Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1401297 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 16 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 8 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;
3°) d'annuler la condamnation de l'Etat prononcée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'ordonner le remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens qui s'élèvent à 1 500 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., qui exploitait plusieurs parcelles dont il était propriétaire sur la commune d'Hénin-Beaumont, a perçu dans le cadre d'une cession de ces terrains à la société d'économie mixte (SEM) Artois développement / Adévia, 2 095 200 euros au titre du prix de cession de ces terrains et des indemnités d'éviction pour un montant de 744 960 euros en 2008 ; que l'administration a remis en cause l'application de l'exonération prévue par l'article 151 septies du code général des impôts à la plus-value réalisée dans le cadre de cette opération et mis à la charge de l'intéressé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes ; que, par un jugement du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a prononcé, à la demande de M.B..., la décharge de ces impositions ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Sous réserve des dispositions du VII, les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel (...) / II. - Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées (...) " ; qu'aux termes de l'article 1594-0 G du même code : " Sous réserve de l'article 691 bis, sont exonérés de taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement : / A. I. Lorsqu'elles entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, les acquisitions : / 1° De terrains nus ou recouverts de bâtiments destinés à être démolis ; / 2° D'immeubles inachevés ; / 3° Du droit de surélévation d'immeubles préexistants et d'une fraction du terrain supportant ceux-ci, proportionnelle à la superficie des locaux à construire. / II. Cette exonération est subordonnée à la condition : / 1° Que l'acte d'acquisition contienne l'engagement, par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte les travaux nécessaires, selon le cas, pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles, pour terminer les immeubles inachevés ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation, et qu'il précise le nombre, la nature et la destination des immeubles dont la construction est projetée ; 1° bis que soit produit un certificat d'urbanisme déclarant le terrain constructible ; 2° que l'acquéreur justifie à l'expiration du délai de quatre ans, sauf application des dispositions du IV, de l'exécution des travaux prévus au 1° et de la destination des locaux construits ou achevés, en précisant si ces locaux sont ou non affectés à l'habitation pour les trois-quarts au moins de leur superficie totale. " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts dans sa version alors applicable : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (...) / 6° Sous réserve du 7° : / a) Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ; (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. / Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. / 1. Sont notamment visés : / a) Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G ainsi que les indemnités de toute nature perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance, ou qui les occupent en droit ou en fait (...) " ;
En ce qui concerne la plus-value de cession :
4. Considérant que l'administration a remis en cause l'application de l'exonération prévue par l'article 151 septies du code général des impôts à la plus-value réalisée dans le cadre de la cession des terrains agricoles exploités par M. B...sur la commune d'Hénin-Beaumont à la SEM Artois développement Adevia au motif que les terrains concernés étaient des terrains à bâtir et que leur cession était ainsi imposable à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté par l'administration, que les parcelles dont M. B...était propriétaire étaient classées en zone 2AU du plan local d'urbanisme dont le règlement précise que cette zone correspond à une zone naturelle destinée à une urbanisation à plus ou moins long terme et qui pourra être ouverte à l'urbanisation lors d'une modification de ce plan ; que si cette zone comprend une friche dite " friche Saint-Henriette " dont l'urbanisation a commencé en 2012, cette circonstance, qui est postérieure à la date de l'opération de cession des terrains effectuée par M.B..., ne permet pas de regarder ces terrains en 2008 comme des terrains à bâtir ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a remis en cause l'exonération de la plus-value de cession de ces terrains sur le fondement de l'article 151 septies du code général des impôts précité ;
En ce qui concerne les indemnités d'éviction :
5. Considérant que l'administration a estimé que les indemnités d'éviction perçues par M. B...pour un montant de 744 960 euros constituaient une libéralité en raison du montant élevé de celles-ci au regard de celui proposé dans le cadre du protocole d'indemnisation des exploitants évincés du 16 mars 2007 ; que le ministre demande que ces libéralités soient imposées en tant que recettes exceptionnelles en totalité ou à défaut à hauteur de la somme de 744 960 euros en 2008 ; qu'il résulte de l'instruction que si le montant des indemnités d'éviction perçues par M. B...était élevé au regard de celui préconisé par le protocole d'indemnisation des exploitants agricoles évincés précité, cependant, il n'est pas établi, par cette seule circonstance, que ces indemnités n'auraient pas été versées en contrepartie de la perte des droits dont il était titulaire sur les parcelles concernées et que leur versement manifestait une intention libérale du cédant vis-à-vis du cessionnaire ; que dans ces conditions, et en l'absence de communauté d'intérêts entre l'intéressé et la SEM Artois développement / Adévia, l'administration n'apporte pas la preuve que ces indemnités n'avaient pas pour but de compenser la perte du droit de jouissance des parcelles que l'intéressé exploitait et constituaient ainsi une libéralité ; que ces indemnités d'éviction constituent des charges déductibles dès lors qu'elles concernent la cession d'actifs incorporels ;
6. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande en décharge de M.B... ; que, par voie de conséquence, les conclusions du ministre des finances et des comptes publics relatives au remboursement de la somme mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à M. B...;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A...B....
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°16DA00545