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15/06/2017 | FRANCE | N°16DA00328

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 16DA00328


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Ferme éolienne du chemin du maquis a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 23 avril 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie a refusé de lui délivrer les permis de construire quatre éoliennes et quatre sous-stations sur le territoire de la commune de Wassigny, dans l'Aisne. Par un jugement n° 1201770 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet de la région Picardie

de réexaminer les demandes de permis de construire dans un délai de ...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Ferme éolienne du chemin du maquis a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 23 avril 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie a refusé de lui délivrer les permis de construire quatre éoliennes et quatre sous-stations sur le territoire de la commune de Wassigny, dans l'Aisne. Par un jugement n° 1201770 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet de la région Picardie de réexaminer les demandes de permis de construire dans un délai de six mois à compter du jugement. Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 16 février 2016, la ministre du logement et de l'habitat durable demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de première instance de la société Ferme éolienne du chemin du maquis.

....................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier.Vu :- le code de l'environnement ;- le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, - les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public, - et les observations de Me B...A..., représentant la société Ferme éolienne du chemin du maquis. Une note en délibéré a été enregistrée le 2 juin 2017 pour la société Ferme éolienne du chemin du maquis. 1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Ferme Eolienne du Chemin du Maquis a été créée en 2009 afin de développer et d'exploiter un parc éolien de neuf éoliennes, d'une hauteur de 150 mètres en bout de pale et d'une puissance nominale de 3 MW ; que le 25 mai 2010, elle a déposé, d'une part, cinq demandes de permis de construire pour l'implantation de cinq éoliennes, de cinq sous-stations de transformation et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Mazinghiem, dans le département du Nord et, d'autre part, quatre demandes de permis de construire pour l'édification de quatre éoliennes et de quatre sous-stations sur le territoire de la commune de Wassigny, dans le département de l'Aisne ; que tant le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais que le préfet de la région Picardie ont rejeté les demandes de permis de construire qui leur étaient respectivement présentées ; 2. Considérant que la ministre du logement et de l'habitat durable relève appel du jugement du 1er décembre 2015 par lequel le tribunal administratif a annulé les arrêtés de refus pris par le préfet de la région Picardie ; Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal : 3. Considérant que, pour prononcer l'annulation des arrêtés préfectoraux en litige, le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur un unique motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; qu'en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ce motif d'annulation qui est contesté devant elle ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ; 5. Considérant qu'il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent ; 6. Considérant qu'il ressort des termes du rapport du 19 septembre 2005 et du guide du 3 juillet 2007 établis par la commission consultative de la compatibilité électromagnétique de l'Agence nationale des fréquences, que les pièces fixes ou mobiles massives des éoliennes provoquent passivement une dégradation des performances des radars lorsqu'elles sont dans leur rayon de visibilité radioélectrique, par la création d'échos parasites ou " faux échos " susceptibles de détériorer, notamment, les données Doppler recueillies par les radars et de les rendre inexploitables ; que, d'ailleurs, la société appelante, si elle entend minimiser leur impact, ne conteste pas sérieusement que les éoliennes, de par le mouvement de rotation des pales, provoquent des phénomènes de distorsion de réception et de mesures des vents ; que cette agence préconise, en vue d'éviter une perturbation majeure du fonctionnement des radars, de subordonner leur installation au respect d'une distance dite " de coordination " de 5 à 20 kilomètres et de veiller à ce que la zone d'impact doppler des éoliennes n'excède pas 10 kilomètres et, dans le cas d'implantation de plusieurs parcs éoliens, à ce que leurs zones d'impact respectives, autour d'un même radar, soient espacées de plus de 10 kilomètres ; 7. Considérant que, le 25 mai 2010, la société Ferme éolienne du chemin du maquis a déposé quatre demandes de permis de construire pour l'édification de quatre éoliennes et de quatre sous-stations sur le territoire de la commune