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08/03/2018 | FRANCE | N°16DA00050

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 16DA00050


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Maum, la SELARL AJ Partenaires, administrateur judiciaire de la société Maum, et la SELARL MJ Synergie, mandataire judiciaire de la société Maum, ont demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, sous un n° 1202012, d'annuler deux titres de recettes (nos 45 et 51) émis par le syndicat mixte du Port de Dieppe (SMPD) et rendus exécutoires respectivement les 20 avril et 16 mai 2012 mettant à leur charge les sommes de 59 800 euros et de 97 338,56 euros et de les décharger de ces sommes et,

d'autre part, sous le n° 1202625, de constater l'invalidité de la décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Maum, la SELARL AJ Partenaires, administrateur judiciaire de la société Maum, et la SELARL MJ Synergie, mandataire judiciaire de la société Maum, ont demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, sous un n° 1202012, d'annuler deux titres de recettes (nos 45 et 51) émis par le syndicat mixte du Port de Dieppe (SMPD) et rendus exécutoires respectivement les 20 avril et 16 mai 2012 mettant à leur charge les sommes de 59 800 euros et de 97 338,56 euros et de les décharger de ces sommes et, d'autre part, sous le n° 1202625, de constater l'invalidité de la décision du 22 juin 2012 par laquelle le président du SMPD a prononcé la résiliation, à leurs frais et risques, du marché de travaux relatif à la réalisation d'un système automatisé de stockage et de manutention des navires sous la forme de radoub du port de Dieppe, de condamner ce syndicat mixte à leur verser une somme de 534 146,46 euros en réparation des préjudices subis résultant de l'illégalité de la résiliation du marché en cause et de mettre à sa charge les dépens.

Par un jugement nos 1202012,1202625 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen, après les avoir jointes, a, par l'article 1er, prononcé un non-lieu sur le titre n° 51, par l'article 2, annulé le titre n° 45 et, par l'article 3, rejeté les autres conclusions de la demande enregistrée sous le n° 1202012 et l'intégralité de la demande présentée sous le n° 1202625.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2016, et un mémoire, enregistré le 30 juin 2016, les sociétés Maum et autres, représentées la SELARL Dauphin, C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1202012,1202625 du 10 novembre 2015 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté leur demande indemnitaire présentée sous le n° 1202625 ainsi que leurs conclusions tendant à la mise à la charge du syndicat mixte des dépens et des frais non compris dans les dépens ;

2°) de faire droit à leur demande présentée sous le n° 1202625 ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte du port de Dieppe la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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La clôture de l'instruction a été fixée au 1er juin 2017.

Vu :

- l'ordonnance de taxe du 18 novembre 2013 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 80-809 du 14 octobre 1980 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics industriels ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me A...C..., représentant les sociétés Maum et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché conclu le 4 décembre 2009, le syndicat mixte du port de Dieppe (SMPD) a confié au groupement conjoint composé des entreprises Automatismes CG et SAS Maum, un marché public industriel ayant pour objet la réalisation d'un port à sec au 14 février 2011, délai reporté par plusieurs ordres de services au 21 mars 2012. Le SMPD a prononcé, par une décision du 22 juin 2012, la résiliation du marché aux frais et risques du groupement dont la SAS Maum était le mandataire. Par une demande préalable du 20 août 2012, la société requérante a sollicité du SMPD l'indemnisation du préjudice subi en raison de la résiliation prononcée à son encontre. La SAS Maum et autres relèvent appel du jugement du 10 novembre 2015 en tant que le tribunal administratif de Rouen a refusé de faire droit à leur demande de condamnation du SMPD à leur verser la somme de 534 146,46 euros en réparation des préjudices que les entreprises estiment avoir subis du fait d'une résiliation mal fondée ou irrégulière et à leur demande remboursement des dépens.

2. La SAS MAUM et autres ne sollicitent pas la reprise des relations contractuelles mais demandent au juge du contrat, après avoir invalidé la mesure de résiliation, de condamner le SMPD à les indemniser des préjudices subis du fait de cette résiliation infondée ou irrégulière.

Sur la régularité et le bien-fondé de la résiliation :

En ce qui concerne les stipulations applicables :

3. Il résulte des pièces du marché que, bien que le marché ait été conclu le 4 décembre 2009, les parties, qui ont commis une erreur de plume en faisant référence au CCAG travaux de 1976, n'ont pas entendu se référer explicitement au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics industriels (CCAG-MPI) dans sa rédaction issue de l'arrêté du 16 septembre 2009, mais renvoyer au CCAG-MPI dans sa rédaction antérieure issue du décret du 14 octobre 1980. L'article 8.9 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable à ce marché stipule que : " Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché selon (...) les dispositions des articles 35 à 39 du CCAG-Marchés industriels ". L'article 37.1 du CCAG-MI prévoit que la personne publique peut résilier le marché aux torts du titulaire dans les cas énumérés aux points a) à k) de cet article. Par suite, les sociétés appelantes ne peuvent, en tout état de cause, utilement prétendre qu'aucune pièce particulière ne prévoirait la possibilité d'une résiliation aux torts du titulaire. La référence à l'article 41.1 renvoie, en tout état de cause, à une version non applicable du CCAG-MI.

