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21/09/2017 | FRANCE | N°16DA01814

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 21 septembre 2017, 16DA01814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 avril 2016 de la préfète du Pas-de-Calais ayant ordonné son transfert aux autorités hongroises.

Par un jugement n° 1605398 du 29 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cette décision de transfert et a rejeté le surplus des conclusions de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2016,

la préfète du Pas-de-Calais, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 juillet 2016 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 avril 2016 de la préfète du Pas-de-Calais ayant ordonné son transfert aux autorités hongroises.

Par un jugement n° 1605398 du 29 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cette décision de transfert et a rejeté le surplus des conclusions de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2016, la préfète du Pas-de-Calais, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 juillet 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande de M.B... ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 2000- 321 du 12 avril 2000 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) " ;

2. Considérant alors même qu'un Etat membre de l'Union européenne est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que les documents d'ordre général tels que ceux cités par M.B..., ressortissant afghan, dans ses écritures notamment le rapport de décembre 2011 du Comité Helsinki hongrois, le rapport mondial 2012 d'Human Rights Watch et les critiques d'avril 2012 du Haut commissariat aux réfugiés ne peuvent suffire à établir que le transfert d'un demandeur d'asile vers la Hongrie serait, par lui-même, constitutif d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'en outre, si M. B...fait valoir que, lors de son passage en Hongrie, il a reçu des coups portés par la police hongroise et qu'il a été retenu dans des conditions indignes, il ne produit aucun élément probant permettant d'apprécier, d'une part, la véracité de ses allégations et, d'autre part, qu'il existerait un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'après son transfert, il risquerait de subir des mauvais traitements incompatibles avec les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, en décidant de prononcer le transfert de M. B...aux autorités hongroises compétentes, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé pour ce motif l'arrêté du 18 avril 2016 prononçant le transfert de M. B...aux autorités hongroises ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant la juridiction administrative ;

4. Considérant que, par un arrêté n°2016-11-178 du 8 février 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais n°11 du 8 février 2016, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...A..., sous-préfet de Calais, à l'effet de signer notamment les " décisions de transfert prévues à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;

5. Considérant que l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté doit être écarté ;

6. Considérant que, par les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles renvoie le premier alinéa de l'article L. 531-2 du même code sur lequel s'est fondé la préfète du Pas-de-Calais le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger sa remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ; que, dès lors, l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...) ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite (...) ; / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui a présenté une demande d'asile auprès de la sous-préfecture de Calais le 28 janvier 2016, a bénéficié le même jour d'un entretien individuel confidentiel, à l'occasion duquel il s'est vu remettre les brochures relative au règlement Dublin III, en langue pachtou qu'il a déclaré comprendre, dont les copies versées au dossier comportent sa signature ; que par ailleurs, la préfète n'avait pas à l'informer de quelque risque que ce soit, au regard de l'Etat membre auprès duquel il pourrait être transféré ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 cités au point précédent doit être écarté ;

9. Considérant qu'à l'occasion de cette demande d'asile, il est apparu que les empreintes digitales de M.B..., enregistrées dans le fichier Eurodac, avaient été prises en Hongrie le 13 août 2015, où il a été identifié comme relevant de la catégorie 1 de ce fichier, qui est celle des demandeurs d'asile ; que si M. B...fait notamment valoir qu'une telle demande aurait été présentée contre son gré, il n'apporte pas d'élément probant permettant de tenir pour acquises de telles allégations ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commis la préfète du Pas-de-Calais en décidant sa remise à la Hongrie doit être écarté ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. (...) " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a eu communication du guide du demandeur d'asile ainsi que les brochures A et B, lesquelles comportent l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, en tout état de cause, être écarté ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " ; que la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile ; qu'il en résulte que le préfet n'est pas tenu de justifier, dans l'arrêté en litige, des raisons pour lesquelles il décide de ne pas en faire application ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas de la documentation publique disponible qu'à la date de l'arrêté en litige, les procédures hongroises d'accueil et d'examen des demandes d'asile auraient présenté des défaillances systémiques au sens des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 précité ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3.2 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés ;

13. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 1, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en décidant la remise de M. B...aux autorités hongroises ; que si le requérant soutient qu'il pourrait faire l'objet d'une mesure de refoulement de la Hongrie vers l'Afghanistan, ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ; qu'au surplus, il se limite à évoquer ces refoulements comme une hypothèse ; que dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance indirecte de ces stipulations doit être écarté ;

14. Considérant que M. B...ne peut utilement soutenir que l'absence de notification d'une décision explicite de refus d'examen de sa demande d'asile en France constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile dès lors, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, en application des dispositions précitées, l'examen de sa situation ne relevait pas des autorités françaises mais de celles de la Hongrie ;

15. Considérant que le moyen tiré de ce que la préfète n'aurait pas satisfait aux conditions d'accueil auxquelles M. B...pouvait prétendre est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre de la décision attaquée ;

16. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 18 avril 2016 ; que le jugement du 29 juillet 2016 doit donc être annulé et la demande de M.B... rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1605398 du 29 juillet 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

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N°16DA01814

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01814
Date de la décision : 21/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-09-21;16da01814 ?
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