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19/12/2017 | FRANCE | N°15DA00514

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 19 décembre 2017, 15DA00514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à l'indemniser des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C imputable à la transfusion de produits sanguins, d'ordonner une expertise afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé et chacun des préjudices résultant de sa contamination par ce virus, de lui allouer une

indemnité provisionnelle de 160 000 euros, à valoir sur la réparation des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à l'indemniser des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C imputable à la transfusion de produits sanguins, d'ordonner une expertise afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé et chacun des préjudices résultant de sa contamination par ce virus, de lui allouer une indemnité provisionnelle de 160 000 euros, à valoir sur la réparation des préjudices définitifs et de condamner l'ONIAM aux dépens et au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1201761 du 27 juin 2013, le tribunal administratif d'Amiens a, avant-dire droit sur la requête, prescrit une expertise médicale et alloué à Mme C... une provision de 12 000 euros.

Par un jugement n° 1201761 du 19 février 2015, le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme C... la somme de 37 397 euros en réparation de ses préjudices, sous déduction des provisions déjà versées, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2012 et capitalisation de ceux-ci, mis à la charge de l'ONIAM les frais et honoraires d'expertise et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mars 2015 et le 19 janvier 2016, Mme C..., représentée par la SELARL CabinetA..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 février 2015 en tant qu'il a limité à 37 397 euros la somme que l'ONIAM a été condamné à lui verser et rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 151 755 euros en réparation de ses préjudices avant consolidation, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2010 et capitalisation de ceux-ci ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me D...A..., représentant MmeC....

1. Considérant que MmeC..., alors âgée de quarante-huit ans et ayant subi en 1981 et 1985 trois interventions chirurgicales au cours desquelles des produits sanguins lui ont été administrés, s'est vu diagnostiquer en novembre 2000, le virus de l'hépatite C après avoir également été découverte porteuse du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) en 1989 pour laquelle elle a été indemnisée en 1992 par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles ; que Mme C...a saisi d'une demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale, l'ONIAM qui, après avoir estimé qu'il existait une présomption d'imputabilité au sens de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, lui a fait une offre d'indemnisation le 24 avril 2012, qu'elle a refusée ; que Mme C...demande la réformation du jugement du 19 février 2015 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a limité à 37 397 euros la somme que l'ONIAM a été condamné à lui verser et rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

Sur les obligations de l'ONIAM :

2. Considérant que l'origine transfusionnelle de la contamination de Mme C...par le virus de l'hépatite C n'est pas contestée ; qu'ainsi, en vertu des dispositions des articles L. 1221-14 et R. 1221-69 du code de la santé publique, l'ONIAM est tenu d'indemniser la requérante au titre de la solidarité nationale et non en qualité d'auteur responsable ;

Sur les préjudices constatés à la date de l'arrêt :

3. Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que l'état de santé de MmeC... n'est que stabilisé, et non consolidé du fait qu'il n'est pas insusceptible d'évoluer dans un sens favorable du fait de l'existence de nouveaux traitements ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de Mme C...:

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de Mme C...a nécessité l'aide d'une tierce personne non spécialisée à raison de cinq heures par semaine ; que l'expert précise également que l'intéressée a bénéficié d'un traitement pour le virus de l'hépatite C à compter du 1er août 2007 jusqu'au 1er août 2008 qui a, notamment, entraîné une asthénie majeure, une chute de cheveux, une perte de poids de dix kilos et a majoré le syndrome dépressif dont elle souffrait depuis 1989 en raison de la découverte de sa contamination par le VIH ; qu'il indique que l'intéressée a été obligée de prendre une femme de ménage de 2007 à 2010 ; qu'il résulte de ces éléments que l'état de santé de Mme C...a nécessité l'aide effective d'une tierce personne à raison de cinq heures par semaine pendant la période du 1er août 2007 au 1er août 2008 et non à compter de l'année 2000 comme le fait valoir la requérante ; qu'à compter du 1er août 2008 jusqu'à la date du présent arrêt, la complication majeure de la contamination de Mme C...par le virus de l'hépatite C consiste selon l'expert dans l'aggravation de son syndrome dépressif imputable seulement pour moitié à celle-ci ; qu'il y a ainsi lieu de fixer ce besoin d'assistance par une tierce personne à 2h30 par semaine pendant cette période jusqu'à la date du présent arrêt ; que compte-tenu de ces éléments et en se fondant sur un taux horaire de 13 euros, soit le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut, augmenté des cotisations sociales, correspondant au coût de l'aide non spécialisée que nécessitait l'état de santé de Mme C...à compter du 1er août 2007 jusqu'à la date du présent arrêt, il y a lieu d'allouer à MmeC... une somme de 3 380 euros pendant l'année du traitement, soit une durée de 52 semaines afin de tenir compte des congés payés et une somme de 15 911,07 euros pour la période postérieure au traitement ; que la somme allouée par les premiers juges à MmeC..., qui justifie n'avoir perçu ni la prestation de compensation du handicap, ni d'allocation pour adultes handicapés, doit, par suite, être portée à 19 291,07 euros ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux de MmeC... :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens, que dès la connaissance de sa contamination par le virus de l'hépatite C, soit le 4 novembre 2000, l'état dépressif de Mme C...s'est aggravé ; qu'à compter du 1er août 2007 et jusqu'au 1er août 2008, Mme C...a subi un déficit fonctionnel temporaire de 75 % lié au traitement de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que ce déficit fonctionnel temporaire a été évalué par l'expert à 50 % les six premiers mois suivant le traitement, et à 25 % pour les autres périodes et jusqu'à la date du présent arrêt ; que dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme C...qui inclut les troubles dans les conditions d'existence dont ne se distingue pas en l'espèce le préjudice d'agrément, en lui allouant respectivement les sommes de 9 840 euros pour la période du 4 novembre 2000 au 31 juillet 2007, 4 380 euros pour celle du 1er août 2007 au 31 juillet 2008, 1 464 euros pour celle du 1er août 2008 au 31 janvier 2009 et 12 972 euros pour celle allant du 1er février 2009 à la date du présent arrêt, soit une somme totale de 28 656 euros ;

