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22/03/2018 | FRANCE | N°16DA01433

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 22 mars 2018, 16DA01433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets (SIAVED) a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Inova à lui verser la somme de 408 337,56 euros toutes taxes comprises au titre de l'indemnisation des préjudices subis du fait des désordres affectant les chaudières du centre de valorisation énergétique de l'usine d'incinération d'ordures ménagères de Douchy-les-Mines. La société Inova a présenté devant le tribunal des conclusions reco

nventionnelles tendant à la condamnation du SIAVED à lui verser la somme de 257 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets (SIAVED) a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Inova à lui verser la somme de 408 337,56 euros toutes taxes comprises au titre de l'indemnisation des préjudices subis du fait des désordres affectant les chaudières du centre de valorisation énergétique de l'usine d'incinération d'ordures ménagères de Douchy-les-Mines. La société Inova a présenté devant le tribunal des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation du SIAVED à lui verser la somme de 257 984,80 euros toutes taxes comprises au titre des réparations réalisées sur ces installations au titre de la garantie de parfait achèvement.

Par un jugement n° 1106115 du 23 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, rejeté la demande du SIAVED et, d'autre part, condamné le SIAVED à verser la somme de 257 984,80 euros à la société Inova.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 août 2016 et 8 février 2018, le SIAVED, représenté par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de rejeter les conclusions indemnitaires de la société Inova ;

4°) de mettre à la charge de la société Inova le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les désordres résultant de la détérioration accélérée des blocs réfractaires de la paroi des fours engagent la responsabilité de la société Inova au titre de la garantie décennale ;

- il n'est pas démontré qu'il aurait commis une faute de nature à exonérer la société Inova de sa responsabilité ;

- il y a lieu de condamner la société Inova à l'indemniser du coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres constatés, pour un montant de 286 492,16 euros hors taxes et 342 644,62 euros toutes taxes comprises, et des pertes d'exploitation résultant de l'interruption du fonctionnement des fours d'incinération, pour un montant de 54 927,21 euros hors taxes et 65 692,94 euros toutes taxes comprises ;

- dès lors qu'il n'a commis aucune faute, il n'y a pas lieu de rembourser à la société Inova le montant des réparations qu'elle a réalisées au titre de la garantie de parfait achèvement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2017, la société Inova, représentée par la SELAS Endrös, Baum et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du SIAVED ;

2°) de condamner le SIAVED au paiement des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2012 et d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la même date ;

3°) de mettre à la charge du SIAVED le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- elle a droit au versement des intérêts dus sur le montant de la condamnation prononcée par le tribunal à compter du 27 mars 2012 et à la capitalisation des intérêts à compter de la même date.

Les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle présentée en première instance par la société Inova qui soulève un litige distinct du litige principal.

Par un mémoire enregistré le 21 février 2018, la société Inova a répondu à cette communication.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 février 2018 par une ordonnance du 25 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me A...D..., représentant la société Inova.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets (SIAVED) a confié la conception et la réalisation d'une unité de valorisation énergétique par production d'électricité au sein de l'usine d'incinération des ordures ménagères de Douchy-les-Mines au groupement constitué des sociétés Inova France SA, Von Roll, Sogea Nord et SCP Copin Parent Ganier Gossart par un acte d'engagement notifié le 26 décembre 2000. A compter de la fin de l'année 2004, le SIAVED a relevé des désordres sur les bétons réfractaires des fours d'incinération des deux lignes de valorisation des déchets. La société Inova a pris en charge les réparations nécessaires au titre de la garantie de parfait achèvement mais a refusé de prendre en charge les désordres ultérieurs. Le SIAVED a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Inova à l'indemniser, sur le fondement de la responsabilité décennale, des préjudices subis du fait de ces désordres. La société Inova a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le tribunal condamne le SIAVED à lui rembourser le prix des travaux effectués au titre de la garantie de parfait achèvement. Le SIAVED relève appel du jugement du 23 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille, d'une part, a rejeté sa demande et, d'autre part, l'a condamné à verser la somme de 257 984,80 euros à la société Inova.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité décennale de la société Inova :

2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement et sauf à ce que soit établie la faute du maître d'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction, d'une part, que selon un rapport établi le 5 décembre 2005 par la société CTP Thermique, spécialisée dans le garnissage réfractaire de fours et de cheminées industriels, sur la base d'échantillons prélevés sur le site, la dégradation des bétons réfractaires installés dans les fours construits par la société Inova serait principalement due à une quantité anormalement élevée de chlorure de sodium, qui ne peut pas provenir de la combustion des ordures ménagères, déchets hospitaliers et déchets industriels banals normalement accueillis sur le site. Ce rapport, qui constitue une pièce du dossier soumise au débat contradictoire entre les parties, indique, par comparaison avec un cas précédent observé par une autre société spécialisée à Nevers, que la cause de la dégradation se trouve dans la combustion de déchets fortement chargés en sodium étrangers au cahier des charges. D'autre part, un rapport du bureau Veritas établi le 11 février 2005 fait état de rejets d'acide chlorhydrique par l'usine d'incinération d'ordures ménagères de Douchy-les-Mines dont le niveau, selon les indications non contredites de la société Inova, est presque trois fois supérieur à celui qui devrait résulter de la combustion d'ordures ménagères. Il résulte de l'instruction qu'en juin 2004, l'exploitant de l'usine avait déjà fait état de la livraison de déchets sous forme liquide dont la combustion entraînait une forte augmentation du chlore à la cheminée.

4. Le SIAVED se borne à soutenir que sa faute ne serait pas démontrée, sans toutefois apporter la moindre explication quant aux faits évoqués ci-dessus, ni produire aucun élément de nature à établir la conformité à la réglementation et au cahier des charges des déchets incinérés sur le site de Douchy-les-Mines. Il résulte toutefois des éléments énoncés au point 3, en l'absence de toute contestation utile de la part du SIAVED, que l'usage anormal des fours par le maître de l'ouvrage doit être tenu pour établi, de même que le lien de causalité entre cet usage anormal et la dégradation des bétons réfractaires. Dès lors, le SIAVED a commis une faute de nature à exonérer totalement la société Inova de sa responsabilité. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cette société.

En ce qui concerne le remboursement à la société Inova des frais engagés pour la réparation des bétons réfractaires des fours au titre de la garantie de parfait achèvement :

5. La demande reconventionnelle de la société Inova devant le tribunal administratif tendait au remboursement, par le SIAVED, des frais qu'elle estimait avoir indûment exposés au titre de la garantie de parfait achèvement, laquelle est prévue par les stipulations du contrat à la charge du constructeur et relève de la même cause juridique que la responsabilité contractuelle. Une telle demande soulevait donc un litige distinct de celui dont le tribunal était saisi par la demande principale du SIAVED, qui tendait uniquement à ce que la société Inova soit condamnée à lui verser une indemnité sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs qui n'est pas de nature contractuelle. Dès lors, cette demande reconventionnelle de la société Innova n'était pas recevable. Le SIAVED est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la demande de la société Inova tendant à ce que le SIAVED soit condamné à lui rembourser le montant des travaux qu'elle a réalisés au titre de la garantie de parfait achèvement ne peut être accueillie. Par voie de conséquence, les conclusions de la société Inova présentées en appel et tendant à l'octroi et à la capitalisation des intérêts à valoir sur cette somme doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties le versement à son adversaire de la somme que celui-ci demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille du 23 mai 2016 est annulé.

Article 2 : La demande reconventionnelle présentée par la société Inova est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SIAVED est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Inova devant la cour sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat inter-arrondissement pour la valorisation et l'élimination des déchets et à la société Inova.

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