Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M.B... A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 février 2017 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a interdit le retour sur ce territoire durant trois ans et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 1700553 du 20 février 2017, le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2017, M.A..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Rouen du 20 février 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 16 février 2017 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
1. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté du 16 février 2017 en litige, par lequel la préfète de la Seine-Maritime a fait obligation à M.A..., ressortissant marocain, de quitter le territoire français, que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reprendre des formules préétablies, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles cette mesure d'éloignement est fondée ; que, par suite, alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M. B...et qu'ils retiendraient des éléments de fait erronés, la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée en la matière par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
2. Considérant que, si M. A...soutient de nouveau en appel que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte, à l'appui de ce moyen, aucun argument ni aucun justificatif nouveau par rapport à ceux dont il s'est prévalu devant le tribunal administratif de Rouen ; que, dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge et énoncés au point 4 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen ;
3. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux adoptés au point précédent et eu égard notamment à ce que les seules pièces versées au dossier par M. A...ne sont pas suffisantes à lui permettre de justifier de l'ancienneté, ni même de la réalité, de la vie maritale dont il se prévaut et qu'elles ne corroborent les allégations de l'intéressé relatives aux attaches familiales dont il disposerait en France qu'en ce qui concerne l'une de ses soeurs, il n'est pas établi que, pour décider que M.A..., qui a conservé des attaches familiales proches dans son pays d'origine, devra quitter le territoire français, la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la légalité du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
4. Considérant que, si, en vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ressortissant étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dispose en principe d'un délai de trente jours pour y satisfaire, ce même II dispose toutefois que l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que ce ressortissant étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français, lorsque notamment il existe un risque que l'intéressé se soustraie à cette obligation ; que le a), le d) et le f) du 3° de ce même paragraphe II précisent que ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, respectivement si le ressortissant étranger concerné, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, s'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et s'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité ;
5. Considérant que, si M. A...soutient qu'il aurait présenté, à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, des garanties de représentation suffisantes pour disposer d'une adresse stable chez sa compagne, la réalité de la vie commune dont il se prévaut n'est, comme il a été dit au point 3, pas établie par les pièces du dossier ; qu'en revanche, comme l'a précisément relevé le premier juge, au point 6 du jugement attaqué, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dépourvu de tout document d'identité et de voyage, n'a pu justifier d'une entrée régulière sur le territoire français, a été condamné pour des faits de vol aggravé et refuse de regagner son pays d'origine ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement prononcées à son encontre ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point précédent qui autorisaient la préfète de la Seine-Maritime à refuser de lui accorder un délai pour se soumettre volontairement à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son égard ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
6. Considérant qu'en vertu du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français dont elle détermine la durée, en tenant compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ;
7. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères que ces dispositions énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse, à sa seule lecture, en connaître les motifs ;
8. Considérant qu'en l'espèce, après avoir relevé que M. A...n'avait pu présenter aucun document de voyage qui lui aurait permis de justifier de la date et de conditions régulières d'entrée sur le territoire français, la préfète de la Seine-Maritime a également pris en compte tant le comportement passé de l'intéressé, qui s'était précédemment soustrait à l'exécution de deux mesures d'éloignement prises le 30 août 2011 et le 1er novembre 2011, que la menace que la présence de l'intéressé, qui avait été condamné par le juge pénal à raison de faits de vol aggravé en récidive, représentait pour l'ordre public ; qu'enfin, les motifs de l'arrêté en litige révèlent que cette autorité a, en outre, pris en compte le fait que M.A..., célibataire, ne justifiait pas entretenir des relations stables et anciennes sur le territoire français, tandis qu'il n'était pas dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine ; que, par suite, la préfète de la Seine-Maritime, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit ;
9. Considérant que M.A..., qui n'a pu présenter aucun document de voyage, ne peut justifier d'un séjour antérieur à l'année 2011 sur le territoire français, ce qui ne caractérise pas une présence notablement ancienne en France ; que, pour les motifs retenus par le premier juge au point 4 du jugement attaqué, il ne démontre pas l'existence de liens anciens et stables sur le territoire français, tandis qu'il n'établit pas davantage être dépourvu de toute attache familiale au Maroc, où résident ses parents et son plus jeune frère ; qu'enfin, il est constant que M. A...s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement et qu'il a fait l'objet d'une condamnation pour des faits, d'une particulière gravité, de vol aggravé en récidive ; que, dans ces conditions, à supposer que la présence de M. A...en France ne représentait plus une menace grave et actuelle pour l'ordre public, il n'est pas établi que, pour lui interdire tout retour en France pendant trois ans, la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur d'appréciation, alors au demeurant que les dispositions du dernier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile donnent à l'intéressé la faculté de solliciter l'abrogation de cette mesure de police administrative dès son retour dans son pays d'origine ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C 166/13 du 5 novembre 2014) rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction administrative française, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il est prévu par le droit de l'Union européenne et qu'il est notamment issu de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par M.A..., qu'il a été entendu par les services de police le 25 janvier 2017, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, les raisons et conditions de son entrée en France ainsi que les conditions dans lesquelles il subvenait à ses besoins et était hébergé ; qu'en outre, ce procès-verbal révèle que M. A... a été spécifiquement interrogé sur ses intentions dans l'hypothèse où une mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine était édictée ; que l'intéressé a eu, ainsi, la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision de le reconduire à destination du Maroc ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le Maroc comme le pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit d'office méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
13. Considérant que, si M. A...soutient de nouveau en appel que la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent, il n'apporte, à l'appui de ces moyens, aucun argument ni aucun justificatif nouveau par rapport à ceux dont il s'est prévalu devant le tribunal administratif de Rouen ; que, dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge et énoncés au point 8 du jugement attaqué, d'écarter ces moyens ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il en est de même, en tout état de cause, de celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, alors que M. A...a obtenu le bénéficie de l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure et que son avocat n'invoque pas le bénéfice de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°17DA00854