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25/01/2018 | FRANCE | N°17DA01357-17DA01358

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2018, 17DA01357-17DA01358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 mai 2016 par laquelle le maire de la commune d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) l'a affecté sur le poste de chef de service " droit de préemption urbain, foncier, immobilier, observatoire fiscal et patrimonial ", ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, à cette autorité de le réintégrer sur son ancien poste de directe

ur des affaires financières, enfin, de condamner la commune d'Hénin-Beaum...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 mai 2016 par laquelle le maire de la commune d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) l'a affecté sur le poste de chef de service " droit de préemption urbain, foncier, immobilier, observatoire fiscal et patrimonial ", ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, à cette autorité de le réintégrer sur son ancien poste de directeur des affaires financières, enfin, de condamner la commune d'Hénin-Beaumont à réparer, par le versement de la somme de 12 500 euros augmentée des intérêts au taux légal, les préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de sa nouvelle affectation.

Par un jugement n° 1608463 du 7 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a prononcé l'annulation de la décision du maire d'Hénin-Beaumont du 20 mai 2016, a enjoint à la commune d'Hénin-Beaumont de réintégrer M. D... dans ses anciennes fonctions de directeur des affaires financières et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2017 sous le n° 17DA01357, la commune d'Hénin-Beaumont, représentée par la SCP ManuelA..., Héloïse Hicter et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 7 juin 2017 en tant qu'il a annulé la décision prise par son maire le 20 mai 2016 à l'égard de M. D...et qu'il lui a fait injonction de réintégrer l'intéressé dans ses anciennes fonctions de directeur des affaires financières ;

2°) de rejeter les conclusions correspondantes de la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juillet 2017 et le 25 août 2017 sous le n°17DA001358, la commune d'Hénin-Beaumont, représenté par la SCP ManuelA..., Héloïse Hicter et Associés, demande à la cour de décider, à titre principal, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, sur celui de l'article R. 811-17 de ce code, qu'il sera sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 7 juin 2017 jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me G...F..., substituant Me E...A..., représentant la commune d'Hénin-Beaumont, ainsi que celles de Me C...H..., représentant M. B... D....

1. Considérant que les requêtes enregistrées sous le n° 17DA01357 et sous le n° 17DA01358, présentées par la commune d'Hénin-Beaumont, sont dirigées contre le même jugement et concernent la situation du même fonctionnaire ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. D...a été recruté au cours de l'année 2002 par la commune d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) en tant qu'agent contractuel, afin d'occuper un emploi de directeur adjoint du centre d'animation de la jeunesse ; que, nommé, sur concours, éducateur, puis conseiller d'activités physiques et sportives, il a été affecté, au cours de l'année 2006, sur un poste de chargé de mission auprès du directeur du service des sports et a ensuite été nommé responsable de la piscine municipale à compter du 24 septembre 2007 ; qu'ayant, toutefois, rencontré des difficultés dans l'exercice de ces fonctions et ayant émis le souhait d'accéder à la filière administrative afin de pouvoir mettre en application ses compétences de gestionnaire, l'intéressé a quitté ce poste le 16 novembre 2008 pour être nommé responsable de la commande publique, puis contrôleur de gestion en novembre 2010, et a été reclassé, à compter du 1er juillet 2011, au grade d'attaché territorial ; qu'ayant reçu une nouvelle affectation de la municipalité issue des élections de mars 2014, en tant que directeur des affaires financières à compter du 13 octobre 2014, il a finalement été nommé, par une décision du maire d'Hénin-Beaumont du 20 mai 2016, sur un emploi de chef du service " droit de préemption urbain, foncier, immobilier, observatoire fiscal et patrimonial " ;

