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25/04/2017 | FRANCE | N°14DA01479

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (ter), 25 avril 2017, 14DA01479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SOS Oxygène Normandie a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 31 janvier 2012 par laquelle le directeur de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Normandie a prononcé le " déconventionnement " de la société pour une durée de six mois à compter du 1er mars 2012.

Par un jugement n° 1200674 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enreg

istrée le 29 août 2014, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) Norman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SOS Oxygène Normandie a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 31 janvier 2012 par laquelle le directeur de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Normandie a prononcé le " déconventionnement " de la société pour une durée de six mois à compter du 1er mars 2012.

Par un jugement n° 1200674 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 août 2014, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) Normandie, représentée par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 1er juillet 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société SOS Oxygène Normandie devant le tribunal administratif de Rouen ;

3°) de mettre à la charge de la société SOS Oxygène Normandie une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 31 janvier 2012 prononçant le " déconventionnement " de la société Oxygène Normandie n'avait pas à être motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- les autres moyens présentés par la société SOS Oxygène Normandie devant les premiers juges ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 mars 2015, le 18 janvier 2016 et le 13 mars 2017, la société SOS Oxygène Normandie, représentée par Me A...B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la CARSAT Normandie une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 31 janvier 2012 du directeur de la CARSAT Normandie prononçant son " déconventionnement " est une sanction qui devait être motivée au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat dans sa décision du 7 décembre 2016 ;

- elle est insuffisamment motivée au regard de ces dispositions ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- le principe d'impartialité a été méconnu par les commissions paritaires régionale et nationale ;

- il y a eu une erreur dans l'interprétation des dispositions des articles 17, 19 et 23 de la convention nationale des prestataires délivrant des dispositifs médicaux du 7 août 2002 ;

- la sanction est disproportionnée et, par suite, la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation quant au choix de cette sanction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant la société SOS Oxygène Normandie.

1. Considérant qu'à la suite de contrôles effectués par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime et celle de l'Eure portant sur les facturations de prestations d'oxygénothérapie à domicile et d'autres prestations réalisées par la société SOS Oxygène Normandie, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) Normandie a engagé à l'encontre de cette société, en raison des nombreuses et graves anomalies relevées, la procédure de sanction prévue par l'article 31 de la convention nationale du 7 août 2002 organisant les rapports entre les trois caisses nationales de l'assurance maladie obligatoire et les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres I et IV de la liste visée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ; que, par une décision du 6 octobre 2011, prise après avis de la commission paritaire régionale mise en place par cette convention, le directeur de la CARSAT Normandie a prononcé à l'encontre de la société SOS Oxygène Normandie une mesure de " déconventionnement " pour une période de six mois à compter du 1er janvier 2012 ; que cette société a formulé un recours contre cette sanction auprès de la commission paritaire nationale instaurée par la convention nationale du 7 août 2002 ; qu'après un avis favorable à la mesure prise à l'encontre de la société SOS Oxygène Normandie émis le 3 janvier 2012 par cette commission, le directeur de la CARSAT Normandie a, par une décision du 31 janvier 2012, maintenu la sanction du " déconventionnement " pour une durée de six mois à compter du 1er mars 2012 jusqu'au 31 août 2012 ; que la CARSAT Normandie relève appel du jugement du 1er juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision ;

2. Considérant, d'une part, qu'en application de l'article L. 165-6 du code de la sécurité sociale, les organismes d'assurance maladie, ainsi que les mutuelles, les institutions de prévoyance et les sociétés d'assurance peuvent conclure des accords, à l'échelon local ou national, avec les distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel, notamment en ce qui concerne la qualité, les prix maximum pratiqués et les modalités de dispense d'avance de frais ; qu'en application de ces dispositions, les trois caisses nationales de l'assurance maladie obligatoire ont conclu, le 7 août 2002, avec trois organisations syndicales représentant les prestataires de dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres I et IV de la liste prévue par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, une convention, qui organise leurs rapports, notamment une procédure de sanction en cas de manquements aux obligations contractuelles, et définit les sanctions que les caisses sont susceptibles de prononcer ; qu'il n'est pas contesté que la société SOS Oxygène Participations, dont la société SOS Oxygène Normandie est une filiale, a adhéré à cette convention ; que l'article 31 de cette convention prévoit que lorsque les caisses constatent un manquement par le prestataire à ses engagements, notamment en matière de délivrance des produits et prestations et de facturations de ceux-ci, la caisse régionale de l'assurance maladie des travailleurs salariés adresse à ce prestataire une demande d'explications et si, au regard des éléments de réponse, les faits s'avèrent suffisamment fondés, saisit la commission paritaire régionale qui, à l'issue d'une procédure contradictoire, émet un avis sur la décision à prendre ; que l'article 32 de la convention précise que le prestataire à qui une sanction a été infligée par une caisse régionale dispose d'un délai de deux mois pour présenter un recours auprès de la commission paritaire nationale et qu'en cas de " déconventionnement ", le recours est suspensif ; que, selon cet article 32, qui indique que la mesure de " déconventionnement " n'est définitive qu'après épuisement des procédures conventionnelles, la caisse régionale arrête sa décision au vu de l'avis de la commission paritaire nationale qui intervient à la suite d'une procédure contradictoire ;

