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12/04/2018 | FRANCE | N°15DA02005

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 12 avril 2018, 15DA02005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Somabo a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 10 octobre 2013 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, annulé la décision du 9 avril 2013 de l'inspecteur du travail de Lille autorisant le licenciement pour motif personnel de M. E...H...et, d'autre part, a refusé d'autoriser son licenciement.

Par un jugement n° 1307155 du 14 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête enregistrée le 17 décembre 2015, la société Somabo, représentée par Me D...F..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Somabo a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 10 octobre 2013 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, annulé la décision du 9 avril 2013 de l'inspecteur du travail de Lille autorisant le licenciement pour motif personnel de M. E...H...et, d'autre part, a refusé d'autoriser son licenciement.

Par un jugement n° 1307155 du 14 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2015, la société Somabo, représentée par Me D...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 octobre 2015 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler la décision du 10 octobre 2013 du ministre chargé du travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me D...F...représentant la société Somabo, et de Me B...C..., représentant M. E...H....

Une note en délibéré présentée par Me A...G...pour M. H...a été enregistrée le 29 mars 2018.

1. Considérant que M. E...H...est employé depuis le 17 septembre 2002, en tant que technicien-frigoriste, par la société Somabo, qui a son siège à Seclin (Nord) et qui est spécialisée dans la distribution de matériel pour boulangerie-pâtisserie ; qu'il détient des mandats de délégué syndical et de délégué du personnel ; qu'il a été placé en congé maladie à compter du 27 novembre 2011 pour une pathologie d'origine non professionnelle ; que par une décision du 9 avril 2013, l'inspecteur du travail de la 8° section de l'unité territoriale de Lille Nord a autorisé son licenciement au motif que son absence prolongée perturbait le fonctionnement de la société Somabo ; que par une décision du 10 octobre 2013, le ministre chargé du travail, saisi par M. H...d'un recours hiérarchique, a annulé cette décision de l'inspecteur du travail au motif que le respect du principe du contradictoire pendant la procédure préalable au licenciement n'était pas établi ; qu'il a ensuite refusé l'autorisation demandée, aux motifs, à titre principal, que le délai de cinq jours ouvrables exigé entre la date de réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable et la tenue de celui-ci n'avait pas été respecté et, à titre subsidiaire, que l'employeur ne démontrait pas l'importance des perturbations créées par les absences de M. H..., ni la réalité des recherches de reclassement ; que la société Somabo relève appel du jugement du 14 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du ministre chargé du travail ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, d'une part, que le jugement attaqué a répondu dans son sixième considérant au moyen tiré de l'absence de communication à M. H...de la demande d'autorisation de licenciement ; que, d'autre part, dès lors qu'il a estimé, dans son neuvième considérant , que le ministre du travail avait pu légalement se fonder, pour refuser l'autorisation demandée, sur le seul motif tiré du non respect du délai de cinq jours ouvrables entre la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable et la tenue de celui-ci, le tribunal n'était pas tenu de se prononcer sur la légalité du second motif de refus opposé par le ministre ;

Sur la tardiveté alléguée du recours administratif :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet./Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur (...) " ;

4. Considérant qu'en tant qu'elles fixent un délai au recours hiérarchique formé contre une décision de l'inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé, les dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail ont entendu se référer au délai de recours contentieux et à la règle générale du contentieux administratif selon laquelle un recours gracieux ou hiérarchique contre une décision administrative doit être exercé avant l'expiration du délai de recours contentieux pour interrompre ce délai ; que, par suite, le délai de deux mois mentionné à l'article R. 2422-1 du code du travail est un délai franc qui, s'il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le recours hiérarchique du 4 juin 2013 de M. H...contre la décision du 9 avril 2013 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement a été reçu le 11 juin 2013 par le ministre du travail ; que, dès lors qu'aucun de récépissé de dépôt postal de ce recours ne figure dans les pièces du dossier, la décision du 9 avril 2013 doit être regardée comme ayant été reçue au plus tôt par son destinataire le mercredi 10 avril 2013 ; que le délai franc de deux mois pour l'exercice de ce recours administratif expirait dès lors le mardi 11 juin 2013 à minuit ; que par suite, le moyen tiré de la tardiveté du recours hiérarchique de M. H...doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision ministérielle :

6. Considérant qu'il y lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de la décision contestée ;

7. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un motif personnel, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 du code du travail, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;

8. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif personnel, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'il implique également de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que, toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

9. Considérant que si le caractère contradictoire de l'enquête administrative implique de mettre à même le salarié de prendre connaissance, en temps utile, de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement ainsi que des éléments déterminants qui ont pu être recueillis par l'inspecteur du travail au cours de l'instruction de cette demande, il n'impose pas à l'administration de lui communiquer, de sa propre initiative ou dans tous les cas, l'ensemble de ces pièces et éléments ; que M.H..., qui a été entendu par l'inspecteur du travail le 4 mars 2013 doit être considéré comme ayant été mis à même de prendre connaissance, en temps utile, de l'ensemble des pièces auxquelles il devait pouvoir accéder dès lors qu'il n'allègue, ni ne soutient s'être vu opposer un refus de communication des documents produits par son employeur, ni même en avoir fait la demande ; que par suite, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le ministre ne pouvait légalement annuler la décision de l'inspecteur du travail au motif que le principe du contradictoire aurait été méconnu;

10. Considérant toutefois qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable./La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. /L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre recommandée avec accusé de réception convoquant M. H...à l'entretien préalable au licenciement le mercredi 6 février 2013, datée du lundi 28 janvier 2013, ne comporte aucune date de remise effective ; que dès lors, la date à prendre en compte pour la réception de ce courrier est celle du jour de réexpédition par la Poste de l'avis de réception, le jeudi 31 janvier 2013 ; que par suite, en raison de la présence d'un jour non ouvrable, le dimanche 3 février 2013, le délai de cinq jours ouvrables, qui constitue une garantie pour le salarié afin de préparer sa défense, a été méconnu, sans que la société Somabo puisse utilement soutenir que M. H...s'est effectivement présenté le 6 février 2013 ;

12. Considérant qu'en supposant même que l'autre motif retenu par le ministre " à titre subsidiaire ", tiré de ce que l'employeur ne démontrait pas l'importance des perturbations créées par les absences de M.H..., ni la réalité des recherches de reclassement, soit entaché d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation, il ressort des pièces du dossier que le ministre aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif tiré de la méconnaissance du délai de convocation à l'entretien préalable au licenciement ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Somabo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 14 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. H...présentées sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Somabo est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. H...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Somabo, à M. E...H...et au ministre du travail.

Copie sera adressée, pour information, au directeur de l'unité territoriale Nord-Lille de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France.

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N°15DA02005

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA02005
Date de la décision : 12/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme Petit
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : PRIMAVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-04-12;15da02005 ?
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