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21/09/2017 | FRANCE | N°16DA01119

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 21 septembre 2017, 16DA01119


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 mars 2016 par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prescrit son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1602205 du 22 mars 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal admi

nistratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 mars 2016 par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prescrit son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1602205 du 22 mars 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2016 et le 11 juillet 2016, M. B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 22 mars 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 17 mars 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

1. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M.B..., ressortissant ukrainien, de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée ;

2. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il incombe à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de se prononcer sur les demandes d'asile dont il est saisi ; qu'aux termes de l'article L. 723-2 de ce code : " (...) / II. - L'office peut, de sa propre initiative, statuer en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur a présenté de faux documents d'identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin de l'induire en erreur ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ; / 2° Le demandeur n'a soulevé à l'appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d'asile qu'il formule ; / 3° Le demandeur a fait à l'office des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d'origine. / III. - L'office statue (...) en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : / (...) / 4° Le demandeur ne présente une demande d'asile qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; / (...) / V. - Dans tous les cas, l'office procède à un examen individuel de chaque demande dans le respect des garanties procédurales prévues au présent chapitre. (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 741-1 du même code : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. " ; qu'aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. " et qu'aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / 1° L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d'irrecevabilité en application des 1° ou 2° de l'article L. 723-11 ; / 2° Le demandeur a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 723-12 ; / 3° L'office a pris une décision de clôture en application de l'article L. 723-13. L'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 723-14 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; / 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; / 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / 6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. / Les conditions de renouvellement et de retrait de l'attestation de demande d'asile sont fixées par décret en Conseil d'Etat. " ;

4. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que seuls les ressortissants étrangers entrant dans l'un des cas limitativement énumérés par les dispositions dérogatoires de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peuvent se voir légalement refuser la délivrance de l'attestation de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour visée à l'article L. 741-1 de ce code ;

5. Considérant que, si M. B...soutient qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avant que la Cour nationale du droit d'asile ne se soit prononcée sur l'appel qu'il avait formé contre le refus de lui reconnaître le statut de réfugié, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que ce refus lui a été opposé par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 1er avril 2016, soit à une date postérieure à celle à laquelle l'arrêté contesté du 17 mars 2016, par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français, a été pris, d'autre part, que l'intéressé n'a formé sa demande d'asile, selon les mentions mêmes de cette décision de refus, que le 29 mars 2016, soit à une date également postérieure à celle de cet arrêté ; qu'il suit de là et des principes qui viennent d'être rappelés au point précédent que le recours introduit par M. B... contre le refus d'asile qui lui a été opposé est dépourvu d'incidence sur la légalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, mais qu'il fait seulement obstacle à la mise à exécution de celle-ci jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile y ait statué ; que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté, sans qu'ait d'incidence le fait que, par un autre jugement du 8 avril 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 24 mars 2016 par lequel la préfète du Pas-de-Calais a prescrit le maintien de M. B... en rétention administrative ;

6. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit au point précédent, M.B..., qui n'avait pas encore formé de demande d'asile à la date à laquelle l'arrêté du 17 mars 2016 en litige a été pris, ne peut utilement se prévaloir, au soutien des conclusions qu'il dirige contre la décision, contenue dans cet arrêté, lui faisant obligation de quitter le territoire français, de la qualité de demandeur d'asile, ni des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés prohibant l'éloignement de ressortissants étrangers ayant sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié vers des pays où leur vie ou leur liberté serait menacée ;

7. Considérant qu'au soutien de son moyen tiré de ce que la préfète du Pas-de-Calais aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle de l'obligation de quitter le territoire français prise à son égard, M. B...ne peut utilement invoquer les risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, dès lors que cette mesure d'éloignement, qui ne vise aucun pays de destination, n'implique pas, par elle-même, qu'il regagne l'Ukraine ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. Considérant que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C 166/13 du 5 novembre 2014) rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction administrative française, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par M.B..., qu'il a été entendu par les services de police le 17 mars 2016, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, les raisons et conditions de son entrée en France, les ressources dont il dispose, ainsi que ses conditions d'hébergement ; que M. B...a eu, ainsi, la possibilité, au cours de cet entretien, de formuler des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre et, le cas échéant, de faire connaître son intention de solliciter l'asile, ce qu'il n'a fait qu'après le prononcé de l'obligation de quitter le territoire français en litige ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté du 17 mars 2016 en litige que ceux-ci mentionnent, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la détermination du pays de renvoi, la nationalité de M. B...et que celui-ci n'établit pas qu'il serait personnellement exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi rédigés, ces motifs doivent être regardés comme comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision fixant le pays à destination duquel M. B... pourra être reconduit d'office ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté ;

10. Considérant que M. B...n'apporte aucune précision, ni aucun élément probant au soutien de ses allégations selon lesquelles il risquerait, en cas de retour dans son pays d'origine, d'y encourir des mauvais traitements du fait de son insoumission à l'obligation de conscription à laquelle il indique être contraint et de s'y voir considérer comme un opposant politique ; qu'au demeurant, la demande d'asile qu'il a formée en invoquant ces risques a été rejetée par une décision du 1er avril 2016 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a estimé que les allégations et pièces étaient dépourvues de caractère convaincant ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que, pour désigner l'Ukraine comme le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, la préfète du Pas-de-Calais a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me C...D....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.

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N°16DA01119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01119
Date de la décision : 21/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : JOURNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-09-21;16da01119 ?
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