En ce qui concerne la régularité de la résiliation :

S'agissant de l'auteur de la décision de résiliation :

4. Il résulte de l'instruction que le président du SMPD a été habilité à signer le marché en litige en vertu d'une délégation du comité syndical du 15 mai 1999. La délibération suivante du 23 avril 2010, régulièrement publiée, par laquelle le comité syndical du syndicat mixte du port de Dieppe a donné délégation au président du syndicat mixte prévoit que ce dernier peut prendre toute décision concernant l'exécution des marchés. En l'absence de précision contraire, une telle délégation couvre les mesures de résiliation qui sont au nombre des décisions d'exécution des marchés. Par suite, la société Maum et autres ne sont pas fondées à soutenir que le président du syndicat mixte du port de Dieppe n'était pas compétent pour signer la décision de résiliation du 22 juin 2012.

S'agissant de la procédure de mise en demeure :

5. En vertu de l'article 37.1 du CCAG-MI dans sa version applicable au marché en litige, la personne publique peut résilier le marché aux torts du titulaire, après une mise en demeure restée infructueuse.

6. La SAS Maum et autres qui contestent la régularité de la procédure de mise en demeure ne peuvent utilement se prévaloir des stipulations des articles 37.2 et 48 du CCAG-MPI, dans sa version issue de l'arrêté du 16 septembre 2009, qui n'est pas celle applicable au marché en cause, ainsi qu'il a été dit au point 3.

7. Il résulte de l'instruction que la société Maum a été, le 10 avril 2012, mise en demeure par le SMPD de réagir sous quinzaine à une liste de prestations annexées et de respecter les délais d'exécution fixés pour chacune d'entre elles. Ce courrier visait les articles 8.9 du CCAP et 35 à 39 du CCAG-MPI. Elle doit être regardée comme ayant été prise dans le cadre de la procédure de résiliation et comme renvoyant à la possibilité d'une sanction notamment sous la forme d'une résiliation aux torts et risques du titulaire prévue à l'article 37. Dans un premier temps, un certain nombre de réponses ayant été apportées par la société, le SMPD a, par un nouveau courrier du 25 mai 2012, décidé de " surseoir aux effets de la mise en demeure de résilier le marché ". Toutefois, ce courrier précisait que : " les effets de la mise en demeure (...) recommenceraient à courir en cas de défaillance sur les points identifiés comme défaillants ". Etaient jointes, pour être prises en compte, les remarques du maître d'oeuvre et du maître d'ouvrage sur les réponses apportées par la société à la suite de la mise en demeure du 10 avril 2012. Enfin, par une lettre du 15 juin 2012, le SMPD a rappelé à la SAS Maum sa mise en demeure du 10 avril 2012 et lui a indiqué qu'elle était mise " une ultime fois en demeure de reprendre le chantier et de réaliser l'ensemble des prestations qui (lui) ont été confiées par ce marché " sous peine de résiliation du marché " en l'absence de réaction appropriée de (sa) part d'ici le 21 juin 2012 ". La SAS Maum n'a pas réagi au courrier du 15 juin 2012. La décision de résiliation est intervenue le 22 juin 2012. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la mise en demeure prévue par le CCAG n'est pas intervenue uniquement le 15 juin 2012. Il résulte de l'ensemble des courriers adressés par le SMPD que le maître d'ouvrage n'avait pas renoncé à mettre en oeuvre la procédure de résiliation lancée le 10 avril 2012 lorsqu'il en a prononcé la " suspension " le 25 mai 2012. Cette mesure a seulement consisté à tenir compte des efforts jusque-là consentis et à prolonger le délai donné à l'entreprise pour parvenir à bonne fin. Toutefois, face aux difficultés à nouveau constatées début juin, le maître d'ouvrage a, par sa lettre du 15 juin, mis fin à cette suspension. Le délai de six jours alors accordé par ce dernier courrier doit être apprécié compte tenu du délai global donné à la société depuis le 10 avril 2012. En outre, il imposait à l'entreprise non pas d'avoir achevé les travaux mais d'avoir manifesté une " réaction appropriée ". Enfin, chaque courrier fournissait de manière suffisamment précise la liste des défaillances constatées. Dès lors, la société Maum et autres ne sont pas fondées à soutenir que l'entreprise n'aurait pas disposé d'un délai d'exécution raisonnable à l'issue de la mise en demeure du 15 juin 2012 et que la mise en demeure aurait souffert d'un manque de précision suffisante sur la nature et l'importance des défaillances reprochées.

