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17/10/2017 | FRANCE | N°14DA01487

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 17 octobre 2017, 14DA01487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogea Nord, agissant tant en qualité de mandataire du groupement d'entreprises Rabot Dutilleul Construction-Sogea Nord qu'en son nom propre, ainsi que la société Rabot Dutilleul Construction ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Soprema, ou solidairement cette société et la société CET Apave, à leur verser la somme de 951 603,31 euros, ou, à défaut aux sociétés Sogea Nord et Rabot Dutilleul Construction, augmentée des intérêts au taux légal à compter

du 20 novembre 2007, eux-mêmes capitalisés, en réparation des préjudices subis du f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogea Nord, agissant tant en qualité de mandataire du groupement d'entreprises Rabot Dutilleul Construction-Sogea Nord qu'en son nom propre, ainsi que la société Rabot Dutilleul Construction ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Soprema, ou solidairement cette société et la société CET Apave, à leur verser la somme de 951 603,31 euros, ou, à défaut aux sociétés Sogea Nord et Rabot Dutilleul Construction, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2007, eux-mêmes capitalisés, en réparation des préjudices subis du fait de l'explosion d'une bouteille de gaz lors du chantier de construction du nouveau siège de la région Nord-Pas-de-Calais. Une " intervention " au soutien de cette demande a été présentée par la société Sogea Caroni et par la société Rabot Dutilleul Construction.

Par un jugement n° 0902626 du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande et n'a pas admis cette intervention.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2014 et un mémoire enregistré le 25 septembre 2015, la société Sogea Nord, agissant, d'une part, en qualité de mandataire du groupement d'entreprises Rabot Dutilleul Construction-Sogea Nord, d'autre part, en son nom personnel, la société Rabot Dutilleul Construction et la société Sogea Caroni, représentées par Me E...D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 17 juin 2014 ;

2°) de condamner la société Soprema Entreprises à leur verser la somme de 951 603,31 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2007 ;

3°) de mettre à la charge de la société Soprema Entreprises la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me G...B..., représentant la société Sogea Nord en qualité de mandataire du groupement d'entreprises Rabot Dutilleul Construction-Sogea Nord et en son nom propre, la société Sogea Caroni et la société Rabot Dutilleul Construction et de Me F... A..., représentant la société Soprema Entreprises ;

Une note en délibéré présentée par Me E...D...pour la société Sogea Nord en qualité de mandataire du groupement d'entreprises Rabot Dutilleul Construction-Sogea Nord et en son nom propre, la société Sogea Caroni et la société Rabot Dutilleul Construction a été enregistrée le 6 octobre 2017.

1. Considérant que, dans le cadre de la construction du nouveau siège de la Région Nord-Pas-de-Calais, le groupement d'entreprises constitué de la société Sogea Nord et de la société Rabot Dutilleul s'est vu confier le lot " gros oeuvre structure " en 2003 ; que pour la phase n° 1 du marché, le lot D " étanchéité-toiture-terrasse-jardin " a été confié à la société Soprema Entreprises ; que les missions de contrôle technique de la construction et de coordination sécurité-protection-santé ont été confiées à la société Cete Apave, devenue Apave Nord-Ouest ; que, le 22 juillet 2005, lors de la première phase de réalisation des travaux, un accident est survenu du fait de l'explosion d'une bouteille de gaz au fond du patio n° 2 de l'aile nord du nouvel hôtel de région, alors que les préposés de la société Soprema procédaient à l'étanchéisation de ce patio ; que, par ordonnance du 9 septembre 2005, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a désigné M. C...en qualité d'expert, afin de permettre l'identification des causes du sinistre, la détermination des responsabilités de chaque intervenant sur le chantier et l'évaluation des préjudices causés à ces intervenants ; que l'expert a déposé son rapport le 20 janvier 2007 ; que la société Sogea Nord, en son nom propre et en qualité de mandataire du groupement d'entreprises Rabot Dutilleul Construction-Sogea Nord, et la société Rabot Dutilleul, en son nom propre, ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Soprema, ou de condamner solidairement la société Soprema et le Cete Apave à leur verser la somme de 951 603,31 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2007 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis ; que par un jugement du 17 juin 2014, le tribunal administratif a rejeté cette demande et n'a pas admis " l'intervention " présentée par la société Sogea Caroni et la société Rabot Dutilleul Construction ; que la société Sogea Nord, agissant, d'une part, en qualité de mandataire du groupement d'entreprises Rabot Dutilleul Construction-Sogea Nord, d'autre part, en son nom personnel, la société Rabot Dutilleul Construction ainsi que la société Sogea Caroni font appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus (...) " ; que les visas du jugement mentionnent de manière erronée que le tribunal administratif de Lille (2ème chambre) a entendu " les conclusions de M. Huguen, rapporteur public ", les conclusions ayant été prononcées en réalité par un autre rapporteur public ; que, dans ces conditions, et même si le nom de ce dernier figure dans l'en-tête du jugement, celui-ci est irrégulier et doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens contestant sa régularité ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par les parties devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