3. Considérant qu'il résulte de ce dispositif organisé par les articles 31 et 32 de la convention du 7 août 2002 que l'action ouverte au prestataire devant la commission paritaire nationale en cas de sanction du " déconventionnement ", action qui a pour effet de suspendre la sanction jusqu'à la décision par laquelle la caisse arrête définitivement sa position, présente le caractère d'un recours préalable obligatoire ; qu'il s'ensuit que la décision que la caisse prend au vu de l'avis que la commission paritaire nationale rend sur le recours du prestataire se substitue à celle intervenue préalablement, à la suite de l'avis de la commission paritaire régionale ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 115-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Sont fixées par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 les conditions dans lesquelles les organismes de sécurité sociale doivent faire connaître les motifs de leurs décisions individuelles " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, en vigueur à la date de la décision attaquée et désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - infligent une sanction ; (...) - rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire " ; qu'aux termes de son article 6, désormais codifié à l'article L. 211-7 du même code : " Les organismes de sécurité sociale et les institutions visées à l'article L. 351-2 du code du travail doivent faire connaître les motifs des décisions individuelles par lesquelles ils refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 11 juillet 1979, que les sanctions prises par les organismes de sécurité sociale, qui constituent des décisions administratives, doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et non de son article 6, qui ne vise que les décisions de droit privé prises par ces organismes ;

5. Considérant que le paragraphe 1 de l'article 5 de la convention nationale précitée prévoit que les adhérents " s'engagent à mettre en oeuvre l'ensemble des moyens susceptibles de garantir le strict respect des règles de délivrance conditionnant la prise en charge desdits produits et prestations " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du contrôle effectué sur ses facturations remboursées d'oxygénothérapie et d'autres prestations, il a été demandé à la société SOS Oxygène Normandie des reversements d'indus pour des montants respectifs de 10 846,17 euros et 5 231,42 euros, qui lui ont été notifiés en application des articles L. 133-4 et L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale ; qu'après mise en oeuvre de la procédure contradictoire mentionnée au point 2, la CARSAT, nouvelle dénomination de la caisse régionale d'assurance maladie mentionnée dans la convention nationale de 2002 a, par la décision attaquée, prononcé le " déconventionnement " de cette société sur le fondement de l'article 32 de cette convention, pour une durée de six mois ; que le directeur de la CARSAT Normandie a ainsi sanctionné la méconnaissance de l'article 5 de la convention imposant le respect des dispositions des articles L. 133-4 et L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale relatives à la délivrance et à la tarification des prestations en cause ; que la décision de cette caisse, agissant dans le cadre des prérogatives de puissance publique dont elle est dotée en vue de l'accomplissement de ses missions de service public, constitue une sanction au sens des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et est soumise à l'obligation de motivation prévue par ce texte ;

6. Considérant que la décision du directeur de la CARSAT Normandie du 31 janvier 2012 indique que " conformément à l'article 32 paragraphe 2 de la convention nationale du 7 août 2002 susvisée, la commission paritaire nationale a émis un avis " joint en annexe à cette décision, et qu'" après avoir pris connaissance de cet avis et en accord avec les organismes régionaux des autres régimes ", la sanction du " déconventionnement " pour une durée de six mois est maintenue ; que cette décision ne comporte ainsi aucune information sur la nature des faits reprochés et leur fréquence, ni aucune précision sur leur impact financier, tous éléments de nature à fonder tant le principe même de la sanction que sa gravité ; que, dans son avis rendu le 3 janvier 2012, préalable à la décision attaquée, la commission paritaire nationale précise seulement que " les anomalies sont d'une gravité particulière et induisent toutes une dépense indue pour l'assurance maladie ", en ajoutant que " le nombre important de ces anomalies est constitutif d'un préjudice significatif " ; que, si l'avis évoque également " la gravité des anomalies imputables à la société, mettant en cause ses relations avec l'assurance maladie " et conclut que " la confiance nécessaire à la relation conventionnelle se trouve atteinte et justifie que cette relation soit suspendue pour une durée permettant de garantir une rectification des pratiques suffisantes pour la rétablir ", il n'énonce pas davantage les considérations de fait qui ont été prises en compte pour déterminer la sanction ; que la CARSAT ne peut utilement se prévaloir des motifs énoncés dans sa décision du 6 octobre 2011, à laquelle s'est substituée celle du 31 janvier 2012, intervenue à l'issue de la procédure contradictoire devant le comité paritaire national ; que la circonstance que la société ait été informée des griefs retenus contre elle par la CARSAT Normandie au cours de la procédure ne dispensait pas cet organisme d'énoncer les motifs de fait sur lesquels il entendait, finalement, fonder la sanction ; que, par suite, la décision du 31 janvier 2012 ne satisfait pas à l'obligation de motivation telle que prévue par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

7. Considérant que, contrairement à ce que soutient la CARSAT Normandie, le dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, introduit par la loi du 17 mai 2011 susvisée, qui impose la motivation des décisions rejetant les recours administratifs préalables obligatoires à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire, n'a ni pour objet, ni pour effet d'exclure du champ de cet article 1er les décisions qui prononcent, à la suite d'un tel recours administratif préalable, une sanction sur un fondement conventionnel ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CARSAT Normandie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 31 janvier 2012 prononçant une sanction à l'encontre de la société SOS Oxygène Normandie ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CARSAT Normandie le versement à la société SOS Oxygène Normandie d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Normandie est rejetée.

Article 2 : La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Normandie versera à la société SOS Oxygène Normandie une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Normandie et à la société SOS Oxygène Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Etienne Quencez, président de la Cour,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 avril 2017.

Le rapporteur,

Signé : M. E...Le président de la Cour,

Signé : E. QUENCEZ

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

6

N°14DA01479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 14DA01479
Date de la décision : 25/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

62-05-02 Sécurité sociale. Contentieux et règles de procédure contentieuse spéciales. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : CABINET FGD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-04-25;14da01479 ?
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