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22/02/2018 | FRANCE | N°16DA01323

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 22 février 2018, 16DA01323


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 9 octobre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'Eure a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1404383 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2016, MmeA..., présentée par Me D... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de R

ouen du 9 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de la 2ème section de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 9 octobre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'Eure a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1404383 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2016, MmeA..., présentée par Me D... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 9 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'Eure du 9 octobre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que la SAS Masternaut, entité française du groupe britannique Masternaut, spécialisé dans les services de géolocalisation et d'aide à la conduite, exerce son activité dans quatre sites, dont celui de Louviers (Eure) ; que, dans le cadre d'un projet de réorganisation, elle a envisagé, notamment, la mutualisation de services dits " support " et la mise en oeuvre d'un système commun de comptabilité entraînant le rapatriement de certaines tâches au Royaume-Uni ; que ces mesures collectives se sont traduites, en ce qui concerne l'établissement de Louviers, par un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) prévoyant notamment la suppression de 23 postes de travail ; que ce plan, arrêté unilatéralement par la SAS Masternaut, a été homologué par une décision du 31 mars 2014, devenue définitive, du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Haute-Normandie ; qu'en août 2014, la SAS Masternaut a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier, pour motif économique, Mme A..., exerçant les fonctions de comptable, et salariée protégée en qualité d'ancienne déléguée du personnel suppléante ; que, par une décision du 9 octobre 2014, l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'Eure a autorisé son licenciement ; que par un jugement du 9 juin 2016, dont la requérante relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. " ; que, lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique ; que si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, malgré un chiffre d'affaires en progression, les résultats du groupe Masternaut et de sa filiale française, la SAS étaient déficitaires depuis 2011, le montant des pertes nettes ayant atteint, en 2013, près de 22 millions d'euros pour le groupe et 2,1 millions d'euros pour la société française ; que, si la requérante invoque les conclusions de l'expert-comptable mandaté par le comité central d'entreprise, selon lequel le groupe Masternaut offrirait une rentabilité du même niveau que celle constatée chez les leaders du groupe, ce rapport retient comme indicateur le solde des produits et charges d'exploitation, sans intégrer les amortissements, les frais financiers et l'impôt sur les sociétés, et ne dément pas, ainsi, le caractère fortement déficitaire des résultats ; que, quand bien même le montant des " management fees ", versés par les sociétés filiales à la société-mère pour rémunérer les services rendus par celle-ci serait anormalement élevé, il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'une diminution des montants versés à ce titre aurait permis de redresser les résultats du groupe ; que, par ailleurs, il est constant que plusieurs autres sociétés ont renforcé leurs parts de marché, entre 2011 et 2013, dans le secteur des services de gestion des ressources mobiles et de la gestion des véhicules ; que, dans ces conditions, en estimant qu'il existait une menace pour la compétitivité de l'entreprise, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que les critères, énoncés par l'article L. 1233-5 du code du travail et rappelés en l'espèce par le plan de sauvegarde de l'emploi, déterminant l'ordre des licenciements applicables dans l'entreprise, n'auraient pas été respectés, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision par laquelle l'autorité administrative autorise un licenciement ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si Mme A...soutient que l'emploi de comptable qu'elle occupait n'aurait pas, en réalité, été supprimé, des intérimaires ayant été embauchés pour exercer des missions comptables, ce moyen est, en tout état de cause, dépourvu des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation ou d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel il appartient " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SAS Masternaut a proposé à MmeA..., par lettre du 27 mars 2014, la liste des postes disponibles au sein de ses établissements ainsi que des emplois à pourvoir au sein du groupe, à l'étranger, et lui a demandé si elle accepterait un poste à l'étranger ; qu'il est constant que Mme A...n'a pas répondu à ce courrier ; que l'employeur lui a alors proposé, par courrier du 30 avril 2014, un emploi de coordinateur support clients et un emploi de coordinateur fidélisation niveau 1, tous deux situés dans l'établissement de Louviers où elle était affectée ; que la requérante n'a pas donné suite à ces propositions ; que si ces emplois n'étaient pas identiques à l'emploi de comptable qu'elle occupait antérieurement, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils n'étaient pas équivalents en termes de classification et de rémunération ; qu'enfin, par deux nouvelles lettres des 20 mai 2014 et 18 septembre 2014, des postes de coordinateur reconduction fidélisation et d'assistant logistique, également en adéquation avec le profil de la salariée protégée, lui ont été vainement proposés ; que l'employeur n'était pas tenu, dans les circonstances de l'espèce, de rechercher d'autres possibilités de reclassement à l'étranger, au sein du groupe, dès lors que MmeA..., interrogée dans les conditions rappelées ci-dessus, n'avait pas donné son accord à un éventuel reclassement au sein des sociétés non françaises du groupe Mastenaut ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'employeur doit être regardé comme ayant satisfait à son obligation en matière de reclassement ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à la société Masternaut et à la ministre du travail.

1

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N°16DA01323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01323
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection. Délégués du personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP VERDIER-MOUCHABAC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-02-22;16da01323 ?
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