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22/02/2018 | FRANCE | N°15DA00464

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 22 février 2018, 15DA00464


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CMEG a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 26 février 2010 par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Seine-Maritime, mettant à sa charge la somme de 361 495,08 euros au titre de l'application de pénalités de retard dans le cadre de l'exécution des travaux du lot n° 1 " gros oeuvre " de la construction d'un centre d'incendie et de secours à Rouen.

Elle a demandé également au tribunal administratif de R

ouen de condamner le SDIS de Seine-Maritime à lui verser la somme de 557 426,39 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CMEG a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 26 février 2010 par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Seine-Maritime, mettant à sa charge la somme de 361 495,08 euros au titre de l'application de pénalités de retard dans le cadre de l'exécution des travaux du lot n° 1 " gros oeuvre " de la construction d'un centre d'incendie et de secours à Rouen.

Elle a demandé également au tribunal administratif de Rouen de condamner le SDIS de Seine-Maritime à lui verser la somme de 557 426,39 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du 19 octobre 2010, au titre du solde de ce marché public, ou, à titre subsidiaire, de condamner la société d'entreprise électrique et de maintenance (SEEM) à lui verser la somme de 158 586,20 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du 19 octobre 2010, en réparation des surcoûts qu'elle a supportés du fait des défaillances de cette société, ou encore, toujours à titre subsidiaire, de condamner la société ACAU Architectes, la société Rincent BTP Services et le BET Alpha à lui verser la somme de 216 664,01 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du 19 octobre 2010, en réparation du préjudice résultant de l'allongement des délais d'exécution du marché.

Elle a également demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 27 décembre 2010 par le SDIS de Seine-Maritime, mettant à sa charge la somme de 9 447,73 euros au titre d'une facture de fluides dans le cadre de l'exécution de ce marché.

Enfin, elle a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 25 janvier 2011 par le SDIS de Seine-Maritime, mettant à sa charge la somme de 134 924,22 euros au titre de l'application de pénalités de retard dans le cadre de l'exécution des travaux du lot n° 1 " gros oeuvre " de la construction d'un centre d'incendie et de secours à Rouen.

Par un jugement n° 1001419, 1100838, 1100840, 1101057 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif de Rouen a condamné le SDIS de Seine-Maritime à verser à la société CMEG la somme de 280 868,51 euros, assortie des intérêts moratoires dans les conditions qu'il a définies, avec capitalisation à compter du 4 décembre 2010. Il a annulé les trois titres de perception en litige et a déchargé la société CMEG des sommes correspondantes. Enfin, il a condamné la société SEEM à verser à la société CMEG la somme de 158 586,20 euros, augmentée des intérêts moratoires dans les conditions qu'il a définies, avec capitalisation à compter du 8 mars 2012.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2015, et un mémoire enregistré le 2 février 2018, le SDIS de Seine-Maritime, représenté par Me H...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 janvier 2015 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a fait partiellement droit aux conclusions indemnitaires présentées par la société CMEG ;

2°) de condamner la société CMEG à lui verser la somme de 262 416,79 euros au titre du solde du marché ;

3°) de mettre à la charge de la société CMEG la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- le rapport de M. Jean-Michel Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me H...B...représentant le SDIS de Seine-Maritime, de Me G...C...représentant la société Rincent BTP Services et de Me A...D...représentant la société CMEG.

