Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juillet 2016, 15 novembre 2016, 11 janvier 2017 et 16 janvier 2017, la société Leptir, représentée par Me C...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire, valant autorisation d'exploitation commerciale, délivré le 15 juin 2016 par le maire de Laon à la société Lidl pour la construction d'un supermarché 161-165 avenue Pierre Mendès-France ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me C...A..., représentant la société Leptir, de Me D...B..., représentant la SNC Lidl, et de Me E...F..., représentant la commune de Laon.
Sur les fins de non-recevoir :
En ce qui concerne la portée des conclusions :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date à laquelle a été délivré le permis de construire attaqué : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) " ;
2. Considérant qu'au regard de l'ensemble de son argumentation, la société Leptir doit être regardée comme demandant l'annulation du permis de construire délivré à la société Lidl par le maire de Laon le 15 juin 2016 en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale du magasin pour lequel la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis favorable le 6 avril 2016 ;
En ce qui concerne l'intérêt donnant qualité pour agir :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.-Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, (...), tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet (...) peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Leptir, qui exploite un supermarché à l'enseigne Intermarché situé dans la zone de chalandise du projet contesté, a la qualité de concurrent au projet et a, au demeurant en application des dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce précité, saisi la Commission nationale d'aménagement commercial d'un recours à l'encontre de l'avis favorable exprimé le 24 novembre 2015 par la commission départementale d'aménagement commercial de l'Aisne au transfert et à l'extension d'un supermarché exploité à Laon par la SNC Lidl ; que, par suite, elle est au nombre des personnes qui ont intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en application des dispositions de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme citées au point précédent ;
En ce qui concerne la production de la décision attaquée :
5. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, la requête doit être accompagnée de la copie de la décision attaquée ;
6. Considérant que la société Leptir a joint à sa requête la décision attaquée ; qu'elle a, en outre, produit à l'appui de ses conclusions l'avis précité du 6 avril 2016 de la Commission nationale d'aménagement commercial ;
7. Considérant qu'il résulte des points précédents que les fins de non-recevoir opposées par la société Lidl à la requête de la société Leptir ne peuvent être accueillies ;
Sur la violation des dispositions de l'article L. 111-6-1 du code de l'urbanisme :
8. Considérant qu'en vertu de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme dont les dispositions ont été citées au point 3, les moyens relatifs à la régularité du permis attaqué en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de conclusions présentées par un concurrent qui a introduit un recours pour excès de pouvoir dirigé contre ce même permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ;
9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-6-1 du code de l'urbanisme, lequel concerne la détermination de la surface maximale susceptible d'être affectée à un parc de stationnement, relève de la légalité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire ; que le recours pour excès de pouvoir ayant été, ainsi qu'il a été dit au point 4, introduit par un concurrent dans les conditions du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme, un tel moyen doit, par suite, être écarté comme irrecevable en application de ces mêmes dispositions ;
Sur le respect des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / (...) / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;
En ce qui concerne l'objectif d'aménagement du territoire :
S'agissant de la localisation du projet et de son intégration urbaine :
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet est situé à 500 mètres du centre de la ville de Laon, dans la zone industrielle du Chambry, en continuité du bâti existant, à 200 mètres du supermarché actuellement exploité par la SNC Lidl ; que de nombreux magasins à grande surface, dont celui exploité par la requérante, sont implantés dans le même secteur ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet, qui occupera une friche industrielle et contribuera à la mise en valeur d'un quartier industriel en déshérence, conduise nécessairement à la création d'un délaissé de zone important susceptible de faire naître une friche ; que le supermarché envisagé est relié au coeur de la ville par l'avenue Pierre Mendès-France qui constitue l'une des principales artères de la commune ; que la Commission nationale a été tenue informée des projets de réaffectation du terrain occupé actuellement par le pétitionnaire, dont il n'est pas établi qu'il serait exposé à devenir une friche commerciale ; que la légalité du permis de construire n'est pas subordonnée à la concrétisation de ces projets qui donnent lieu à des discussions avec des acquéreurs éventuels ; que, par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du a) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
S'agissant de la consommation économe de l'espace :
13. Considérant que la superficie totale du bâti est de 2 524 m² dont 1421 m² consacrés à la vente ; qu'il comporte la création de 153 places de stationnement sur une superficie de 1 850 m² ; qu'il n'existe pas de disproportion manifeste entre la surface occupée par les espaces extérieurs, celle des bâtiments et la fréquentation attendue qui correspond à celle d'une moyenne surface alimentaire ; que, par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du b) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
S'agissant de l'animation de la vie urbaine :
