Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G...E...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de condamner le département de l'Eure à lui verser une somme globale de 315 090 euros à titre de réparation des préjudices moral, de santé et financier qu'elle estime avoir subis en raison de la discrimination et du harcèlement moral dont elle indique avoir été l'objet dans le cadre de l'exercice de ses fonctions d'assistante familiale, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le président du conseil général de l'Eure a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et de faire injonction au département de l'Eure de lui accorder cette protection.
Par un jugement nos 1401541, 1401767 du 24 février 2015, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint ces demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 avril 2015, le 21 septembre 2015, le 22 octobre 2015, le 9 novembre 2015 et le 7 avril 2016, MmeE..., représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 24 février 2015 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fins indemnitaires ;
2°) de condamner le département de l'Eure de lui verser la somme de 315 090 euros demandée, à titre de réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Eure la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,
- et les observations de Me C...D..., substituant Me F...H..., représentant le département de l'Eure.
1. Considérant que MmeE..., qui a été recrutée, au cours de l'année 2005, par le département de l'Eure en tant qu'assistante familiale agréée, a été l'objet, en avril 2007, d'une décision mettant fin à son contrat d'engagement ; qu'estimant que cette décision, qui avait été prise après la découverte par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Eure, au cours du mois de juin 2006, de son appartenance à la confession des Témoins de Jéhovah, était empreinte de discrimination, Mme E...en a demandé l'annulation, pour excès de pouvoir au tribunal administratif de Rouen ; que, toutefois, le département de l'Eure et l'intéressée ayant négocié une issue amiable à leur différend, un protocole d'accord a été conclu le 6 novembre 2007, aux termes duquel le département consentait à réintégrer celle-ci dans ses fonctions, ainsi qu'à faire disparaître de son dossier individuel les mentions afférentes à son appartenance religieuse, tandis que Mme E...s'engageait à se désister de l'instance engagée ; que, toutefois, par un jugement du 2 avril 2010, devenu définitif, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour excès de pouvoir, la décision du 8 août 2008 par laquelle le président du conseil général de l'Eure a de nouveau mis fin à son contrat, au motif qu'elle était insuffisamment motivée, et a fait injonction au département de l'Eure de réintégrer Mme E...dans ses fonctions ; que, cette réintégration étant intervenue le 19 octobre 2010 et l'intéressée ayant entre-temps déménagé dans le département de l'Ardèche, les services de l'action sociale du département de l'Eure lui ont formulé une ultime proposition, afférente à la prise en charge d'un adolescent rencontrant des grandes difficultés personnelles justifiant un éloignement du territoire départemental ; que Mme E...ayant refusé cette proposition et ne s'étant plus vu confier, depuis lors, aucun enfant, le département de l'Eure a de nouveau mis fin à son contrat le 24 novembre 2011 ; que Mme E...relève appel du jugement du 24 février 2015 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Eure à lui verser une somme globale de 315 090 euros à titre de réparation des préjudices moral, de santé et financier qu'elle estime avoir subis en raison de la discrimination et du harcèlement moral dont elle indique avoir été l'objet dans le cadre de l'exercice de ses fonctions d'assistante familiale et du refus illégal que le département de l'Eure a opposé à sa demande de protection fonctionnelle ;
Sur la discrimination :
2. Considérant qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison notamment de leurs opinions religieuses ; que ces dispositions sont applicables aux agents publics non-titulaires et, en particulier, aux assistants familiaux employés par des collectivités territoriales, qui, en vertu de l'article L. 422-6 du code de l'action sociale et des familles, sont des agents non titulaires de ces collectivités ;
3. Considérant qu'il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
