Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 septembre 2015 par lequel le préfet de l'Eure l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ainsi que la décision du même jour portant rétention de son passeport.
Par un jugement n° 1600792 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2016, M.D..., représenté par Me A...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et de lui restituer son passeport dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant qu'en indiquant que la décision du 8 septembre 2015 portant rétention du passeport de M. D...comportait l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionnait que l'intéressé faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sous un délai d'un mois et que son passeport lui serait remis lors de son départ du territoire, pour en conclure que cette décision était suffisamment motivée, le tribunal a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que cette décision était motivée de manière stéréotypée ; que, par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer sur un tel moyen doit être écarté ;
2. Considérant qu'il ressort de la minute du jugement produite avec les pièces du dossier de première instance que cette décision a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier ; qu'elle est ainsi conforme aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifié à M. D...ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur sa régularité ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 751-2 du même code : " Les expéditions des décisions sont signées et délivrées par le greffier en chef ou, au Conseil d'Etat, par le secrétaire du contentieux " ;
4. Considérant que les modalités de notification d'un jugement sont sans conséquence sur sa régularité ; que les irrégularités les affectant sont seulement susceptibles d'empêcher le délai d'appel de courir ; qu'est ainsi inopérante, en tout état de cause, la circonstance que l'expédition du jugement reçue par M. D...n'aurait pas été signée par le greffier en chef du tribunal administratif ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation particulière de M. D... ;
6. Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention d'une obligation de quitter le territoire français, de la décision pouvant être prise à cette occasion de ne pas accorder à l'étranger de délai pour y satisfaire, de l'interdiction de retour sur le territoire français et de la décision mentionnant le pays de destination ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, aujourd'hui codifié à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce code, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure n'aurait pas respecté le principe du contradictoire doit être écarté ;
7. Considérant que M. D...déclare être entré irrégulièrement en France en 2013 afin de s'y installer ; que sa situation sur le territoire français a été découverte à l'occasion d'un contrôle routier, le 8 septembre 2015 ; que l'intéressé a alors déclaré n'avoir jamais sollicité de titre de séjour et vivre avec une ressortissante française qui l'héberge et subvient à ses besoins ; que, pour démontrer l'existence d'une vie familiale, il justifie avoir reconnu le 22 décembre 2014 le fils de cette dernière, né le 22 mars 2007, et produit une facture d'énergie à leurs deux noms de juillet 2015, soit deux mois seulement avant la mesure en litige ; que ces circonstances étaient toutefois récentes et peu probantes à la date de la décision attaquée ; qu'en outre, la déclaration d'exercice en commun de l'autorité parentale, faite le 24 septembre 2015, et la convention de pacte civil de solidarité, souscrite le 4 janvier 2016, sont postérieures à l'arrêté en litige ; qu'il ne dispose d'aucune autre attache familiale en France et ne fait pas état de ressource propre sur le territoire ; qu'ainsi, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la mesure en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) " ;
9. Considérant que M.D..., s'il a reconnu, le 22 septembre 2014, l'enfant de sa compagne né en 2007, ne justifie pas contribuer à son entretien et à son éducation depuis au moins deux années à la date de la décision attaquée ; que, dès lors, le préfet de l'Eure pouvait légalement décider d'éloigner M. D...du territoire français sans qu'y fassent obstacle les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe d'égalité entre enfant biologique et enfant adopté alors qu'en tout état de cause, il n'a pas eu recours à une procédure d'adoption ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité ;
En ce qui concerne la retenue de son passeport :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu " ;
12. Considérant que le préfet de l'Eure a porté à la connaissance de M. D...sa décision de procéder à la retenue de son passeport en lui remettant un document intitulé " récépissé valant justification d'identité " ; que ce document indique que le passeport de l'intéressé a été retenu en vertu de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de sa situation irrégulière sur le territoire et dès lors qu'il lui est fait obligation, par un arrêté du même jour, de quitter la France dans un délai de trente jours ; que, dès lors, la décision de rétention du passeport est suffisamment motivée ;
13. Considérant que le récépissé remis à M.D..., qui comporte la date du 8 septembre 2015, indique à l'intéressé que son passeport lui sera restitué le jour de son départ par l'intermédiaire des services de la police aux frontières ; qu'en outre, il comporte les mentions requises par les dispositions de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prévoient ni l'apposition d'une photo, ni l'annexion d'une copie du passeport retenu au récépissé délivré ; que, dès lors, et en tout état de cause, le moyen tiré de l'illégalité d'un tel récépissé doit être écarté ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que du fait de son refus de regagner le Cameroun et alors que son passeport retenu par l'administration devait lui être, conformément aux dispositions de l'article L. 611-2 précité, remis à l'aéroport avant l'embarquement, M. D...ne peut être regardé comme ayant été privé de manière illégale de sa liberté d'aller et venir ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées par son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...B....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
N°16DA01387 2