la société Portakabin, se traduisant notamment par la fermeture de neuf agences en France ; que, le 21 février suivant, la société a adressé à l'unité départementale Nord-Lille de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France un projet de réorganisation de son activité, accompagné d'un plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant 21 suppressions de postes et 16 modifications de contrats de travail ; que des négociations se sont déroulées, de mars à avril 2017, entre l'employeur et les représentants du personnel, lesquelles ont abouti à un constat d'échec signalé au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France par courrier du 18 avril 2017 ; qu'après avoir reçu des observations sur ce projet, la société Portakabin a adressé le 24 mai 2017 au comité d'entreprise de l'UES une version modifiée du projet de réorganisation envisagé ; que les représentants du personnel ont, à nouveau, refusé d'adhérer à ce projet et ont émis un avis défavorable ; que le 21 juin 2017, la société Portakabin a, en conséquence, saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France d'une demande d'homologation d'un document unilatéral élaboré sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi élaboré pour un projet de licenciement collectif susceptible de concerner au total 37 salariés ; que par une décision du 7 juillet 2017, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué ce document ; que le comité d'entreprise de l'UES ainsi qu'une salariée, Mme C...épouseH..., ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler cette décision du 7 juillet 2017 ; que, par un jugement du 29 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que le comité d'entreprise et Mme C...épouse H...relèvent appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (...), la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-30 : " I. - Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-15 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi. (...) II. - Le comité d'entreprise rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : (...) 1° Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ; (...) / Une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais différents. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-31 : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; (...) " ; que l'article L. 1233-32 dispose que, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l'employeur adresse " outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31 (...) le plan de sauvegarde de l'emploi (...) " ; qu'enfin, l'article L. 2323-15 dispose que : " Le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. / Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que la procédure de consultation du comité d'entreprise serait irrégulière, car le projet de réorganisation de l'entreprise aurait été déjà mis en oeuvre, au moins partiellement, de manière prématurée, avant même la première réunion du comité d'entreprise ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fermeture de deux agences, en janvier 2017, ainsi que le déménagement des salariés du site de Fleury et la résiliation du bail des locaux occupées par l'agence de Bordeaux, en mars 2017, se seraient traduits par des suppressions d'emploi ou des modifications de contrat de travail ; qu'en tout état de cause, il résulte des dispositions législatives précitées que, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière ; qu'ainsi, la circonstance que la société aurait commencé à mettre en oeuvre le projet de réorganisation avant que le comité d'entreprise ait été mis à même d'émettre des avis sur ce projet et sur le plan de sauvegarde de l'emploi est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que cette instance représentative n'aurait pas été informée des mesures prises par l'employeur depuis le début de l'année 2017, ni qu'elle n'aurait pas disposé d'éléments d'information suffisants sur ce point ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que les dispositions de l'article L. 1233-30 du code du travail, qui limitent à deux mois, lorsque le nombre de licenciements prévus est inférieur à 100, la période de consultation du comité d'entreprise, auraient été méconnues ; que ces dispositions, qui prévoient que le comité d'entreprise saisi d'un projet de licenciement collectif doit rendre les deux avis requis dans un délai de deux mois, ont pour seul objet, les avis étant réputés émis et négatifs à l'expiration dudit délai, de permettre que la procédure entreprise puisse se poursuivre nonobstant un éventuel refus du comité d'entreprise de se prononcer expressément ; que ces dispositions ne sauraient donc être entendues comme ayant pour effet de prescrire la prise en compte des avis négatifs intervenus tacitement et d'interdire à un employeur qui le souhaite de poursuivre la procédure de consultation afin de perfectionner le projet qu'il a soumis au comité d'entreprise et dans la perspective d'obtenir sur un projet amendé un avis favorable ; qu'ainsi, en admettant même que la procédure de consultation puisse être regardée, en l'espèce, comme s'étant étendue entre le 14 février 2017 et le 9 juin 2017, cette durée, acceptée par l'employeur, ne peut être regardée comme entachant d'illégalité la décision d'homologation contestée ;

5. Considérant, enfin, que les requérants soutiennent, comme en première instance, que la société Portakabin aurait sous-estimé le nombre de licenciements susceptibles d'être prononcés, en ne décomptant pas l'ensemble des modifications de contrats de travail induites par le projet de réorganisation, en faisant valoir que les contrats de travail de cinq salariés, pour lesquels le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit un changement d'affectation, ne peuvent être interprétés comme comportant une clause générale de mobilité géographique ; que, toutefois, il n'appartenait pas au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France de procéder, avant de se prononcer sur la demande d'homologation, à une éventuelle requalification de ces contrats de travail ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Portakabin, que le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale (UES) de la société Portakabin et Mme B...C...épouse H...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Portakabin au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du comité d'entreprise de l'unité économique et sociale (UES) de la société Portakabin et de Mme B...C...épouse H...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Portakabin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au comité d'entreprise de l'unité économique et sociale (UES) de la société Portakabin, à Mme B...C...épouseH..., à la société Portakabin et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France.

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N°18DA00219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00219
Date de la décision : 19/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELAS JDS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-04-19;18da00219 ?
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