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13/07/2017 | FRANCE | N°15DA01050

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 15DA01050


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MSE Les Dunes a présenté au tribunal administratif de Lille dix-sept demandes enregistrées sous les nos 1303679, 1303680, 1303681, 1303682, 1303683, 1303684, 1303687, 1303695, 1303696, 1303698, 1303700, 1303702, 1303703, 1303705, 1303707, 1303708 et 1303709 tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions implicites par lesquelles le préfet du Nord a rejeté les demandes de permis de construire déposées en vue de la construction, sur le territoire des communes de Bévillers, de Sai

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MSE Les Dunes a présenté au tribunal administratif de Lille dix-sept demandes enregistrées sous les nos 1303679, 1303680, 1303681, 1303682, 1303683, 1303684, 1303687, 1303695, 1303696, 1303698, 1303700, 1303702, 1303703, 1303705, 1303707, 1303708 et 1303709 tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions implicites par lesquelles le préfet du Nord a rejeté les demandes de permis de construire déposées en vue de la construction, sur le territoire des communes de Bévillers, de Saint-Hilaire-lez-Cambrai, de Quiévy et de Béthencourt, de quatorze aérogénérateurs et trois postes de livraison composant le parc éolien de la voie du Moulin Jérôme, ainsi que la décision du 16 avril 2013 par laquelle il a rejeté les recours gracieux dirigés contres ces refus.

Par un jugement nos 1303679 et suivants du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les dix-sept instances, a annulé les décisions attaquées et a enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen des demandes de permis de construire déposées par la société MSE Les Dunes pour le projet de parc éolien dit de la voie du Moulin Jérôme dans un délai de six mois.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 25 juin 2015, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de la société MSE Les Dunes.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'aviation civile ;

- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant la société MSE Les Dunes.

1. Considérant que la société MSE Les Dunes a sollicité dix-sept permis de construire pour l'implantation de quatorze éoliennes et de trois postes de livraison constituant le parc éolien dit " de la voie du Moulin Jérôme ", implanté sur le territoire des communes de Bévillers, Béthencourt, Quiévy et Saint-Hilaire-lez-Cambrai, dans le département du Nord ; que le silence gardé par le préfet du Nord sur ces demandes a fait naître, le 20 décembre 2012, des décisions implicites de refus de permis de construire ; que la société MSE Les Dunes a introduit un recours gracieux contre ces décisions, qui a été rejeté par une décision du préfet du Nord du 16 avril 2013 ; que la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité relève appel du jugement du 28 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions et a enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen des demandes de permis de construire déposées par cette société dans un délai de six mois ;

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Considérant que, pour prononcer l'annulation des décisions attaquées, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur un unique motif tiré de ce que l'avis défavorable du ministre de la Défense valant refus d'autorisation qui avait lié le préfet du Nord était entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il était fondé sur la circulaire du 3 mars 2008 des ministres de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables et de la défense qui, n'ayant pas de valeur réglementaire, n'était pas opposable et ne pouvait servir de base légale à ce refus ;

3. Considérant que la circulaire du 3 mars 2008, qui reprend les recommandations édictées par l'Agence nationale des fréquences (ANFR) à la suite des rapports techniques réalisés pour mesurer les perturbations provoquées par les aérogénérateurs sur le fonctionnement des radars fixes de l'Aviation civile, de la Défense nationale, de Météo France et des ports de navigation maritime et fluviale, comporte des lignes directrices destinées à guider le pouvoir d'appréciation des autorités compétentes pour l'instruction des permis de construire sollicités par les développeurs éoliens ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a estimé que cette circulaire n'était pas opposable et que le ministre de la Défense ne pouvait s'y référer pour émettre son avis ; qu'en outre, cet avis est également fondé sur les dispositions réglementaires, notamment celles de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile et de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ; que, par suite, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen d'erreur de droit analysé ci-dessus pour annuler les décisions attaquées ;

4. Considérant qu'il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société MSE Les Dunes devant la juridiction administrative ;