S'agissant des souffrances endurées :

6. Considérant que l'expert n'a pas évalué l'intensité des souffrances physiques et morales endurées par MmeC... ; que le docteur Rey, qui a établi le 25 novembre 2013, une note technique sur les points non traités par l'expertise soumise au contradictoire, a évalué celles-ci à 4 sur une échelle allant de 1 à 7 ; qu'il résulte de l'instruction que Mme C...a subi pendant son traitement en novembre de l'année 2000 une asthénie majeure, des troubles du sommeil, de l'appétit et l'aggravation d'un syndrome dépressif imputable à 50 % à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que compte tenu de la nature de ces troubles à l'origine des souffrances physiques et psychiques subies et de leur persistance pendant de longues années, il y a lieu de porter la somme allouée par les premiers juges pour ce chef de préjudice à 6 000 euros ;

Sur les préjudices futurs :

7. Considérant que, dans le cas d'une pathologie évolutive insusceptible d'amélioration, l'absence de consolidation, impliquant notamment l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soit mise à la charge du responsable du dommage la réparation des préjudices matériels et personnels dont il est d'ores et déjà certain qu'ils devront être subis à l'avenir ; qu'en revanche, l'existence de traitements rendant possible une guérison fait obstacle à l'indemnisation des préjudices futurs, qui ne peuvent être regardés comme certains ;

8. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que l'état de santé de MmeC..., qui est encore porteuse du virus de l'hépatite C, ne peut être considéré ni comme consolidé, ni comme stabilisé et que l'apparition de nouveaux traitements efficaces et sans les effets secondaires de l'Interféron sont susceptibles de permettre sa guérison ; que ce rapport ne permet d'identifier aucun préjudice futur dont l'existence serait d'ores et déjà certaine ; que dès lors, Mme C...n'est fondée à demander ni l'indemnisation définitive de l'incidence professionnelle et d'un déficit fonctionnel permanent qui s'apprécient postérieurement à la consolidation, ni l'allocation d'une provision dès lors qu'en l'état du dossier, rien n'atteste de la persistance du préjudice indemnisé au-delà de la date du présent arrêt ; qu'il appartiendra à Mme C...de faire à nouveau valoir ses droits sur présentation de justificatifs médicaux si elle s'y estime fondée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à demander que la somme mise à la charge de l'ONIAM par le tribunal administratif d'Amiens en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C soit portée à 53 947,07 euros sous déduction des provisions déjà versées ;

Sur les intérêts et la capitalisation de ceux-ci :

10. Considérant que Mme C... a droit aux intérêts sur la somme qui lui est attribuée à compter du 18 juin 2010, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation, jusqu'à son paiement effectif ;

11. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend effet à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par Mme C... dans son mémoire enregistré le 13 novembre 2014 ; qu'à cette date, il était dû une année entière d'intérêts sur les sommes non versées au 13 novembre 2013 ; qu'il y a donc lieu de faire droit à cette demande à compter du 13 novembre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme C...est seulement fondée à demander que l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM par le jugement attaqué du tribunal administratif d'Amiens, en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C, d'un montant de 37 397 euros, soit portée à la somme de 53 947,07 euros, sous déduction des provisions déjà versées ; que l'appel incident de l'ONIAM doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mme C...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 37 397 euros mise à la charge de l'ONIAM par l'article 2 du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 février 2015 est portée à 53 947,07 euros, sous déduction des provisions déjà versées. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2010 et jusqu'à son paiement effectif et les intérêts seront capitalisés à la date du 13 novembre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'ONIAM versera à Mme C...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 1201761 du tribunal administratif d'Amiens du 19 février 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.

2

N°15DA00514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00514
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL CABINET MOR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-12-19;15da00514 ?
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