4. Considérant que Mme E...fait état de ce que le retrait, au cours du mois d'août 2006, des deux enfants qui lui étaient confiés, a été décidé peu de temps après la découverte par le service gestionnaire des assistantes familiales, en juin 2006, de son appartenance à la confession des Témoins de Jéhovah ; qu'elle se prévaut, en outre, d'un courrier, que lui a adressé le 4 août 2006 le responsable de la mission de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Eure, lui reprochant de n'avoir pas porté ce choix de vie à la connaissance du service et l'informant de ce qu'une évaluation serait conduite pour qu'il puisse être vérifié que les conditions d'accueil des enfants sont, sur le plan éducatif, conformes à leur intérêt ; qu'elle soutient que l'évaluation à laquelle le service a ensuite procédé en décembre 2006, à une date à laquelle elle n'accueillait plus aucun enfant confié par le département de l'Eure, par trois agents des services de l'aide sociale à l'enfance de cette collectivité, était expressément motivée par la révélation de son appartenance religieuse et qu'au cours de l'entretien, des questions, reposant selon elle en grande partie sur des préjugés, lui ont improprement été posées sur les incidences possibles de cette appartenance sur l'équilibre, le bien-être et la santé des enfants ; qu'elle invoque le fait que le rapport rédigé, le 27 décembre 2006, à l'issue de cette évaluation, comporte dès lors, de même d'ailleurs que son dossier administratif individuel, des mentions concernant sa pratique religieuse et fait état de ce que les membres de l'encadrement du service ont tenu à son égard, comme en atteste notamment son époux, des propos inappropriés à ce sujet ; qu'elle estime, en outre, que les agents évaluateurs n'ont pu porter une appréciation défavorable sur les conditions de prise en charge qu'elle offrait aux enfants qui lui étaient confiés qu'en prenant en compte des éléments étrangers au champ de compétence territorial de leur service ; qu'elle invoque, enfin, sa mise à l'écart par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Eure, qui ne lui a plus confié d'enfant depuis le mois d'août 2006, à l'exception de l'accueil ponctuel, du 6 au 20 avril 2008, d'un enfant dont l'assistante familiale en titre était momentanément indisponible, et qui, en dernier lieu, lui a fait une proposition, afférente à la prise en charge d'un adolescent présentant une dépendance au cannabis et impliqué dans un trafic de stupéfiants, en sachant qu'elle ne pourrait l'accepter, compte tenu notamment de la présence au foyer de sa propre fille, alors âgée de dix-huit ans ; que l'ensemble de ces éléments permettent de faire présumer que les décisions prises par le département de l'Eure à l'égard de Mme E...et que, plus généralement, les modalités selon lesquelles la situation de cette dernière a été gérée par le service de l'aide sociale à l'enfance de cette collectivité territoriale sont empreintes de discrimination ;
5. Considérant que, pour démontrer que les décisions et mesures de gestion qu'il a prises à l'égard de Mme E... reposent sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le département de l'Eure fait valoir qu'il lui appartient, en vertu des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, de s'assurer que les conditions d'accueil offertes par l'assistant familial et qui ont justifié son agrément, continuent de garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans qui lui sont confiés ; qu'il fait valoir, en outre, que le mode de vie préconisé par les adeptes de la confession des Témoins de Jéhovah, impliquant un isolement social et le refus de certains actes médicaux, a pu légitimement conduire le service, lorsqu'il a découvert, en juin 2006, l'appartenance de Mme E...à cette confession, à mettre en oeuvre une nouvelle évaluation des conditions dans lesquelles les enfants confiés à l'intéressée seraient accueillis ; qu'il ajoute que cette évaluation a été motivée non seulement par cette découverte, mais aussi par le souhait, que Mme E...avait émis entre-temps, d'associer un accueil à temps plein avec un accueil de dépannage certains week-ends et par des difficultés, portées à la connaissance du service en cours de l'été 2006, dans l'accompagnement au quotidien des enfants jusqu'alors confiés à l'intéressée ; qu'il fait valoir, en outre, que les conclusions de cette évaluation sont globalement positives, dès lors qu'elles retiennent, comme le mentionne expressément le rapport, que Mme E..." a su exprimer sa capacité à faire la part des choses entre ses convictions religieuses personnelles et les besoins nécessaires au bon développement bio-psycho social de l'enfant " et qu'elle s'est engagée " à faire prodiguer des soins à un enfant malade, et une hospitalisation si nécessaire ", même si le rapport fait part de réserves qui ont pu être émises par le responsable du service d'aide sociale à l'enfance d'un département voisin quant aux progrès accomplis par un enfant confié à Mme E...