3. Considérant que la commune d'Hénin-Beaumont relève appel, par la requête enregistrée sous le n° 17DA01357, du jugement du 7 juin 2017 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé, à la demande de M.D..., cette dernière décision pour excès de pouvoir et lui a fait injonction de réintégrer l'intéressé dans ses anciennes fonctions de directeur des affaires financières ; que M. D...a présenté, par un mémoire enregistré au greffe de la cour le 3 août 2017, des " conclusions incidentes " tendant à l'annulation du même jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Hénin-Beaumont à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de son changement d'affectation ; que, par la seconde requête, enregistrée sous le n° 17DA01358, la commune d'Hénin-Beaumont demande à la cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce même jugement jusqu'à ce qu'elle se prononce sur le fond de l'affaire ;

Sur les conclusions présentées par la commune d'Hénin-Beaumont :

4. Considérant que les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu'il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours pour excès de pouvoir dirigé contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'organigramme des services de la commune d'Hénin-Beaumont, produit par M.D..., qu'alors que celui-ci exerçait auparavant les fonctions de directeur des affaires financières et qu'il était, ainsi, au nombre des cadres dirigeants placés sous l'autorité directe du directeur général des services, la décision du 20 mai 2016 l'a désormais nommé sur un emploi de chef du service " droit de préemption urbain, foncier, immobilier, observatoire fiscal et patrimonial ", lequel est placé sous l'autorité de l'un des responsables des directions fonctionnelles relevant du secrétariat général ; que ce changement d'affectation, alors même qu'il ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives que M. D...tient de son statut ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ni n'emporte, au vu des seules pièces versées au dossier, une perte de rémunération, a par suite nécessairement comporté une diminution du niveau de ses responsabilités ; que la décision du 20 mai 2016 par laquelle le maire d'Hénin-Beaumont a assigné à M. D...cette nouvelle affectation ne présente ainsi pas le caractère d'une mesure d'ordre intérieur insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il suit de là que la commune d'Hénin-Beaumont n'est pas fondée à soutenir que pour annuler, par le jugement attaqué, cette décision, le tribunal administratif de Lille aurait fait droit à des conclusions irrecevables ;

6. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'en vertu de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires ;

7. Considérant que, comme il a été dit au point 5, le changement d'affectation prononcé par la décision du 20 mai 2016 en litige a eu pour effet de diminuer le niveau des responsabilités administratives incombant à M.D... ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la commune d'Hénin-Beaumont, ce changement d'affectation a eu pour effet de modifier sa situation au sens des dispositions de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 rappelées au point précédent et devait être précédé de la consultation de la commission administrative paritaire ; qu'il ne ressort toutefois d'aucune des pièces du dossier, ni n'est même allégué, que l'avis de cet organe aurait été sollicité ; que l'omission de cette consultation préalable a privé M. D...d'une garantie organisée par la loi et entache la décision litigieuse d'un vice de procédure justifiant son annulation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, aux points 4 à 7 que la commune d'Hénin-Beaumont n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 20 mai 2016 par laquelle son maire a procédé au changement de l'affectation de M.D... ;

Sur les conclusions présentées par M.D... :

