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20/07/2017 | FRANCE | N°16DA00571

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 20 juillet 2017, 16DA00571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 14 février 2016 du préfet de l'Eure ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600572 du 19 février 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2016, le préfet de l'Eure demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal admin

istratif de Rouen du 19 février 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 14 février 2016 du préfet de l'Eure ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600572 du 19 février 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2016, le préfet de l'Eure demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 19 février 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., de nationalité géorgienne, née le 9 août 1980, entrée en France le 4 octobre 2010 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande a été rejetée par une décision du 30 janvier 2012 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 23 décembre 2013 de la Cour nationale du droit d'asile ; que Mme B... a fait l'objet, le 30 mars 2015, d'un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ; qu'à la suite de l'interpellation le 13 février 2016 de l'intéressée dans le cadre d'une procédure de vol à l'étalage, le préfet de l'Eure a estimé que Mme B...était dépourvue de toute garantie de représentation et, par un arrêté du 14 février 2016, a ordonné son placement en rétention administrative ; que le préfet de l'Eure relève appel du jugement du 19 février 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger. / (...) " ;

3. Considérant que le tribunal a annulé l'arrêté du 14 février 2016 ordonnant le placement en rétention de Mme B...dans un local non pénitentiaire pour une durée n'excédant pas cinq jours au motif de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de l'Eure en ne recherchant pas, alors que Mme B...était parent d'un enfant mineur, si une mesure moins coercitive qu'un placement en rétention, consistant en une assignation à résidence sous surveillance électronique, était possible en application des dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, toutefois, que l'article L. 562-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des modalités d'application des dispositions relatives à l'assignation à résidence avec surveillance électronique, l'article L. 562-2 prévoyant en outre que le procédé utilisé est homologué par les ministres chargés de l'immigration et de la justice ; que les dispositions réglementaires prévues n'étaient pas intervenues à la date de l'arrêté attaqué ; que les articles L. 562-1 et L. 562-2 ne sont pas suffisamment précis pour servir de fondement à l'édiction de mesures individuelles ; qu'en effet, leurs dispositions ne précisent notamment ni l'autorité administrative compétente, ni la nature du dispositif mis en oeuvre, ni les garanties procédurales encadrant cette mesure restrictive de liberté, telles que les conditions de recueil de l'accord de l'étranger et, le cas échéant, de la personne qui l'héberge, ni les conditions de l'intervention de l'autorité médicale ; que, par ailleurs, ni les agents chargés de la pose et de la dépose du bracelet, ni les conditions de leur intervention, ne sont définis ; que, dans ces conditions et alors même que les dispositions du décret du 8 juillet 2011 ont fixé au 18 juillet 2011, l'entrée en vigueur de ces dispositions, le moyen tiré de dispositions étant inapplicables en l'état ne permettaient pas au préfet de la placer sous surveillance électronique ; que c'est donc à tort que le premier juge a annulé la décision de placement en rétention prise à l'encontre de Mme B...pour le motif précité ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen ;

6. Considérant que la décision vise le 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle indique que Mme B...ne dispose d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'elle et sa famille ne résident plus depuis le 15 septembre 2015 au centre d'accueil des demandeurs d'asile et qu'il existe un risque de fuite de l'intéressée ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée en droit comme en fait ;

7. Considérant que selon le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, " f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

8. Considérant, d'une part, qu'il appartient au préfet qui entend mettre à exécution une des décisions d'éloignement visées à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile contre un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, d'apprécier si les circonstances et notamment les garanties de représentation de ce dernier lui permettent de le laisser en liberté, ou bien doivent le conduire à l'assigner à résidence, ou à défaut de le placer en rétention administrative ; que, d'autre part, qu'au sens et pour l'application des dispositions précitées, la notion de " garanties de représentation effectives " propres à prévenir un risque de fuite doit être appréciée au regard, notamment, des conditions de résidence et de logement de l'étranger, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou encore du respect ou non, par l'étranger, des obligations lui incombant en matière de police des étrangers ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...était dépourvue de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et ne justifiait pas d'une adresse stable à la date de la décision en litige ; qu'elle ne présentait ainsi pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont elle faisait l'objet ; que, par suite, le préfet de l'Eure a pu ordonner son placement en rétention administrative ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 14 février 2016 plaçant en rétention administrative Mme B...;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen du 19 février 2016 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D...B...et à Me A...C....

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

2

N°16DA00571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00571
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt (AJ)
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL PASQUIER PICCHIOTTINO ALOUANI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-20;16da00571 ?
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