Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation des produits de l'océan Atlantique a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 15 avril 2013 tendant à l'annulation du titre de perception du 8 mars 2013 lui réclamant la somme de 61 873,12 euros au titre des aides versées entre le 15 avril et le 15 octobre 2000, d'annuler ce titre de perception, d'ordonner la décharge totale de la somme mise à sa charge en application de la décision de la Commission européenne 2005/239/CE du 14 juillet 2004 et du règlement (CE) n° 794/2004 du 21 avril 2004 et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur sa requête et d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur la validité de la décision de la Commission européenne n° 2005/239/CE du 14 juillet 2004 déclarant la mesure d'aide en faveur des pêcheurs incompatible avec le traité de Rome.
Par un jugement n° 1301063 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Rouen a déchargé la société exploitation produits océan Atlantique de l'obligation de payer la somme de 61 873,12 euros résultant du titre exécutoire du 8 mars 2013.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 29 juillet 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juin 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) de rejeter la demande de la société exploitation des produits de l'océan Atlantique présentée devant le tribunal administratif.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne devenu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE ;
- la décision n° 2005/239/CE de la Commission européenne du 14 juillet 2004 concernant certaines mesures d'aide mises à exécution par la France en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 20 octobre 2011 dans l'affaire C-549/09, Commission européenne contre France ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite du naufrage du navire " Erika " et de la tempête survenue en 1999, l'Etat français a accordé aux entreprises du secteur de la pêche maritime des aides sous forme d'allégements de cotisations sociales ; que, par une décision du 14 juillet 2004 n° 2005/239/CE, la Commission européenne a déclaré ces aides d'Etat incompatibles avec le marché commun ; que, par une décision C-549/09 du 20 octobre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a constaté que l'Etat français avait manqué à ses obligations en s'abstenant de procéder à la récupération des sommes correspondant à ces aides illégales ; que, pour exécuter ces décisions, l'Etat a émis le 8 mars 2013 un titre de perception pour une somme de 61 873,12 euros à l'encontre de la société exploitation des produits de l'océan Atlantique, pour des allégements de charges sur la période entre le 15 avril et le 15 octobre 2000 ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relève appel du jugement du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge de cette somme ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que pour accueillir le moyen tiré du vice de forme dont serait entaché le titre de perception, les premiers juges ont constaté que si l'autorité administrative justifiait, en défense, de la production d'un état des créances du 8 mars 2013 revêtu de la formule exécutoire, conformément à ce que prévoit l'application de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010, le nom et le prénom du signataire de cet état de créance étaient illisibles ; qu'en se référant aux dispositions du B du V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement ;
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif tiré de l'insuffisante motivation du titre de perception :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) " ; qu'ainsi, l'Etat ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour déterminer le montant de la créance ;
4. Considérant que le titre de perception en litige indique que le montant de 61 873,12 euros réclamé à la société correspond à " l'application de la décision de la Commission européenne n° 2005/239/CE du 14 juillet 2004 et du règlement (CE) n° 794/2004 du 21 avril 2004 " ; reversement des aides octroyées par la France aux entreprises de pêche suite au naufrage de l'Erika et à la tempête de décembre 1999 - aides versées entre le 15 avril et le 15 octobre 2000 ; que ces mentions ne permettaient pas à la société de connaître les modalités de calcul de la créance de l'Etat ; que si le ministre fait valoir que la société a été informée par un courrier du 28 février 2013 des bases de liquidation de la créance détenue par l'Etat, aucune référence à ce document et aux éléments de calcul qu'il comprenait ne figure sur le titre de perception du 8 mars 2013 ; que le titre de perception en litige ne satisfait pas aux dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 et est, par suite, insuffisamment motivé ;
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations en vigueur à la date du titre de perception : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. / Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; que si l'article L. 252 A du livre de procédures fiscales indique que les titres de perception que l'Etat délivre pour le recouvrement des recettes de toute nature constituent des titres exécutoires, le V de l'article 55 de la loi susvisée du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 alors applicable prévoit que : " (...) B. - Pour l'application du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation. " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour l'application de l'article 4 de loi du 12 avril 2000, tel que précisé par l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010, selon lequel le destinataire d'une décision administrative doit pouvoir constater que son auteur l'a signée, l'autorité administrative concernée, dans le cas où le titre de perception reçu par son destinataire n'est pas lui-même signé, peut justifier de cette signature en produisant un état revêtu de la formule exécutoire comportant la signature de l'ordonnateur ;
6. Considérant que le titre de perception en litige daté du 8 mars 2013 ne comporte pas les nom, prénom et qualité de la personne qui en est l'auteur et est dépourvu de signature ; que si l'administration produit, en appel, l'état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement, revêtu de la formule exécutoire, lequel comporte les nom, prénom, qualité et signature de son auteur, il résulte des dispositions précitées de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 que cet état récapitulatif n'a pu régulariser que le défaut de signature du titre de perception en litige et non l'absence, dans ce titre, des autres mentions obligatoires afférentes à la désignation de l'auteur fixées à l'alinéa 2 précité de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que, par suite, le titre de perception méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 14 du règlement n° 659/1999/CE du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'Etat membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée " décision de récupération "). La Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général du droit communautaire. / (...) /3. (...) la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'Etat membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. A cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les Etats membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire " :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le titre de perception en litige est insuffisamment motivé et qu'il méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que, toutefois, ces vices peuvent être régularisés par l'émission d'un nouveau titre de perception ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999/CE du 22 mars 1999, qui impliquent de concilier le respect des procédures prévues par le droit national avec l'exigence de permettre l'exécution effective et immédiate de la décision de la Commission, ne font pas obstacle, contrairement à ce que soutient le ministre, à la décharge de l'obligation de payer en litige ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a déchargé la société d'exploitation des produits de l'océan Atlantique de l'obligation de payer la somme de 61 873,12 euros résultant du titre exécutoire susvisé concernant les aides versées entre le 15 avril et le 15 octobre 2000 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société d'exploitation des produits de l'océan Atlantique d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société d'exploitation des produits de l'océan Atlantique une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à la société d'exploitation des produits de l'océan Atlantique.
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N°15DA01274
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N°"Numéro"