14. Considérant que la société requérante se borne à faire valoir que le passage d'une surface de vente de 700 à 1 421 m² aura nécessairement une répercussion sur le tissu local en raison d'une gamme de produits plus étendue et d'une plus grande attractivité sans justifier en quoi cette extension, au demeurant modeste, du supermarché existant portera atteinte à l'animation de la vie urbaine ; que la loi n'implique pas que le critère de contribution à l'animation de la vie urbaine ne puisse être respecté que par une implantation en centre-ville ; que, par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du c) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
S'agissant de l'effet du projet sur les flux de transports et sur l'accessibilité :
15. Considérant que la société Lidl estime à 135 véhicules / heure l'affluence de la clientèle au nouveau magasin, qui pourra atteindre 170 véhicules aux heures de pointe ; que s'il n'est pas contesté que la circulation sur l'avenue Pierre Mendès-France (RD 51) est assez chargée, avec un trafic de près de 16 000 véhicules par jour, il ne résulte d'aucune pièce du dossier, et notamment de l'étude de trafic réalisée par le pétitionnaire et des avis exprimés par les administrations concernées, que cet axe ne serait pas en mesure de prendre en charge l'augmentation modeste du trafic automobile que pourrait entraîner l'extension limitée de la surface de vente de l'établissement ; que le ministre en charge du commerce a, au demeurant, relevé, dans son avis, que ce magasin sera facilement accessible par un axe urbain important ; que le président du conseil départemental, responsable de la voirie a exprimé un avis favorable sur les conditions de desserte ; qu'il n'est pas établi que l'accès au magasin sera particulièrement dangereux en l'absence d'aménagements spéciaux en dépit de l'intensité du trafic sur cette avenue ; que le projet est desservi par deux arrêts de bus urbain ; que l'absence de piste cyclable et de cheminement pour piétons ne permet pas à elle seule de considérer que le projet ne satisfait pas aux objectifs fixés par le législateur ; que, par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du d) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
En ce qui concerne l'objectif d'aménagement durable :
S'agissant de la qualité environnementale et l'imperméabilisation des sols :
16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet s'installera sur le site d'une ancienne friche industrielle, autrefois occupée par des silos, déjà partiellement imperméabilisé ; qu'il ne contribuera donc pas à l'imperméabilisation d'un sol naturel dans des proportions significatives ; qu'en outre, 132 des 153 places de stationnement sont perméables, des noues paysagères et des espaces végétalisés sont prévus sur 30 % de la surface du projet et il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier que le maintien d'une superficie imperméabilisée présenterait des risques particuliers pour les terrains environnants ; qu'en particulier, les eaux de pluie, après dépollution par un séparateur à hydrocarbures, seront dirigées vers un bassin d'infiltration ou rejetées vers le réseau public ; que la société Leptir ne saurait, par ailleurs, utilement se prévaloir de la méconnaissance du plan local d'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du critère du a) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce sur ce point doit être écarté ;
S'agissant de l'insertion paysagère et la qualité architecturale du projet :
17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le nouveau bâtiment, un parallélépipède à la surface vitrée, sera entouré d'espaces végétalisés et de nombreuses plantations ; que le parti pris architectural retenu ne porte pas atteinte au caractère du quartier qui ne présente aucun intérêt architectural ou paysager particulier ; qu'il ressort des avis exprimés que le projet contribuera à la réhabilitation d'une zone industrielle en déshérence ; que la seule circonstance que les concepteurs du projet n'auraient pas eu recours à des matériaux caractéristiques des filières de production locales ne permet pas à elle seule de considérer que le projet ne satisfait pas aux objectifs fixés par le législateur ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du critère du b) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce sur ce point doit être écarté ;
En ce qui concerne l'objectif de protection du consommateur :
S'agissant de l'accessibilité :
18. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points 12 et 15, le nouveau magasin, desservi par une grande avenue, se situe en zone urbaine à environ 500 mètres du centre-ville ; que la circonstance qu'en l'absence de piste cyclable et de cheminement pour piétons, la clientèle se rendra au magasin en voiture ne suffit pas à compromettre l'objectif d'accessibilité fixé par le législateur ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du critère du a) du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce sur ce point doit être écarté ;
S'agissant de la variété de l'offre :
19. Considérant que, pour répondre à l'objectif de protection du consommateur, les commissions d'aménagement commercial prennent en considération " la variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ", en vertu du c) du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce ; qu'une insuffisance en ce domaine ne suffit pas à elle seule à justifier un rejet de la demande, s'agissant notamment d'un supermarché alimentaire de taille relativement modeste dont l'offre est orientée vers la satisfaction des besoins quotidiens d'une clientèle locale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Leptir n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Leptir présentées sur leur fondement ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Leptir, partie perdante, la somme de 1 500 euros à verser à la SNC Lidl et la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Laon sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Leptir est rejetée.
Article 2 : La société Leptir versera à la SNC Lidl une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La société Leptir versera à la commune de Laon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Leptir, à la SNC Lidl, à la commune de Laon et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
N°16DA01374 2