de Wassigny, dans le cadre du projet éolien dit du chemin du maquis composé de neuf éoliennes ; que le projet de ces quatre aérogénérateurs, d'une hauteur de 150 mètres en bout de pâle et d'une puissance nominale de 3 MW, est situé au-delà de la zone d'exclusion de 5 kilomètres de ce radar en bande C et à l'intérieur de sa zone de coordination de 20 kilomètres ; 8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que le projet de la société étant en visibilité directe du radar, ces éoliennes sont de nature à générer des échos fixes d'intensités variables dues au mouvement des pales ; que, selon l'avis défavorable émis par Météo France le 12 juillet 2010, dont le contenu a été repris par le préfet, le parc envisagé se situe dans la zone d'exclusion mutuelle des parcs définissant le contexte de l'étude et la zone d'impact en air clair sur les mesures Doppler du projet du chemin du maquis est distante de moins de 10 kilomètres de celles des parcs existants ou dont les permis de construire ont été acceptés ; que cette zone d'impact est, en outre, dans sa dimension la plus grande de 11,4 kilomètres, donc supérieure aux 10 kilomètres maximum acceptables par Météo France ; qu'il ressort des éléments fournis par Météo France et repris par le préfet, que la présence du parc du chemin du maquis est de nature à augmenter dans l'environnement proche du radar la densité d'échos parasites non filtrables dégradant ainsi la qualité des produits radar et, notamment, ceux utilisés pour l'hydrométéorologie ; 9. Considérant que la société Ferme éolienne du chemin du maquis produit, devant la cour, une étude relative à l'impact du projet de parc éolien réalisé, en janvier 2016, par la société Qinetiq ; que la méthode de modélisation Cloudsis 1.0 faisant l'objet d'un rapport Qinetiq/15/02959/3.0 et la société Qinétiq Ltd chargée de la mettre en oeuvre ont fait, par une décision ministérielle du 20 novembre 2015, l'objet d'une reconnaissance prise en vertu de l'article 4-2-2 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 modifié qui fixe les modalités pour éviter que l'installation soit implantée de façon à ne pas perturber " de manière significative " le fonctionnement des radars ; que cette reconnaissance est conçue pour la mise en oeuvre des dispositions du code de l'environnement en vertu desquelles les éoliennes sont soumises à un régime assimilable à celui des installations classées pour la protection de l'environnement ; que l'article 4-2 du l'arrêté ministériel précité indique que : " L'étude d'impact peut être réalisée selon une méthode reconnue par le ministre chargé des installations classées pour la protection de l'environnement dans les conditions définies à l'art 4-2-2. A défaut, le préfet peut exiger l'avis d'un tiers expert sur l'étude " ; 10. Considérant qu'il est constant que l'étude d'impact du projet réalisée en vue du dépôt de la demande de permis de construire n'a pas été, compte tenu de l'époque de sa confection antérieurement à l'enquête publique qui s'est tenue en 2011, réalisée selon la méthode de modélisation telle qu'elle a été reconnue ultérieurement dans les conditions précisées au point précédent ; que la circonstance que, postérieurement au refus de délivrance des permis de construire, la société a fait réaliser une nouvelle étude, qu'elle présente comme correspondant au modèle reconnu, ne permet pas à elle seule de regarder ses conclusions comme s'imposant au juge administratif ou comme invalidant l'avis contraire donné, à deux reprises, par Météo France ; qu'en outre, la validité scientifique de cette dernière étude tant en ce qui concerne l'état des connaissances scientifiques sur lequel elle se fonde que les options retenues pour parvenir à ses conclusions, ne ressort pas des pièces du dossier ; qu'en particulier, elle ne comporte pas l'explication détaillée des principes et des modèles qui servent de fondement aux calculs réalisés pour les simulations ; que, par suite, une telle étude ne suffit pas à contredire l'avis donné par l'administration qui repose également sur des études scientifiques dont la validité doit être regardée, à défaut de preuve contraire, comme étant au moins aussi fiable 11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la zone couverte par le radar de l'Avesnois, est régulièrement soumise à des structures en ligne de grains en provenance de l'ouest-nord-ouest et que le sud-est du sud du radar à la frontière belge est particulièrement affecté par des orages parfois violents et forts ; que l'installation des éoliennes en cause entraînerait une dégradation de la qualité des prévisions issues du modèle numérique mailles fines Arome, du champ des précipitations, d'éventuels phénomènes météorologiques dangereux, en particulier la prévision immédiate de phénomènes dangereux de petite échelle ; qu'il n'est à cet égard pas sérieusement contesté que les perturbations dues aux éoliennes mises en évidence sur une grande partie de la zone de coordination d'Avesnes pourraient masquer des phénomènes météorologiques dangereux, de petite taille, telle qu'une tornade de la