1. Considérant que par un acte d'engagement du 21 mars 2007, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Seine-Maritime a confié à la société CMEG le lot n° 1 " gros oeuvre ", dans le cadre de la construction d'un centre d'incendie et de secours à Rouen ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement conjoint composé du cabinet Acau Architectes, de la société Etic, du BET Alpha, du BET Bielec et du BET Ced'Ex ; que la mission d'ordonnancement pilotage et coordination (OPC) a été confiée à la société Séro ; que la durée d'exécution des travaux a été fixée à 18 mois à compter de l'ordre de service prescrivant le démarrage des travaux, lequel a prévu un démarrage des travaux le 2 mai 2007 ; que, par un avenant n° 4, le délai contractuel d'exécution des travaux a été prolongé de 7 mois, portant la date contractuelle de réception des travaux au 30 juillet 2009 ; que la réception des travaux a été acceptée par le maître de l'ouvrage le 10 mars 2010, avec réserves, et avec effet au 10 février 2010 ; que par un mémoire en réclamation du 19 octobre 2010, la société CMEG a contesté le décompte général des travaux établi le 7 septembre 2010, qui lui avait été notifié le 13 septembre 2010 ; que la société CMEG a demandé notamment au tribunal administratif de Rouen de condamner le SDIS de Seine-Maritime, et à titre subsidiaire, d'autres intervenants à ce marché public, à lui verser diverses sommes au titre du solde de celui-ci ou des préjudices qu'elle estime avoir subis ; qu'une expertise a été ordonnée par le juge des référés ; que le rapport d'expertise a été déposé le 13 mars 2014 ; que par un jugement du 27 janvier 2015, le tribunal administratif a notamment condamné le SDIS de Seine-Maritime à verser à la société CMEG la somme de 280 868,51 euros, assortie des intérêts moratoires contractuels, capitalisés dans les conditions qu'il a définies ; que le SDIS fait appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette condamnation ; que la société CMEG présente des conclusions d'appel incident tendant à la condamnation du SDIS à lui verser une somme supérieure à celle retenue par les premiers juges ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort de la procédure de première instance que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur les conclusions reconventionnelles du SDIS tendant à la condamnation de la société CMEG à lui verser une somme de 39 055 euros hors taxes correspondant au coût des travaux de reprise des fissures affectant la dalle du bâtiment B du centre d'incendie et de secours ; que, par suite, le jugement est irrégulier sur ce point et doit, dans cette mesure, être annulé ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ;

Sur les conclusions du SDIS tendant à la condamnation de la société CMEG au versement d'une somme de 39 005 euros hors taxes au titre de la reprise des fissures affectant la dalle du bâtiment B :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la dalle du bâtiment B reste affectée par des fissures qui ont fait l'objet de réserves lors de la réception des travaux ; que, toutefois, le SDIS ne justifie pas que ces fissures, essentiellement esthétiques, résulteraient d'un manquement de la société CMEG au règles de l'art lors des travaux de reprise de la dalle par injection de résine dans les fissures, effectués entre octobre et décembre 2009 ; que ces conclusions du SDIS doivent dès lors être rejetées ;

Sur les pénalités de retard :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le SDIS a infligé à la société CMEG, sur le fondement de l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières, des pénalités d'un montant total de 496 419,30 euros, à raison de 195 jours de retard dans l'exécution des travaux ; que les premiers juges ont estimé que le SDIS était fondé à imputer des pénalités de retard à la société CMEG au titre de la période comprise entre le 30 juillet 2009 et le 18 décembre 2009, mais qu'eu égard à la date d'achèvement des travaux, la société CMEG devait être déchargée des pénalités de retard, d'un montant de 134 924,22 euros, qui lui avaient été infligées au titre de la période comprise entre le 18 décembre 2009 et le 10 février 2010 ; qu'ils ont déduit de l'ensemble de ces éléments que le nombre de jours de retard devait être fixé à 142 ; que, par ailleurs, ils ont estimé que le SDIS ne pouvait se fonder sur l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières pour calculer le montant total de ces pénalités et qu'il y avait lieu de retenir le taux prévu par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, soit 1/3000ème du montant total du marché par jour de retard ; qu'ils en ont conclu que le montant total des pénalités de retard pouvant être mises à la charge de la société CMEG s'élevait seulement à 120 498,46 euros ;

En ce qui concerne le nombre de jours de retard :

