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17/10/2017 | FRANCE | N°15DA00865

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 15DA00865


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Meiser a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 12 mars 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir annulé la décision du 19 octobre 2012 de l'inspecteur du travail comme intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, a refusé de l'autoriser à licencier Mme G...A...D...pour motif économique.

Par un jugement n° 1303016 du

1er avril 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande et a mis à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Meiser a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 12 mars 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir annulé la décision du 19 octobre 2012 de l'inspecteur du travail comme intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, a refusé de l'autoriser à licencier Mme G...A...D...pour motif économique.

Par un jugement n° 1303016 du 1er avril 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande et a mis à la charge de la SARL Meiser, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... D... et non-compris dans les dépens.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2015, la SARL Meiser, représentée par Me C... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 1er avril 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 12 mars 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'il lui refuse l'autorisation de licencier Mme A...D... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...D...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me E...B..., substituant Me C...F..., représentant la SARL Meiser.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée Meiser est la filiale française d'un groupe familial d'origine allemande ayant pour activité principale la fabrication de caillebotis ; que, créée en 2007, elle disposait alors de quatre établissements, situés à Aucamville (Haute-Garonne), Béthune (Pas-de-Calais), Château-Thierry (Aisne) et Villers-la-Montagne (Meurthe-et-Moselle), comptait un effectif d'environ cent-dix salariés et avait fixé son siège social à Béthune ; que, toutefois, ayant rencontré des difficultés économiques liées notamment, dans le contexte d'une conjoncture économique dégradée, à un resserrement de la concurrence consécutif à une concentration des producteurs opérant sur le marché des caillebotis et sols industriels et à une modification des besoins de la clientèle, la SARL Meiser a été amenée à décider la fermeture, dès la fin de l'année 2008, du site d'Aucamville, puis, compte tenu d'une accentuation très significative de la dégradation des résultats de la société à compter de l'année 2011, malgré la mise en oeuvre de mesures de redressement destinés à réduire ses coûts structurels, à mettre en place un plan de départ volontaire ; que, cependant, en dépit de nouvelles mesures visant notamment à rationnaliser les coûts de la logistique, de mauvaises prévisions économiques pour l'année 2012 ont conduit la SARL Meiser à envisager une nouvelle réorganisation dans le but de sauvegarder sa compétitivité ; que, dans ce cadre, elle a décidé, d'une part, de centraliser l'ensemble des services administratifs et commerciaux, ainsi que le bureau d'études au siège de Béthune, dans le but de réduire ses coûts structurels et d'accroître sa réactivité, d'autre part, de fermer le site de Château-Thierry, qui générait des frais généraux substantiels, enfin, de recentrer l'activité de refendage de caillebotis sur le site détenu par le groupe à Limbach (Allemagne) et de fermer le site de Villers-la-Montagne, compte tenu de l'inadéquation de l'outil de production existant aux contraintes du marché ; qu'après avoir mis en oeuvre la procédure de consultation des organes de représentation du personnel sur ce projet, la SARL Meiser a sollicité, le 17 septembre 2012, de l'inspecteur du travail territorialement compétent, l'autorisation de licencier, pour motif économique Mme A...D..., qui avait refusé une modification de son contrat de travail consistant en une mutation sur le site du siège social de la société à Béthune et qui, recrutée le 13 janvier 2009, occupait en dernier lieu les fonctions de technico-commercial sédentaire sur le site de Château-Thierry et détenait le mandat de déléguée du personnel titulaire sur ce site ; que, par une décision du 19 octobre 2012, l'inspecteur de travail a refusé de délivrer cette autorisation ; que, se prononçant sur le recours hiérarchique formé par la SARL Meiser, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 12 mars 2013, annulé cette décision de l'inspecteur du travail pour une irrégularité de procédure et a refusé à son tour d'autoriser le licenciement de Mme A...D..., après avoir estimé que l'existence d'une menace pour la sauvegarde de la compétitivité du groupe auquel la SARL Meiser appartient n'était pas établie par les seuls éléments produits par cette dernière ; qu'à titre surabondant, le ministre a estimé, en outre, que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation légale de reclassement à l'égard de l'intéressée ; que la SARL Meiser relève appel du jugement du 1er avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir de cette décision ministérielle du 12 mars 2013, en tant qu'elle refuse de l'autoriser à licencier Mme A...D... ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. " ; que, lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique ; que si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

4. Considérant que, s'il ressort des pièces produites par la SARL Meiser en première instance que celle-ci a été à même de justifier, devant les membres du comité d'entreprise, au moyen d'une note économique accompagnée d'extraits de sa comptabilité, de la nécessité dans laquelle elle se trouvait de se réorganiser afin d'améliorer sa rentabilité pour faire face à des pertes récurrentes et à un marché plus concurrentiel, ce document, qui se borne à affirmer que les mesures envisagées ont pour objet la sauvegarde de la compétitivité du groupe et à renvoyer à des annexes chiffrées qui concernent exclusivement la SARL Meiser, n'est pas de nature à établir la réalité de la menace invoquée pour la compétitivité du secteur des caillebotis et sols industriels du groupe, alors au demeurant que ce document précise, dans sa présentation liminaire, que le groupe Meiser demeurait, à la fin de l'exercice 2011, le leader européen du marché des caillebotis, en détenant un peu plus de 36 % des parts de ce marché, après avoir réalisé un chiffre d'affaires de 250 millions d'euros ; que, si en réponse aux interrogations formulées le 25 avril 2012 par le comité d'entreprise, la SARL Meiser a ensuite produit à ce comité des éléments d'information complémentaires concernant la situation économique du groupe Meiser de 2007 à 2012, sous la forme d'un document qui présente une situation contrastée de l'évolution du chiffre d'affaires du groupe par pays, sans faire aucune mention de l'évolution des coûts de production sur la même période, et qui révèle que, globalement, le chiffre d'affaires réalisé par le groupe a, en 2011, retrouvé, et même sensiblement dépassé, le niveau qu'il avait atteint en 2008, ces nouveaux éléments ne permettent pas davantage d'établir l'existence d'une telle menace sur la compétitivité du secteur d'activité considéré de ce groupe, auquel appartient la société appelante ; que, dans ces conditions et alors même que le secteur français du bâtiment et le marché mondial des métaux ont, sur la même période, souffert d'une tendance à la baisse qui s'est confirmée au cours des années suivantes, la SARL Meiser n'est pas fondée à soutenir qu'en estimant que la réalité des raisons économiques invoquées pour justifier le licenciement de Mme A...D... n'étaient pas fondées, lequel motif était suffisant à justifier un refus d'autorisation de licenciement, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social se serait mépris dans l'appréciation à laquelle il s'est livré ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Meiser n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 1er avril 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à la charge de la SARL Meiser au titre des frais exposés par Mme A... D...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Meiser est rejetée.

Article 2 : La SARL Meiser versera à Mme A...D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Meiser, à Mme G...A...D...et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée, pour information, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00865
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOLUCIAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-10-17;15da00865 ?
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