Sur l'exception de désistement opposée par la société Soprema Entreprises :

4. Considérant que la société Sogea Nord ne s'est pas désistée expressément de sa demande ; que si la société Sogea Caroni a indiqué, dans ses propres écritures, qu'elle venait aux droits de la société Sogea Nord, cette dernière a présenté ensuite de nouvelles écritures ; que, dans ces conditions, l'exception de désistement opposée par la société Soprema Entreprises doit être écartée ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance en tant qu'elle est présentée par la société Sogea Nord agissant pour le compte de l'ensemble des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre :

5. Considérant que la demande de première instance tend, sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle, à la condamnation d'autres sociétés participantes à l'opération de travaux publics ; que si la société Sogea Nord soutient qu'elle agit en qualité de mandataire du groupement solidaire constitué entre elle-même et la société Rabot Dutilleul, la représentation des membres d'un tel groupement ne s'étend pas à l'engagement d'une action quasi-délictuelle à l'encontre d'une autre entreprise, même participante à l'opération de travaux publics ; qu'en l'espèce, si la société Sogea Nord et la société Rabot Dutilleul ont constitué, le 1er octobre 2003, une société en participation, celle-ci a uniquement pour objet, selon l'article 2 de ses statuts, " la recherche, l'étude, l'obtention et l'exécution en commun des travaux de gros-oeuvre du siège de la région Nord-Pas-de-Calais, au cas où ces travaux seraient confiés par la région Nord-Pas-de-Calais à l'un et l'autre des associés ci-dessus désignés et les travaux ultérieurs de même nature qui seraient considérés d'un commun accord entre eux comme le prolongement du marché ", cet article précisant que " en dehors de cet objet, aucun affectio societatis n'existera entre les associés " ; qu'en outre, l'article 6 de ces statuts, intitulé " mandataire ", se borne à énoncer que la société Sogea Nord est la mandataire du groupement solidaire ; que, dans ces conditions, les statuts de cette société en participation ne peuvent, en tout état de cause, être regardés comme autorisant la société Sogea Nord à engager, pour le compte de la société Rabot Dutilleul, une action quasi-délictuelle contre un tiers ; que, par ailleurs, une société en participation ne bénéficie pas de la personnalité morale et ne peut donc ester en justice ; qu'il résulte de ce qui précède que la demande de première instance est irrecevable en tant que la société Sogea Nord entend agir à la fois pour son compte et pour le compte de la société Rabot Dutilleul ;

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires présentées en première instance par les sociétés Rabot Dutilleul et Sogea Caroni et sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité :

6. Considérant que l'" intervention " présentée devant le tribunal administratif doit, eu égard à son objet, être requalifiée en une demande indemnitaire présentée, d'une part, par la société Rabot Dutilleul, d'autre part, par la société Sogea Caroni ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, tant devant le tribunal administratif que devant la cour, les trois sociétés requérantes se bornent à solliciter le versement d'une somme globale sans procéder à une individualisation des préjudices qu'elles estiment avoir subis ; qu'elles ne peuvent utilement se prévaloir de l'article 10 des statuts de la société en participation mentionnée au point 5 ci-dessus, cet article se bornant à prévoir les modalités de répartition des bénéfices ou des pertes résultant de l'exécution du marché ; que, dans ces conditions, le préjudice subi par chacune des entreprises membres du groupement de maîtrise d'oeuvre n'est pas justifié ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le point de savoir si la société Sogea Nord peut encore se prévaloir d'une créance compte tenu de l'opération de scission ayant abouti à la naissance de la société Sogea Caroni, leurs conclusions tendant à la condamnation de la société Soprema, ou à la condamnation solidaire de la société Soprema et du Cete Apave à leur verser la somme de 951 603,31 euros, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la société Soprema Entreprises :

8. Considérant qu'aucune condamnation n'étant mise à la charge de la société Soprema Entreprises, les conclusions par lesquelles celle-ci demande à être garantie par la société Apave Nord-Ouest des condamnations qui seraient mises à sa charge sont sans objet ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les demandes de la société Sogea Nord, de la société Rabot Dutilleul et de la société Sogea Caroni ne peuvent qu'être rejetées ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune de ces sociétés, au titre de ces mêmes dispositions, le versement à la société Soprema Entreprises de la somme de 500 euros ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la société Apave Nord-Ouest ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 juin 2014 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Sogea Nord, la société Rabot Dutilleul Construction et la société Sogea Caroni devant le tribunal administratif de Lille et devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La société Sogea Nord, la société Rabot Dutilleul Construction et la société Sogea Caroni verseront chacune à la société Soprema Entreprises la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Apave Nord-Ouest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sogea Nord, à la société Rabot Dutilleul Construction, à la société Sogea Caroni, la société Apave Nord-Ouest et la société Soprema Entreprises.

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N°14DA01487


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA01487
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET HOLMAN FENWICK WILLAN FRANCE LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-10-17;14da01487 ?
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