8. Dans ces conditions, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la résiliation est intervenue à la suite d'une mise en demeure irrégulière. Par suite, il n'appartient pas au juge administratif d'établir le décompte général du marché avant même l'achèvement des prestations, au vu des éléments communiqués par les parties. Ainsi, les conclusions tendant au paiement d'un " restant dû " du marché, lequel n'est en tout état de cause pas justifié par les éléments produits par les sociétés requérantes, doivent être rejetées.

Sur le bien-fondé de la mesure de résiliation :

9. Aux termes de l'article 37.1 du CCAG-MPI : " La personne publique peut résilier le marché aux torts du titulaire, après mise en demeure restée infructueuse, lorsque : a) L'utilisation des prestations par la personne publique est gravement compromise, parce que le titulaire a pris du retard dans l'exécution du marché ; / b) Le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels (...) ".

En ce qui concerne les motifs de la résiliation en litige :

10. Alors que le SMPD entendait mettre à disposition des usagers du port de Dieppe un système automatisé de stockage et de manutention des navires sous la forme de radoub à compter du 21 mars 2012, il résulte du courrier de mise en demeure du 10 avril 2012 et du rappel du 15 juin 2012 que le syndicat mixte a constaté que la société n'avait pas été en mesure de mobiliser les moyens nécessaires pour faire face à l'ensemble de ses obligations contractuelles, ce qui s'est traduit par une désaffection du chantier par la société titulaire du marché, laquelle n'a, en outre, pas tenu les délais dont les parties avaient convenu et n'a pas produit, malgré plusieurs relances, l'intégralité des pièces contractuelles rendues obligatoires, notamment le plan assurance qualité, des notes et des éléments de calcul, des plans de structure et de détail du transstockeur et des fourches, des résultats de contrôle et d'essais. Ces défaillances ont fait l'objet de listes précises et détaillées.

11. Il ne résulte pas de l'instruction que les manquements reprochés à la société titulaire n'étaient pas justifiés ou concernaient des éléments mineurs. Il résulte au contraire de cette même instruction que cette société a été dans l'impossibilité de justifier, par des éléments probants, de sa capacité à réaliser l'intégralité de son marché conformément aux dispositions contractuelles dans le cadre du nouveau planning d'exécution des prestations qu'elle avait elle-même proposé à la suite d'une réunion de concertation organisée le 10 mai 2012. Lors des réunions de chantier d'avril et mai 2012, le SMPD a souhaité s'assurer de la volonté du groupement titulaire d'exécuter la totalité de son marché, dont le délai d'exécution était expiré depuis plus de six semaines, malgré les difficultés financières rencontrées par la SAS Maum. En dépit des engagements de cette dernière sur un nouveau planning d'exécution et des explications qu'elle a fournies le 16 mai 2012 ainsi que d'une présence sporadique d'employés sur le chantier, il s'est avéré que le titulaire du marché n'était pas en mesure de mobiliser les moyens humains et techniques indispensables à l'achèvement du marché, dans le nouveau délai fixé après la première mise en demeure. Ainsi qu'il a déjà été dit, la dernière lettre du 15 juin 2012 n'exigeait pas que le chantier soit achevé dans un délai de six jours mais que les explications soient données pour prévoir les modalités de cet achèvement dans les plus brefs délais. La société Maum n'a pas démontré sa capacité à répondre à cette attente.

12. Dans ces conditions, il est patent que le titulaire du marché n'est pas parvenu à s'acquitter de ses obligations dans les délais contractuels. Ces carences ont eu pour effet de compromettre l'ouverture d'un équipement particulièrement attendu par les usagers du port de Dieppe. Les sociétés Maum et autres ne sont donc pas fondées à soutenir que la décision de résiliation n'était pas fondée sur des motifs prévus par l'article 37 du CCAG-MPI, reposait sur des erreurs de fait, et présentait, alors même que le marché avait été réalisé selon ses déclarations à 80 %, un caractère disproportionné. Par suite, les conclusions tendant au versement d'une indemnité au titre des préjudices subis par une résiliation non fondée doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Maum et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande indemnitaire. Par conséquent, les dépens resteront à la charge des sociétés appelantes.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SMPD qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Maum et autres demandent à ce titre. En revanche, il y a lieu, sur le même fondement, de mettre à la charge de la société Maum et autres le versement de la somme de 1 500 euros au SMPD.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Maum et autres est rejetée.

Article 2 : La société Maum et autres verseront au syndicat mixte du port de Dieppe une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Maum, à la SELARL AJ Partenaires, à la SELARL MJ Synergie et au syndicat mixte du port de Dieppe.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 15 février 2018 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Michel Richard, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 mars 2018.

Le président-rapporteur,

Signé : M. B...Le premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne à la préfète de la Seine-Maritime, au ministre de l'intérieur et au ministre de la transition écologique et solidaire, chacun en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°16DA00050 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00050
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif - Éléments du décompte.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-03-08;16da00050 ?
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