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18/05/2017 | FRANCE | N°14DA00446

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 18 mai 2017, 14DA00446


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N...E..., Mme B...T...épouse E...agissant en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leurs deux filles K...etO..., M. G... E...et Mme I...E...ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à leur verser en leur nom propre, la somme de 76 247,93 euros et, en leur qualité de représentants légaux de leurs deux filles mineures, la somme de 40 000 euros, ainsi qu'à Mme I...E...et M. G...E..., la somme de 20 000 euros

chacun et, d'autre part, de mettre à la charge du centre hospitalier de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N...E..., Mme B...T...épouse E...agissant en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leurs deux filles K...etO..., M. G... E...et Mme I...E...ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à leur verser en leur nom propre, la somme de 76 247,93 euros et, en leur qualité de représentants légaux de leurs deux filles mineures, la somme de 40 000 euros, ainsi qu'à Mme I...E...et M. G...E..., la somme de 20 000 euros chacun et, d'autre part, de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300747 du 22 janvier 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2014, M. N...E..., Mme B...T...épouse E...agissant en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leurs deux filles K...etO..., M. G...E...et Mme I...E..., représentés par Me A...S..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 janvier 2014 ;

2°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales in solidum ou l'un à défaut de l'autre, une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt du 28 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Douai, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. N...E...et autres tendant à l'annulation de ce jugement du 22 janvier 2014 du tribunal administratif de Lille, a ordonné une expertise en vue de déterminer les causes du décès de leur fils et frère, M. V...E..., et de rechercher si la prise en charge médicale de celui-ci a été adaptée, s'il y a eu défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier, et de préciser si les préjudices subis sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins et si la pathologie initiale du patient a joué un rôle dans la réalisation du dommage ainsi que la nature de ces préjudices.

Un rapport présenté par l'expert désigné par l'ordonnance du 11 janvier 2016 du président par intérim de la cour administrative d'appel de Douai a été enregistré le 3 mai 2016.

Par un mémoire, enregistré le 30 juin 2016, le centre hospitalier de Valenciennes, représenté par Me F...P..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, les conclusions de l'expert ne permettent pas d'identifier de façon non contestable la cause du décès de M. V...E... ;

- la prescription du neuroleptique Tercian a été conforme aux règles de l'art tant en ce qui concerne le choix de la molécule que de sa posologie et était adaptée aux graves troubles du comportement de l'intéressé ; le centre hospitalier n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- l'expert évoque l'hypothèse d'un aléa thérapeutique à l'origine du décès tenant à un effet secondaire du neuroleptique Tercian sous la forme d'une crise d'épilepsie ou d'un accident cardiaque ; par suite, c'est dans le cadre de la solidarité nationale au titre de la responsabilité sans faute que l'indemnisation peut intervenir ;

- à titre subsidiaire, la perte de chance secondaire évaluée par l'expert à hauteur de 50 % à raison d'une faute tenant à la prescription par oral et non par écrit de ce neuroleptique ne peut être retenue en l'absence de tout lien de causalité entre les soins prodigués à M. V...E...et son décès.

Par un mémoire, enregistré le 25 juillet 2016, M. E...et autres concluent aux mêmes fins que leur requête.

Ils demandent, en outre, à la cour :

1°) de condamner le centre hospitalier de Valenciennes et ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à leur verser, d'une part, en leur nom propre, chacun la somme de 25 000 euros au titre du préjudice d'affection, d'autre part, en leur qualité de représentants légaux de leurs fillesK..., O..., et de verser à M. G...E...et Mme I...E..., chacun la somme de 10 000 euros au titre du même préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2012, date de leur demande préalable et capitalisation de ceux-ci à compter du 27 juin 2013 ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier de Valenciennes et ou de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement à M. N...E...et autres, chacun une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes les frais d'expertise.

Ils soutiennent, en outre, que :

- il y a une relation de cause à effet, selon les dires de l'expert, entre l'administration du Tercian et le décès de leur fils et frère ;

- le centre hospitalier de Valenciennes a commis plusieurs manquements tant lors de la prise en charge par le service des urgences de M. V...E...à raison de l'absence de prescription d'un bilan-préopératoire et d'un scanner abdominal que lors de son admission au service de chirurgie ; qu'il y a eu, en effet, une prescription orale de Tercian sans examen préalable et sans retranscription écrite permettant la traçabilité de ces instructions ; qu'il y a eu aussi une discordance dans les transmissions entre infirmières concernant l'administration du Tercian et une absence de prise des constantes physiologiques ; il a aussi manqué à son obligation de sécurité alors que les antécédents de M. V...E...justifiaient une surveillance constante et particulière ;