5. Considérant que, conformément à l'avenant n° 4, les travaux devaient être achevés le 30 juillet 2009 ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que si la société CMEG avait, dès le 22 juillet 2009, achevé les ouvrages dont la réalisation lui incombait, la dalle du bâtiment B comportait de nombreuses fissures ; qu'en octobre 2009, la société Socotec et le BET Alpha ont estimé que si ces fissures ne compromettaient pas à court terme la résistance de la dalle, leur reprise était néanmoins nécessaire pour éviter qu'à plus long terme, l'infiltration prolongée d'eaux de lavage n'entraîne une corrosion des armatures ; que, comme le relève l'expert désigné par le tribunal administratif, la maîtrise d'oeuvre a pu, à bon escient, imposer la réalisation de sondages, effectués par la société Rincent BTP, pour déterminer la position exacte des armatures et l'ampleur du risque lié, à long terme, à l'infiltration des eaux de lavage ; qu'aucune carence de la maîtrise d'oeuvre ne peut être retenue s'agissant de la date à laquelle les sondages ont été préconisés ; que, dans ces conditions, la date du 22 juillet 2009 ne peut être regardée comme étant celle de l'achèvement des travaux par la société CMEG ; que, par suite, la période de retard a commencé à courir à compter du 30 juillet 2009, date d'achèvement des travaux prévue par l'avenant n° 4 ; que contrairement à ce que soutient la société CMEG, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de reprise de la dalle auraient été retardés par la substitution, antérieure de plusieurs mois, de la société Normel à la société SEEM pour le lot électricité, ou par les retards des entreprises chargées d'autres lots, en particulier des lots " carrelage-faïence ", " revêtement-sols souples ", " peinture-revêtements muraux ", " menuiseries intérieures ", " plafonds suspendus " et " chauffage - plomberie - ventilation " ; que, par ailleurs, si, en vertu de l'article 9.2 du CCAP, et par dérogation aux articles 41.1 à 41.3 du CCAG, la réception ne pouvait avoir lieu qu'à l'achèvement de l'ensemble des travaux, tous lots confondus, l'article 4.3 du CCAP prévoit qu'en cas de retard dans l'achèvement des travaux, le titulaire responsable du retard subit une pénalité ; qu'ainsi, le retard des autres entreprises est, en tout état de cause, sans incidence sur la date d'achèvement des travaux par la société CMEG, cette date déterminant seule la fin de la période d'application de pénalités de retard à l'encontre de celle-ci ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les travaux de reprise étaient achevés le 18 décembre 2009 et que la réunion préalable à leur réception pouvait intervenir dès le 10 janvier 2010 ; que si le maître d'oeuvre était fondé à exiger une attestation de reprise de traitement des fissures et si la réception des travaux pouvait être subordonnée à la réception de cette attestation, le retard de la société CMEG à adresser ce document au maître d'oeuvre ne justifie pas l'application de pénalités de retard pour la période postérieure à l'achèvement des travaux ; qu'ainsi, c'est à tort que des pénalités de retard ont été infligées à la société CMEG pour la période postérieure au 18 décembre 2009 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que le nombre de jours de retard doit, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, être fixé à 142 ;

En ce qui concerne le taux des pénalités de retard :

8. Considérant qu'en vertu de l'article 13 du code des marchés publics alors en vigueur, si le pouvoir adjudicateur décide de faire référence aux documents généraux, les documents particuliers comportent, le cas échéant, l'indication des articles des documents généraux auxquels ils dérogent ; qu'en vertu de l'article 3.12 du CCAG : " 3.12. En cas de contradiction ou de différence entre les pièces constitutives du marché, ces pièces prévalent dans l'ordre où elles sont énumérées ci-dessus / Toutefois, toute dérogation aux dispositions des CCTG et du CCAG qui n'est pas clairement définie et, en outre, récapitulée comme telle dans le dernier article du CCAP est réputée non écrite. Ne constitue pas une dérogation aux CCTG ou au CCAG l'adoption, sur un point déterminé, de stipulations différentes de celles qu'indiquent ces cahiers lorsque, sur ce point, ceux-ci prévoient expressément la possibilité pour les marchés de contenir des stipulations différentes " ; qu'il résulte de ces dispositions que constitue une dérogation au cahier des clauses administratives générales toute stipulation particulière qui, sur un objet donné, emporte des obligations différentes de celles que définit ledit cahier, sans qu'ait été prévue la faculté de les adapter ; que pour être opposables, les clauses dérogatoires doivent être récapitulées dans le dernier article du cahier des clauses administratives particulières ; que si l'article 13 du code des marchés publics n'a pas prescrit cette obligation à peine de nullité de la dérogation, cette sanction est expressément prévue par l'article 3.12 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux auquel se réfère le marché en cause ;

9. Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 20. 1 du CCAG : " En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du CCAP, une pénalité journalière de 1/3000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix de base définis au 11 de l'article 13 " ; que selon l'article 4.3 du CCAP : " En cas de retard dans l'achèvement des travaux, le titulaire responsable du retard subira une pénalité journalière de 1/1000° du montant hors taxes du marché./ Cette pénalité ne pourra être inférieure à 100 euros hors taxes par jour calendaire de retard " ;

10. Considérant que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le montant de la pénalité journalière prévue par l'article 20-1 du CCAG peut, aux termes mêmes de ce texte, faire l'objet de stipulations différentes du CCAP ; qu'en application de l'article 3-1-2 du CCAG, cette stipulation ne peut donc être regardée comme une dérogation qui, pour être opposable entre les parties, devrait être incluse dans les dérogations énumérées par le CCAP ; qu'ainsi, l'article 4.3 du CCAP est opposable à la société CMEG, quand bien même cet article ne figure pas dans la liste des dérogations aux cahiers généraux reprise par le dernier article du même cahier ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le nombre de jours de retard doit être fixé à 142 et le taux journalier à 1/1000° ; que compte tenu du montant total hors taxes du marché figurant à l'avenant n° 4, soit 2 545 742,01 euros, le montant total des pénalités doit être fixé à 361 495,36 euros ;

12. Considérant qu'il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d'augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ; qu'alors même que le SDIS de Seine-Maritime n'aurait subi aucun préjudice et que le montant de la pénalité journalière prévu par le CCAP excède sensiblement celui mentionné par le CCAG, il ne résulte pas de l'instruction que le montant des pénalités de retard restant à la charge du groupement, qui s'élève, comme il a été dit au point 11, à 361 495,36 euros, soit à 14,2 % du montant global du marché, serait manifestement excessif ;

Sur les conclusions d'appel incident présentées par la société CMEG, et sans qu'il besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le SDIS :

En ce qui concerne la réalisation de travaux non prévus par le marché :

13. Considérant que la société CMEG soutient, comme en première instance, qu'elle a réalisé une tête de mur, prestation non prévue au marché, pour un montant de 434, 96 euros hors taxes, et qu'elle a procédé à la mise en conformité du citerneau d'eau, prestation qu'elle évalue à la somme de 926 euros hors taxes ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux auraient fait l'objet d'un ordre de service régulier, ni qu'ils auraient été indispensables pour la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art ; que, par suite, les conclusions présentées sur ce point par la société CMEG doivent être rejetées ;

En ce qui concerne la somme due au titre du compte prorata :

14. Considérant que la société CMEG soutient que la somme de 22 650,33 euros, correspondant au déficit du compte prorata, lui est due par le SDIS, celui-ci ne s'étant pas assuré du règlement, par les autres entreprises, de leurs contributions à ce compte ; qu'aux termes de l'article 3.3.3 du CCAP : " (...) le titulaire du lot principal procède au règlement des dépenses correspondantes, mais il peut demander des avances aux autres titulaires. En fin de chantier, il effectuera la répartition desdites dépenses au prorata du montant des situations cumulées de chaque entreprise. / Dans cette répartition, l'action du maître d'oeuvre se limite à jouer le rôle d'amiable compositeur dans le cas où les titulaires lui demanderaient de faciliter le règlement d'un différent qui se serait élevé entre eux " ; que s'il n'est pas contesté que les entrepreneurs restaient redevables envers la société CMEG, chargée de tenir le compte prorata, d'une somme totale de 22 650,33 euros, il ne résulte ni des textes législatifs ou réglementaires, ni des pièces contractuelles que, en pareil cas, le maître de l'ouvrage devait subordonner le règlement du solde de chaque marché à la justification par l'entrepreneur concerné du versement qui lui incombait au titre du compte prorata ; que, dans ces conditions, le société CMEG n'est pas fondée à soutenir que le maître de l'ouvrage aurait commis une faute et qu'il devrait en conséquence l'indemniser de la somme correspondant au déficit du compte prorata ;