9. Considérant que, formulées dans un mémoire enregistré au greffe de la cour le 3 août 2017, soit avant l'expiration du délai qui était ouvert à M. D...pour relever appel du jugement du 7 juin 2017 du tribunal administratif de Lille, dont il avait reçu notification le 19 juin suivant, les " conclusions incidentes " par lesquelles l'intéressé demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Hénin-Beaumont à l'indemniser constituent un appel principal qui est recevable, alors même qu'il présente à juger un litige distinct de celui introduit par la requête n° 17DA01357 de la commune d'Hénin-Beaumont ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. D...a rencontré d'importantes difficultés dans l'exercice de ses fonctions de directeur des affaires financières de la commune d'Hénin-Beaumont, l'intéressé n'ayant pas été à même d'assurer un suivi satisfaisant des affaires relevant des attributions de son service, ni de mobiliser à cette fin les agents placés sous son autorité ; qu'il n'a pas su davantage instaurer des relations apaisées avec les autres services ; que, dans ce contexte, d'importants retards dans le suivi des opérations courantes, telles le traitement des bons de commande, ainsi que des anomalies dans la tenue des comptes et dans l'archivage et le classement des documents ont pu être observés ; qu'en outre, M. D...n'a pas été en mesure de préparer, dans les délais attendus, des projets de délibération et des documents préparatoires qui lui avaient été commandés, de sorte que le directeur général des services et l'adjoint au maire chargé des finances ont été contraints de pallier ses insuffisances ; qu'alors, en particulier, que la préparation du budget primitif constitue un enjeu annuel majeur pour la direction qui lui avait été confiée, M. D... ne s'est que peu impliqué dans la réalisation de ce document pour l'année 2016, cette attitude ayant mis le directeur général des services, l'adjoint aux finances et le directeur de cabinet du maire en difficulté, faute de disposer en temps utile des pièces et éléments propres à leur permettre de fournir au conseil municipal les documents de nature à l'éclairer ; que le budget primitif n'a finalement pu être élaboré, dans la précipitation et l'urgence, que grâce à l'investissement du trésorier de la commune et au concours d'un cabinet privé ; que, compte tenu de ces insuffisances et des incidences graves qu'elles étaient susceptibles de comporter pour la commune, le maire d'Hénin-Beaumont a pu estimer sans erreur manifeste d'appréciation que l'intérêt du service justifiait que M. D...reçoive une autre affectation ; qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que cette décision présenterait, dans ces conditions et alors même qu'elle emporte une diminution du niveau des responsabilités confiées à l'intéressé, le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ;

11. Considérant que, si M. D...soutient que ce changement d'affectation procèderait d'un harcèlement moral perpétré à son endroit par sa hiérarchie et qu'il serait empreint de discrimination, il ne demande pas la condamnation de la commune d'Hénin-Beaumont à réparer les préjudices qui résulteraient d'une telle situation, mais seulement de ceux résultant de l'illégalité affectant la décision du 20 mai 2016 en litige ; qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, cette décision est légalement fondée sur un motif tiré de l'intérêt du service ; que, par suite, M. D... ne peut être indemnisé des préjudices qu'il aurait subis en conséquence de cette réaffectation ; que, s'il précise toutefois avoir subi un préjudice moral en raison des conditions dans lesquelles la décision en litige est intervenue, il ne résulte pas de l'instruction que ce préjudice trouverait son origine directe dans le vice de procédure relevé au point 7, consistant en une absence de consultation de la commission administrative paritaire ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède aux points 9 à 11 que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation ;

Sur les conclusions tendant au sursis à l'exécution du jugement :

13. Considérant que, dès lors que le présent arrêt se prononce, dans le cadre de l'examen de la requête n° 17DA01357, sur la légalité de la décision du maire d'Hénin-Beaumont du 20 mai 2016 en litige, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17DA01358 par laquelle la commune d'Hénin-Beaumont demande à la cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'elle se prononce sur le fond de l'affaire ;

Sur les conclusions présentées dans les deux instances d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, ni de mettre, sur le fondement de ces dispositions, une somme à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens, ni de mettre, sur le même fondement, une somme à la charge de ce dernier au titre des frais exposés par la commune d'Hénin-Beaumont et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la commune d'Hénin-Beaumont, enregistrée sous le n° 17DA01358, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 7 juin 2017.

Article 2 : La requête de la commune d'Hénin-Beaumont enregistrée sous le n°17DA01357 et le surplus des conclusions de la requête n° 17DA01358 sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D...dans l'instance n° 17DA01357 et celles qu'il formule dans l'instance n° 17DA01358 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Hénin-Beaumont et à M. B... D....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.

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Nos17DA01357, 17DA01358

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01357-17DA01358
Date de la décision : 25/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures d'ordre intérieur.

Procédure - Voies de recours - Appel - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP MANUEL GROS HÉLOÏSE HICTER ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-01-25;17da01357.17da01358 ?
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