nature de celle ayant eu lieu le 3 août 2008 à Hautmont ; que la dégradation, même temporaire et limitée, des performances de ce radar - qui constitue un élément indispensable dans la chaîne opérationnelle de prévision - résultant de l'implantation des éoliennes projetées par la société requérante est de nature à réduire la fiabilité des prévisions météorologiques et à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens que Météo France a pour mission d'assurer, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; 12. Considérant que la société appelante soutient également que les permis litigieux auraient pu être délivrés sous réserve de prescriptions spéciales ; que si, tout d'abord, elle fait valoir qu'elle a proposé de moduler le fonctionnement des éoliennes, en ce qui concerne la vitesse et l'angle de rotation afin d'éviter les situations les plus défavorables, elle n'apporte pas d'éléments scientifiques suffisamment probants de nature à établir la réalité de ses affirmations et, en particulier, l'incidence de ces mesures éventuelles sur les perturbations engendrées par les éoliennes ; que si la société se prévaut également de la possibilité d'utiliser la technologie dite des " pâles furtives ", susceptibles de réduire significativement les perturbations engendrées par les éoliennes, il n'est pas établi que, si elle était utilisée, le risque affectant la fiabilité des mesures et prévisions de Météo France puisse être regardé comme minime ou négligeable, à supposer de surcroît que cette technologie était effectivement opérationnelle à la date des arrêtés attaqués ; 13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 12 que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les arrêtés préfectoraux du 23 avril 2012 portant refus de permis de construire étaient entachés d'erreur d'appréciation ; 14. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Ferme éolienne du chemin du maquis devant la juridiction administrative à l'encontre des quatre arrêtés préfectoraux du 23 avril 2012 ; Sur les autres moyens : 15. Considérant que lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première ; que la société Ferme éolienne doit donc être regardée comme n'ayant contesté, en première instance que les arrêtés préfectoraux du 23 avril 2012 ; que, par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation invoqué à l'encontre des décisions implicites de rejet ne peut qu'être écarté comme inopérant à l'encontre de ces arrêtés ; 16. Considérant que les arrêtés du 23 avril 2012 comportent l'énoncé des considérations de fait et droit sur lesquelles ils se fondent ; qu'ils sont, par suite, suffisamment motivés ; 17. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes des arrêtés du 23 avril 2012 que le préfet de la région Picardie se serait estimé lié par l'avis de Météo France du 12 juillet 2010 et le rapport du 19 septembre 2005 émanant de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) ou qu'il n'aurait pas procédé à un examen particuliers des demandes qui lui étaient soumises, après avoir recueilli l'ensemble des avis requis ; 18. Considérant que la zone de coordination, comprise entre 5 et 20 kilomètres autour du lieu d'implantation d'un radar fonctionnant en mode Doppler, préconisé par l'Agence nationale des fréquences, ne constitue pas par elle-même une servitude qui serait en outre érigée sans texte, mais un dispositif technique destiné à permettre d'évaluer, dans un secteur de vulnérabilité, les perturbations susceptibles d'affecter le fonctionnement régulier d'un radar au regard de ses missions et de l'implantation des aérogénérateurs ; que les conclusions du rapport de l'ANFR pouvaient être utilisées par le préfet, entre autres éléments d'appréciation, pour procéder à l'examen des demandes de permis de construire présentées par la société, même si ce rapport était dépourvu de caractère réglementaire ; que, par suite, la société Ferme éolienne du chemin du maquis n'est pas fondée à soutenir que le préfet a entaché ses décisions de refus sur ce point d'une erreur de droit ; 19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre du logement et de l'habitat durable est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les quatre arrêtés du préfet de la région Picardie du 23 avril 2012 refusant de délivrer à la société le permis de construire quatre éoliennes et quatre sous-stations sur le territoire de la commune de Wassigny, dans l'Aisne ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la société Ferme éolienne du chemin du maquis présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 1er décembre 2015 du tribunal administratif d'Amiens est annulé. Article 2 : La demande de la société Ferme éolienne du chemin du maquis et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Ferme éolienne du chemin du maquis. Copie en sera adressée pour information au préfet de la région des Hauts-de-France. N°16DA00328 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00328
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-15;16da00328 ?
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