à cette époque ; qu'il ajoute que le retrait, en août 2006, des deux enfants confiés à l'intéressée était exclusivement justifié par les difficultés de santé que l'intéressée rencontrait alors et qui avaient conduit à ce qu'elle soit placée en congé de maladie ; qu'il indique, de surcroît, qu'il n'a pas souhaité confier ensuite d'autres enfants à Mme E... en raison, d'une part, des difficultés que celle-ci avait précédemment rencontrées dans l'accueil des enfants qui lui avaient été confiés et qui avaient amené la psychologue du service à émettre des réserves sur les réelles capacités de l'intéressée à pourvoir un accueil satisfaisant, compte tenu du constat de soins non effectués et d'absence de progrès des enfants confiés, d'autre part, du déménagement de Mme E...dans un logement ne comportant qu'une seule chambre ; que, l'intéressée n'ayant plus ainsi accueilli aucun enfant durant une période de quatre mois, il a décidé de mettre fin à son engagement, conformément à l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles ; qu'après sa réintégration en 2007, l'accueil d'une fratrie a été proposé à MmeE..., qui n'était alors pas en mesure d'y faire face, pour des questions tenant à ses disponibilités et à l'équipement de son logement ; qu'aucun enfant n'ayant été confié ensuite à l'intéressée, hormis pour une courte durée au printemps 2008, durant une nouvelle période de quatre mois, elle a été licenciée pour ce motif, puis réintégrée en 2010 à la suite de l'annulation de ce licenciement pour un motif de forme ; qu'enfin, le département de l'Eure fait valoir que, suite au déménagement de Mme E...dans le département de l'Ardèche, situé à 800 kilomètres, et compte tenu de son obligation de placer en priorité les enfants suivis par ses services de l'aide sociale à l'enfance sur son territoire géographique, afin de maintenir les liens familiaux et de permettre l'exercice des droits de visite et d'hébergement, il n'a plus été en mesure de proposer d'enfant à MmeE..., ceux pour lesquels un placement hors du territoire départemental avait été envisagé ayant bénéficié d'une orientation en structure alternative collective, plus adaptée à leur situation et l'intéressée ayant refusé la seule offre qui ait pu lui être formulée ; que, dans ces conditions, il a de nouveau été mis fin, au terme d'une période de quatre mois, sans accueil, au contrat de MmeE... ;
6. Considérant que le seul fait pour le département de l'Eure d'avoir décidé de procéder à une évaluation des conditions d'accueil qu'était susceptible d'offrir MmeE..., laquelle décision n'était d'ailleurs pas seulement justifiée par la découverte inopinée de l'appartenance religieuse de l'intéressée, ne saurait, par elle-même, revêtir la nature d'une mesure discriminatoire ; que d'ailleurs, les conclusions du rapport établi à l'issue de cette évaluation s'avèrent, comme il a été dit au point précédent, globalement favorables à la poursuite de son activité par MmeE..., nonobstant la maladresse de certaines questions posées par les évaluateurs, lesquelles n'ont toutefois eu aucune influence sur les conclusions de ce rapport ; qu'il n'est, en outre, pas contesté qu'à chacune des trois dates auxquelles il a été mis fin au contrat d'engagement de la requérante, une période de quatre mois s'était écoulée sans que le département ne lui ait confié d'enfant ; que ce motif, prévu à l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles, était de nature à justifier qu'il soit mis fin à l'engagement de l'intéressée ; qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, le département justifie le fait que Mme E... n'ait pu, à ces trois reprises, se voir proposer la prise en charge d'enfants pendant quatre mois par des raisons objectives, tenant à son placement en congé de maladie, puis aux difficultés rencontrées par elle lors de précédents accueils et aux caractéristiques de son logement, enfin, à l'éloignement de son dernier domicile et au refus qu'elle a opposé à l'ultime offre qui lui a été faite, fût-ce pour des raisons légitimes ; que, de surcroît, il résulte de ce qui vient d'être dit aux deux points précédents que, si le département de l'Eure a, aussitôt après avoir découvert l'appartenance religieuse de Mme E..., porté des mentions inappropriées sur ce point dans son dossier individuel et, par l'intermédiaire des agents des services de l'aide sociale à l'enfance, exprimé à l'égard de l'intéressée, tant