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29/12/2017 | FRANCE | N°16DA02230

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 29 décembre 2017, 16DA02230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2016 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixé le pays de destination de son éloignement et ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1605524 du 26 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision fixant l'Afghanistan comme pay

s de destination de l'éloignement de M. B...et rejeté le surplus de la demande.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2016 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixé le pays de destination de son éloignement et ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1605524 du 26 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision fixant l'Afghanistan comme pays de destination de l'éloignement de M. B...et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 juillet 2016 en tant qu'il annule la décision fixant le pays de destination de l'éloignement de M.B... ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. B...dirigées contre cette décision.

La clôture de l'instruction a été fixée le 24 novembre 2017 par ordonnance du 8 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. c. France, n° 18039/11) ;

2. Considérant qu'il ne ressort pas plus des pièces du dossier que des éléments d'information rendus publics par des organismes internationaux que la situation de conflit armé en Afghanistan, malgré sa gravité, serait caractérisée par un degré de violence aveugle d'un niveau si élevé qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'un civil renvoyé dans ce pays y serait exposé, du seul fait de sa présence, à un risque réel de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. B... fait valoir que, originaire de Hisarak, il a refusé d'être recruté par les Talibans et a dû fuir son pays pour échapper à leurs représailles ; que, toutefois, il ne verse au dossier aucun élément probant de nature à regarder comme établie la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourrait en cas de retour en Afghanistan ; que si la situation prévalant dans la province de Nangarhâr peut être qualifiée de violence généralisée de forte intensité, compte tenu du nombre et de la nature des actes de violence qui ont touché la population civile au cours de l'année 2015 et ont été rapportés, notamment, par le Bureau européen d'appui en matière d'asile sur l'Afghanistan (EASO) en janvier 2016, M. B...n'assortit d'aucun élément précis ou vérifiable ses affirmations selon lesquelles il serait originaire de cette province ; qu'en outre, le requérant, lors de son audition par les services de police, n'a fait état d'aucun risque particulier le concernant ; qu'il ne démontre pas qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; qu'il en résulte que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision attaquée ; que, toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif ;

3. Considérant que l'arrêté de délégation de signature cité au point 2 du jugement attaqué donnait compétence à M. A...pour signer la décision fixant le pays de destination de l'éloignement de M.B... ; que cette décision, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 du jugement attaqué, devenu définitif sur ce point, que le requérant n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'enfin, la décision attaquée, qui énonce que M. B...est obligé de quitter le territoire français " à destination du pays dont il revendique la nationalité ou tout autre pays où il établirait être légalement admissible ", détermine avec suffisamment de précision, contrairement à ce qui est soutenu, le pays de destination de son éloignement ; que dès lors, et en tout état de cause, cette décision n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. B...n'est par suite pas fondé à demander l'annulation de cette décision ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision fixant le pays de destination de l'éloignement de M.B... ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par le conseil de ce dernier au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 juillet 2016 est annulé en tant qu'il prononce l'annulation de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement de M.B....

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B...devant la juridiction dirigées contre la décision fixant le pays de destination de son éloignement sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le conseil de M. B...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B..., au ministre de l'intérieur et à Me D...C....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 14 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de la chambre,

- M. Michel Richard, président-assesseur,

- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 décembre 2017.

Le rapporteur,

Signé : C.-E. MINETLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°16DA02230 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02230
Date de la décision : 29/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : HERDEWYN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-12-29;16da02230 ?
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