En ce qui concerne la clause de révision des prix :

15. Considérant que la clause de révision des prix a pour objet de prendre en compte les modifications des conditions économiques entre le prix du marché à la date de remise de l'offre de l'entreprise et le prix du marché à la date d'exécution effective des prestations ; que la société requérante, qui ne justifie pas d'un droit à l'indemnisation de travaux autres que ceux prévus par le marché initial, ne précise pas à quelles prestations cette clause devrait, selon elle, s'appliquer ; que, par suite, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les préjudices qui résulteraient de l'allongement du chantier :

S'agissant de la période antérieure au 30 juillet 2009 :

16. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ;

17. Considérant que, pour l'exécution des travaux, la durée d'intervention initiale prévue au contrat était de 18 mois ; que l'ordre de service n° 1 a imposé un commencement des travaux le 2 mai 2007, la date de fin d'exécution des travaux étant alors prévue au 2 octobre 2008 ; que, par un ordre de service du 28 juillet 2008, le délai d'exécution des travaux a été prolongé de 49 jours en raison des défaillances de la société SEEM ; que, par ailleurs, en raison d'intempéries, le délai d'exécution des travaux a été prolongé de 38 jours par l'ordre de service n° 2 signé par la société CMEG avec notamment une réserve portant sur l'exigence d'une indemnisation en réparation du préjudice résultant de l'allongement de ce délai ; qu'un avenant n° 4, régulièrement signé sans réserve par les parties, a porté le délai d'exécution des travaux à 25 mois, la date de fin d'exécution des travaux intervenant alors le 30 juillet 2009 et a prévu une indemnisation des conséquences de cet allongement sur les installations de chantier ;

18. Considérant, d'une part, que ni les retards de chantier imputables aux défaillances de la société SEEM, à la maîtrise d'oeuvre ou à d'autres entreprises, ni les intempéries ne trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;

19. Considérant, d'autre part, que compte tenu de la chronologie rappelée ci-dessus, de la nature des manquements de la société SEEM et des avenants conclus, l'absence de résiliation du marché de la société SEEM avant le 30 octobre 2008 ne peut être regardée comme une faute qu'aurait commise le SDIS dans la direction du contrat ; que, dans ces conditions, les retards de chantier imputables à la société SEEM ou à d'autres intervenants, ne peuvent engager la responsabilité du SDIS ; qu'au demeurant, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, si la société CMEG soutient que, du fait des défaillances de la société SEEM, elle n'a pu commencer à couler la dalle que le 14 septembre 2008, et non le 5 mai 2008 comme prévu initialement, soit un retard de 131 jours, elle a signé, le 26 décembre 2008, l'avenant n° 4 prévoyant une prolongation de sept mois de la durée du chantier, assortie d'une rémunération complémentaire, au titre des installations de chantier, d'un montant de 81 200 euros hors taxes ; que les différents frais liés au maintien des installations ont donc nécessairement été indemnisés ; que si la société CMEG se prévaut du maintien de son personnel sur le chantier, elle ne justifie pas plus devant la cour que devant le tribunal administratif de la présence effective sur le chantier, pendant la période de 131 jours qu'elle invoque, de personnels d'encadrement ou du conducteur de travaux, et se borne à effectuer un calcul forfaitaire fondé sur le temps de travail supposé de ces personnes ; qu'au demeurant, le jugement du 27 janvier 2015, définitif sur ce point, a condamné la société SEEM à verser à la société CMEG la somme de 158 586,20 euros, en réparation des préjudices causés à celle-ci du fait de ses carences et retards ;

20. Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les 7 mois de prolongation de la durée contractuelle d'exécution des travaux prévue par l'avenant n° 4, et signé par la société CMEG sans réserve, n'incluraient pas les 38 jours d'allongement des délais au titre des intempéries ; que, par suite, une indemnisation spécifique aux intempéries ne peut venir s'ajouter à l'indemnisation prévue par l'avenant n° 4 ;

S'agissant de la période postérieure au 30 juillet 2009 :

21. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus que l'allongement de la durée d'exécution des travaux du 30 juillet 2009 au 18 décembre 2009, date d'achèvement des travaux du lot n° 1, est imputable à la société CMEG ; que, par suite, cette dernière n'est pas fondée à être indemnisée au titre des préjudices qu'elle a subis du fait de cet allongement ; qu'enfin, s'agissant de la période comprise entre le 18 décembre 2009, date d'achèvement des travaux, et la date de réception des travaux, elle ne justifie pas de la réalité du préjudice qu'elle invoque ;

Sur le solde du marché :

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu du montant toutes taxes comprises du marché, des sommes inscrites au passif et non contestées, dont les montants ont été retenus à bon droit par les premiers juges, des acomptes versés et des pénalités de retard d'un montant 361 495,36 euros, le solde du marché correspondant au lot n° 1 s'établit à la somme de 39 864 euros toutes taxes comprises en faveur de la société CMEG ; qu'il y a lieu de condamner le SDIS de Seine-Maritime à lui verser cette somme ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

23. Considérant qu'il résulte de l'article 1er du décret du 21 février 2002 susvisé, alors applicable que, pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date d'acceptation du décompte général et définitif ; qu'aux termes du II de l'article 5 de ce décret : " Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation ; que le SDIS ne conteste pas avoir reçu la réclamation, datée du 19 octobre 2010, formée devant lui par la société CMEG ; qu'à défaut de contestation sur ce point, cette dernière date doit être retenue comme point de départ du délai de paiement ; que la société CMEG a ainsi droit aux intérêts moratoires contractuels, prévus à l'article 3.4.5 du CCAP, à compter du 4 décembre 2010, date à laquelle expirait le délai de paiement contractuel de 45 jours imparti à l'administration ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par la société requérante dans son mémoire en réclamation ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 4 décembre 2011, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions relatives à la garantie à première demande :

24. Considérant que ces conclusions, rejetées en première instance, ne sont assorties en appel d'aucun moyen ; que, par suite, elles ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

25. Considérant que les frais d'expertise ont été fixés à la somme de 18 993,60 euros par une ordonnance de taxation du président du tribunal administratif de Rouen du 28 mars 2014 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la moitié de cette somme à la charge définitive de la société CMEG et l'autre moitié à la charge définitive du SDIS de Seine-Maritime ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SDIS de Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à verser à la société CMEG une somme supérieure à celle fixée au point 20 ci-dessus ; que le jugement doit être réformé en ce sens ; que le surplus des conclusions du SDIS ainsi que l'appel incident de la société CMEG doit être rejeté ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 27 janvier 2015 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions reconventionnelles du SDIS de Seine-Maritime.

Article 2 : Le SDIS de Seine-Maritime est condamné à verser à la société CMEG la somme de 39 864 euros, augmentée des intérêts contractuels prévus à l'article 3.4.5 du CCAP, à compter du 4 décembre 2010. Les intérêts échus à la date du 4 décembre 2011 sont capitalisés à cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Les frais d'expertise mentionnés au point 25 du présent arrêt sont mis pour moitié à la charge de la société CMEG et pour moitié à la charge du SDIS de Seine-Maritime.

Article 5 : Le jugement n° 1001419-1100838-1100840-1101057 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt, en tant qu'il a statué sur les conclusions de la société CMEG.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de Seine-Maritime, à la société CMEG, à la SARL Alpha BET, à la société Acau Architectes, à la société Rincent BTP Services et à Me F...E..., liquidateur judicaire de la société SEEM.

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N°15DA00464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00464
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : NOBLET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-02-22;15da00464 ?
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