à l'écrit qu'à l'oral, des appréciations inadaptées sur la compatibilité entre ses convictions religieuses et son emploi, il s'est ensuite amendé, après la première rupture du contrat de l'intéressée, en faisant disparaître de telles mentions du dossier de MmeE..., en lui présentant des excuses et en proposant la conclusion d'un protocole d'accord, que l'intéressée a signé sans réserve le 6 novembre 2007, aux termes duquel elle serait réintégrée dans ses fonctions en contrepartie d'un désistement de l'action contentieuse engagée ; que Mme E...ne saurait ainsi invoquer, en tout état de cause, un quelconque préjudice spécifique à la période antérieure à la conclusion de ce protocole d'accord ; qu'enfin et dans ces conditions, si le défenseur des droits a pu estimer, après un examen approfondi des pièces qui lui avaient été communiquées, que la décision de licenciement du 8 août 2008 devait être regardée, faute pour le département de l'Eure d'apporter devant lui des éléments probants contraires, comme revêtant le caractère d'une discrimination prohibée, il résulte de la confrontation des écritures des parties et de l'examen des pièces versées à l'instruction devant la cour que les éléments invoqués par le département de l'Eure sont de nature à établir que les décisions prises par cette collectivité à l'égard de Mme E... ainsi que, plus généralement, les modalités suivant lesquelles les services de l'action sociale de ce département ont géré la situation de l'intéressée reposent sur des éléments objectifs et sont étrangères à toute discrimination ;
Sur le harcèlement moral :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) " ;
8. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
9. Considérant que Mme E...fait état de propos inappropriés qui ont été tenus par des membres de l'encadrement des services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Eure et dont témoigne son époux, après la découverte par ceux-ci de son appartenance religieuse ; qu'elle ajoute que le département a tardé à exécuter le jugement du 2 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen lui avait fait injonction de la réintégrer dans ses fonctions ; qu'elle soutient, enfin, que le département ne justifie pas avoir exploré toutes les possibilités de lui proposer les placements qui auraient pu éviter qu'il soit mis un terme à son contrat ;
10. Considérant, toutefois que, si, comme il a été dit au point 6, certains agents des services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Eure ont, après que l'appartenance religieuse de Mme E...a été découverte, porté, d'ailleurs tant à l'oral qu'à l'écrit, des appréciations inappropriées à son égard, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que le département s'est ensuite amendé, qu'il a présenté des excuses à l'intéressée, qu'un protocole d'accord a été accepté sans réserve par cette dernière le 6 novembre 2007 et que les agents du service ont ensuite adopté à l'endroit de celle-ci un comportement plus professionnel ; qu'ainsi, les seuls propos rapportés, dont il n'est au demeurant pas allégué qu'ils auraient présenté le caractère d'agissements répétés et qui sont d'ailleurs circonscrits dans le temps, ne peuvent suffire à permettre à Mme E...de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'il en est de même du fait que le département de l'Eure n'a pas exécuté avant le 19 octobre 2010, soit au terme d'un délai qui n'apparaît pas manifestement excessif, l'injonction de réintégration prononcée par le jugement du 2 avril 2010 du tribunal administratif de Rouen ; qu'enfin, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 sur les raisons pour lesquelles des propositions d'accueil n'ont pu, durant certaines périodes, être formulées auprès de Mme E..., que celles-ci reposent sur des éléments objectifs, sans lien avec les convictions religieuses de l'intéressée, et que cette issue a été envisagée après que les possibilités de confier des jeunes à cette dernière ont été explorées, en tenant compte de la disponibilité de Mme E...et des caractéristiques ainsi que de l'éloignement de ses logements successifs ; qu'il suit de là que les relations que le département de l'Eure a entretenues avec Mme E... n'ont, telles qu'elles sont décrites par celle-ci, pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique d'organisation du service ; que, dès lors, le moyen tiré par l'appelante de ce que le département de l'Eure aurait commis à son encontre des agissements constitutifs de harcèlement moral doit être écarté ;
Sur le refus de protection fonctionnelle :