En ce qui concerne le pouvoir d'appréciation du préfet :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire (...) tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente " ; qu'aux termes de l'article R. 423-51 du même code : " Lorsque le projet porte sur une opération soumise à un régime d'autorisation prévu par une autre législation, l'autorité compétente recueille les accords prévus par le chapitre V du présent titre " ; qu'aux termes de l'article R. 425-9 du même code : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense " ; que l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile auquel il est ainsi renvoyé dispose : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation (...) " ; que selon l'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : / a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire doit, lorsque la construction envisagée en dehors d'une agglomération est de nature à porter atteinte à la sécurité aérienne en raison de sa hauteur excédant 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense, afin qu'ils se prononcent sur la compatibilité du projet avec la servitude instaurée par les dispositions de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile ; qu'à défaut d'accord de l'un de ces ministres, cette autorité est alors tenue de refuser le permis de construire ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

8. Considérant que le parc éolien pour la réalisation duquel la société MSE Les Dunes a sollicité, les 14, 15 et 21 avril 2011, dix-sept permis de construire, se situe en dehors de toute agglomération et à une distance de plus ou moins 20 kilomètres, selon la position des aérogénérateurs, de la base aérienne de Cambrai, qui était alors en activité ; que compte tenu de la situation et de la hauteur des machines, supérieure à 50 mètres, le préfet du Nord a, en application des dispositions citées au point 5, saisi le ministre de la défense ; que, dans son avis du 26 mai 2011, organisé en deux parties en fonction du type de contraintes en cause, le ministre de la défense a estimé que le projet ne pouvait être autorisé en raison, d'une part, des contraintes radioélectriques liées au bon fonctionnement des radars de défense de Cambrai, et, d'autre part, des contraintes aéronautiques liées à la présence de la base aérienne n° 103 de Cambrai-Epinoy ; que le ministre s'est ainsi prononcé, d'une part, en tant qu'opérateur d'un radar destiné à la surveillance du territoire et, d'autre part, en tant qu'autorité devant autoriser, au titre des articles R. 425-9 du code de l'urbanisme et R. 244-1 du code de l'aviation civile tout projet susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de nuire à la navigation aérienne ;

9. Considérant que le ministre de la Défense a indiqué, dans la partie finale de son avis, qu'après la fermeture de la base aérienne et la libération de l'espace aérien, en septembre 2012, les contraintes aéronautiques seraient levées ; qu'il a en revanche précisé que " les contraintes liées aux radars perdureront au moins jusqu'en 2013 " ; que, dès lors, à la date des décisions implicites de rejet en litige qui, nées le 20 décembre 2012, étaient postérieures au mois de septembre 2012 mais antérieures à la fin de l'année 2013, ainsi qu'à la date de la décision du 16 avril 2013, les contraintes liées au fonctionnement des radars fixes de la Défense à Cambrai continuaient seules à justifier l'avis défavorable au projet du ministre de la défense ; qu'il en va d'ailleurs de même de la décision du 16 avril 2013 rejetant le recours gracieux de la société ;

10. Considérant que si le préfet est tenu de suivre l'avis défavorable du ministre de la défense lorsqu'il est donné au titre des articles R. 425-9 du code de l'urbanisme et R. 244-1 du code de l'aviation civile puisqu'il vaut alors refus d'autorisation, aucune disposition législative ou réglementaire ne lie sa compétence quant à l'avis exprimé par le ministre lorsqu'il est consulté en tant qu'opérateur d'un radar ; que, d'ailleurs, les lignes directrices édictées par la circulaire du 3 mars 2008 demandent aux préfets de prendre en considération les avis émis par les opérateurs radars, sauf cas exceptionnel, lors de leur prise de décision sur la demande de permis de construire d'un développeur éolien, compte tenu des conséquences possibles de ces perturbations sur la sécurité aérienne, maritime et fluviale, sur la protection du territoire, ainsi que sur la prévention des catastrophes naturelles ; qu'ainsi, il appartenait au préfet du Nord, à la date des décisions en litige, de considérer l'avis émis par le ministre au regard de ces lignes directrices et d'apprécier, au titre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, si le projet était de nature à porter atteinte à la sécurité publique du fait de sa situation et de ses caractéristiques et, notamment, de son implantation à proximité des radars de la Défense ;

11. Considérant qu'en estimant, pour rejeter les demandes de permis de construire en litige, que l'avis défavorable du ministre de la défense était en soi suffisant, le préfet du Nord n'a pas épuisé sa compétence et a commis, dès lors, une erreur de droit ;

12. Considérant qu'en l'état de l'instruction et pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens n'est de nature à justifier l'annulation prononcée ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les décisions attaquées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours de la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MSE Les Dunes et au ministre de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

4

N°15DA01050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01050
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL SANDRA BELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-13;15da01050 ?
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