- ces fautes sont à l'origine d'une perte de chance de 50 % d'éviter le décès ;

- l'existence d'une faute médicale imputable à un praticien, qui a entraîné une perte de chance, n'exclut pas une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre d'un aléa thérapeutique ; en l'espèce, l'expert a également retenu un aléa thérapeutique secondaire à l'administration du Tercian et les conditions d'anormalité du dommage étant remplies, par suite, il sera mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales l'indemnisation des conséquences de cet aléa thérapeutique à hauteur de 50 % ;

- si aucune faute n'est retenue à l'encontre du centre hospitalier de Valenciennes, ils sont fondés à demander la réparation intégrale de leurs préjudices à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

- ils sont fondés à demander le remboursement des frais d'obsèques qui s'élèvent à la somme de 5 694,21 euros ;

- ils sont également fondés à demander réparation du préjudice d'affection et du préjudice moral qu'ils ont subis à raison du décès de leur fils et frère.

Par des mémoires, enregistrés le 27 février 2017 et le 10 avril 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me M...J..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la partie perdante les entiers dépens.

Il soutient que :

- à titre principal, le lien de causalité direct et certain entre la prise de Tercian et le décès de M. V...E...n'est pas établi ainsi que cela ressort des dires de l'expert ; par suite, les conditions de mise en oeuvre de la solidarité nationale ne sont pas réunies ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le décès de M. U...serait regardé comme imputable à l'administration du Tercian et compte tenu des nombreuses fautes relevées par l'expert quant à la prise en charge médicale du patient par le centre hospitalier de Valenciennes de nature à engager sa responsabilité, il ne peut y avoir de prise en charge des dommages ainsi subis au titre de la solidarité nationale ;

- dans l'hypothèse où l'existence d'un aléa thérapeutique serait retenue, la part prise en charge par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne saurait excéder 50 % ; compte tenu de l'absence de communauté de vie et de l'éloignement géographique entre le défunt et ses proches, la somme allouée aux ayants droit de M. V...E...ne saurait excéder 6 500 euros chacun, soit 3 250 euros après application du taux mis à la charge de l'Office ;

- les consorts E...justifient avoir exposé une somme de 5 694,21 euros au titre des frais d'obsèques, il sera fait droit à leur demande à hauteur de 2 847,105 euros après application du taux de 50 % précité.

Vu l'ordonnance du 22 janvier 2016 du président de la cour par intérim, accordant une allocation provisionnelle de 300 euros versée par le centre hospitalier de Valenciennes à l'expert, M. Q...R....

Vu l'ordonnance du 11 mai 2016 du président de la cour taxant et liquidant les frais de l'expertise à la somme de 500 euros toutes taxes comprises.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me C...S..., représentant les consorts E...et Me D...L..., représentant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

1. Considérant que M. V...E..., alors âgé de dix-neuf ans, atteint du syndrome de Weaver, pris en charge depuis le 18 février 2004 à l'institut médico-pédagogique pour personnes polyhandicapées et déficientes mentales de l'Espéranderie en Belgique, a été admis au centre hospitalier de Valenciennes le 19 mai 2012 à la suite de l'absorption de corps étrangers multiples ; que M. E...est décédé dans cet établissement le 22 mai 2012 ; que ses parents, agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de représentants légaux de leurs deux filles mineures K...et O...et M. G...E...et Mme I...E...ont recherché la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Valenciennes ; que les consorts E...relèvent appel du jugement du 22 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes indemnitaires ;

Sur l'origine du décès :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi le 11 avril 2016 par l'expert désigné par la cour, que M. V...E...était porteur d'un syndrome de Weaver, pathologie orpheline, associant un gigantisme, des anomalies crânio-faciales et neurologiques, une déformation de la cage thoracique et un retard psychomoteur associé à des troubles importants du comportement ; que l'expert, après avoir écarté la possibilité d'un syndrome malin des neuroleptiques en l'absence d'une hyperthermie et la possibilité d'une crise d'épilepsie malgré un épisode ancien dans les antécédents du patient, n'exclut pas formellement d'autres hypothèses à l'origine du décès comme des troubles du rythme cardiaque secondaires alors que l'intéressé présentait un souffle cardiaque à sa naissance ou la prise d'un autre produit par l'intéressé en raison de sa propension à ingurgiter tout objet à sa portée, mais les estime peu probables ; qu'il conclut en définitive qu'on peut considérer qu'il existe une relation de cause à effet entre l'administration de Tercian, résultant d'effets secondaires propres à ce médicament, et le décès du patient ; qu'ainsi l'administration de Tercian est selon lui à l'origine du décès du patient ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;

4. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement, et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

5. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que la prise en charge médicale de M. V... E...au service des urgences du centre hospitalier de Valenciennes, qui a consisté en la prise des constantes physiologiques, un examen complet et la demande d'un avis chirurgical, a été consciencieuse ; qu'après son transfert en chirurgie, si l'expert souligne que la prescription de Tercian a été effectuée sans examen du receveur par le prescripteur, uniquement par voie orale, en méconnaissance des règles fixées par l'arrêté du 6 avril 2011 susvisé et qu'une discordance a été constatée entre les transmissions des infirmières le 19 mai 2012 et les feuilles de surveillance quant à la posologie administrée de ce neuroleptique, 50 mg selon les premières et 25 mg selon les secondes, il estime que le choix de la molécule contenue dans le Tercian, neuroleptique utilisé dans les états d'agitation extrême et d'agressivité, et sa prescription faite à raison des importants troubles du comportement de M. V...E...lors de la prise en charge dans ce service, ont été conformes aux règles de l'art ainsi que sa posologie, bien inférieure à la dose maximale habituelle même en retenant l'hypothèse d'une injection de 50 mg ; qu'il résulte de ces éléments qu'aucune négligence fautive du centre hospitalier de Valenciennes n'a été à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès qui est entièrement dû aux effets secondaires du Tercian ;

6. Considérant que les consorts E...font valoir dans le dernier état de leurs écritures que l'état de santé de leur fils et frère nécessitait une surveillance particulière et constante de la part du centre hospitalier de Valenciennes ; qu'il ne résulte pas du rapport d'expertise que M. V... E...nécessitait une telle surveillance alors que l'administration du Tercian avait permis de calmer son état d'agitation ; que si l'expert note que, le 20 mai 2012, ni la pression artérielle, ni la fréquence cardiaque n'ont été relevées, il n'établit aucun lien entre cette omission et le décès ;

7. Considérant que, dès lors, la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes n'est pas engagée ;

Sur la mise en oeuvre de la solidarité nationale :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire (...) " ; qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM ;

9. Considérant, d'une part, que si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'Office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité ; que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que, par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ;

10. Considérant, d'autre part, que la condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions précitées doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;

11. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que les conséquences de l'acte médical non fautif ont été notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement ; qu'au surplus, l'expert indique que les effets secondaires du Tercian sont très rares, qu'il s'agisse d'un accident cardiaque ou de l'apparition de crises convulsives, celles-ci survenant dans moins de 0,01 % des cas ; qu'ainsi, les conditions de mise en oeuvre d'une réparation au titre de la solidarité nationale sont réunies ;

Sur les préjudices des consorts E...:

12. Considérant que M. N...E...et Mme B...E...justifient avoir exposé des frais d'obsèques pour leur enfant, pour un montant de 5 694,21 euros ; qu'il y a lieu de leur accorder cette somme au titre de ce chef de préjudice ;

13. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi à raison du décès de M. V...E..., alors âgé de dix-neuf ans et résidant hors du foyer familial, en allouant à M. N...E...et Mme B...E..., ses parents, chacun la somme de 10 000 euros et à ses frère et soeurs, Gracia, I..., K...et O...E...chacun la somme de 4 000 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

14. Considérant que les sommes servies aux consorts E...porteront intérêts à compter du 27 juin 2012, date de leur demande préalable ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 27 juin 2013 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année entière d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les dépens :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, tels que liquidés et taxés par l'ordonnance du président de la cour du 11 mai 2016 à la somme de 500 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme globale de 1 500 euros à verser aux consorts E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à M. N...E...et à Mme B... T...épouse E...ensemble la somme de 5 694,21 euros et chacun une somme de 10 000 euros. Il est en outre condamné à verser à M. G...E..., Mmes I..., K...et O...E...chacun la somme de 4 000 euros. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2012. Les intérêts seront capitalisés à la date du 27 juin 2013 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 500 euros sont mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera aux consorts E...une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. N...E..., à Mme B...T...épouse E...en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs deux filles mineures K...etO..., à M. G...E..., à Mme I...E..., au centre hospitalier de Valenciennes, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ainsi qu'à l'expert.

Délibéré après l'audience publique du 25 avril 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- Mme Dominique Bureau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 mai 2017.

Le rapporteur,

Signé : M. H...La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

2

N°14DA00446


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00446
Date de la décision : 18/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-05-18;14da00446 ?
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