11. Considérant qu'en vertu de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui sont applicables aux agents non-titulaires des collectivités territoriales, ces dernières sont tenues de protéger leurs agents contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme E...a demandé, par un courrier du 8 avril 2014, le bénéfice, dans le cadre des procédures qu'elle a engagées pour voir reconnaître la situation de discrimination et de harcèlement moral dont elle estimait être l'objet, de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions mentionnées au point 11 ; que, par une délibération du 2 juin 2014, qui s'est substituée à la décision implicite de refus née du silence gardé par le département de l'Eure sur cette demande, la commission permanente du conseil général a refusé de faire droit à celle-ci ;
13. Considérant que la décision d'accorder ou non le bénéfice de cette protection relève, en principe, de la compétence de l'organe délibérant de la collectivité ; que toutefois, s'agissant des départements, cette attribution peut, en vertu de l'article L. 3211-2 du code général des collectivités territoriales, être déléguée à la commission permanente ; qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que le conseil général de l'Eure avait, en l'espèce, donné une délégation à cette fin à la commission permanente ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la délibération du 4 janvier 2007 aurait été prise par un organe incompétent doit être écarté ;
14. Considérant que, s'il est constant que le président du conseil général a pris part à cette délibération prise à l'unanimité des membres de la commission permanente, cette circonstance ne caractérise pas, par elle-même, un manquement à l'obligation d'impartialité, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, ni n'est même allégué, que le président aurait manifesté une animosité personnelle à l'égard de MmeE..., ni fait preuve de partialité ;
15. Considérant que, comme il a été dit au point 6, il n'est pas établi que les décisions prises par le département de l'Eure après la conclusion du protocole d'accord du 6 novembre 2007 à l'égard de Mme E...et que, plus généralement, les modalités suivant lesquelles les services de l'action sociale de ce département ont géré, à compter de cette conclusion, la situation de l'intéressée seraient empreintes de discrimination ; qu'il suit de là que le département de l'Eure a pu refuser à MmeE..., sans méconnaître les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prohibant toute discrimination fondée sur la religion, le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions, rappelées au point 11, de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;
16. Considérant que, comme il a été dit au point 10, Mme E...n'a pas apporté d'éléments suffisants à permettre de faire présumer qu'elle aurait pu être victime de faits constitutifs de harcèlement moral ; que, par suite et compte tenu de ce que, comme il a été dit au point précédent et au point 6, la discrimination invoquée n'est pas davantage établie, le département de l'Eure a pu, sans entacher sa décision d'erreur de fait et sans méconnaître les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 rappelées au point 11, refuser d'accorder à Mme E...le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le cadre des actions qu'elle avait engagées ;
17. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, aux points 11 à 17, que, pour refuser d'accorder à Mme E...la protection fonctionnelle, le département de l'Eure n'a pas commis d'illégalité fautive qui soit de nature à engager sa responsabilité à l'égard de l'intéressée ;
Sur les autres manquements invoqués :
19. Considérant que, si Mme E...soutient que le département de l'Eure aurait méconnu l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les articles 1er et 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi que les articles 6 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit pas davantage qu'en première instance ces moyens de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 24 février 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Eure à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en conséquence d'agissements fautifs de cette collectivité à son égard ; que les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, en application des mêmes dispositions, une somme à la charge de Mme E...au titre des frais exposés par le département de l'Eure et non-compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Eure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...E...et au département de l'Eure.
1
2
N°15DA00575
1
3
N°"Numéro"